Brazzaville renforce son empreinte bleue en RCA : 180 policiers congolais en route

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Une présence militaire qui s’inscrit dans la durée

Treize années après son premier déploiement au sein des opérations de paix des Nations unies, le Congo-Brazzaville confirme sa constance stratégique en République centrafricaine. Le relais assuré par la onzième Unité de police constituée, forte de 180 gendarmes et policiers, prolonge une contribution déjà saluée par le Département des opérations de paix. À Bangui comme à Brazzaville, l’enjeu est double : consolider les acquis sécuritaires en Centrafrique et affirmer la fiabilité d’un partenaire sous-régional dont la diplomatie militaire se veut pragmatique.

De l’esplanade de Kintélé aux rues de Bangui : un entraînement calibré ONU

Commencé le 2 décembre 2024, le cycle de mise en condition opérationnelle a épousé le canevas onusien, depuis la génération de force jusqu’à la certification finale. Six mois d’exercices tactiques diurnes et nocturnes, de modules sur les droits humains, mais aussi de séances de tir à munitions réduites pour coller aux techniques de désescalade préconisées par la Minusca. « Il n’y aura pas de surprise sur le théâtre, la doctrine est maîtrisée », confiait un instructeur français détaché au Centre d’entraînement de Djoué, soulignant l’appropriation rapide des procédures par les cadres congolais.

Femmes en uniforme : catalyseur d’acceptation communautaire

Vingt-cinq femmes composent l’UPC-11, soit un taux supérieur aux 19 % visés par l’ONU à l’horizon 2025. Au-delà du symbole, leur présence répond à une logique opérationnelle : faciliter le renseignement de proximité, renforcer les fouilles respectueuses des normes de genre et offrir à la population centrafricaine une image inclusive de la force. « Chaque interaction féminine réduit d’un cran la tension dans les quartiers sensibles », assure la capitaine Clarisse Kassa, future officier affaires civiles de la compagnie.

Un dispositif logistique maîtrisé malgré les défis

Le fret, composé de véhicules blindés légers Mamba rénovés à Oyo et de stations radio VHF sécurisées, précède la troupe par voie aérienne militaire congolaise. Cette capacité d’auto-projection, consolidée depuis l’acquisition de deux Iliouchine 76, limite la dépendance vis-à-vis des affrètements commerciaux et accroît la réactivité stratégique. Le ministre de la Défense nationale, Charles Richard Mondjo, l’a rappelé lors de la cérémonie de Kintélé : « Le matériel doit arriver en même temps que ceux qui l’utiliseront, gage de souveraineté et de discipline budgétaire. »

Renseignement et police de proximité : la signature congolaise

Au cœur de Bangui et dans les préfectures de l’Ombella-M’Poko et de la Kémo, l’UPC-11 sera engagée dans la sécurisation d’axes routiers, le contrôle de foules et la collecte de renseignement humain. L’expérience acquise sur le corridor ferroviaire Pointe-Noire–Brazzaville contre les trafics transfrontaliers constitue un atout particularisé : les gendarmes congolais excellent dans le dépistage des cargaisons d’armes artisanales et de minerais dissimulés. Cette compétence spécifique sera mise à profit pour assécher les circuits d’approvisionnement des groupes armés, priorité fixée par la Force Minusca.

Un mandat qui sert la diplomatie de sécurité régionale

En persistant à engager ses forces en Centrafrique, Brazzaville défend une vision concertée de la stabilité d’Afrique centrale. La Communauté économique des États d’Afrique centrale reconnaît au Congo un rôle de « facilitateur discret ». L’édition 2024 de l’Exercice multinational Loango a d’ailleurs intégré un volet de projection de maintien de la paix inspiré des retours d’expérience des UPC précédentes. Cette synergie entre entraînement national et théâtre opérationnel illustre la montée en puissance d’un outil de défense désormais indissociable de la politique étrangère congolaise.

Entre consolidation de la paix et retour d’expérience

Le mandat de douze mois qui s’ouvre promet un flux régulier de données tactiques et doctrinales susceptibles d’alimenter l’état-major congolais à Brazzaville. Les retours d’expérience de la 10ᵉ UPC ont déjà conduit à l’adaptation des règles d’engagement nationales pour les opérations de soutien à la paix. En contribuant à la sécurité de la République centrafricaine, le Congo affine donc simultanément ses propres capacités d’intervention. Reste que, comme l’a souligné le lieutenant-colonel Béranger Issombo, « la meilleure doctrine n’a de valeur que si elle s’adosse à une conduite irréprochable sur le terrain ». L’histoire des contingents congolais tend à montrer que ce principe ne relève pas du simple slogan.

Le pari de la continuité professionnelle

L’envoi de l’UPC-11 ne constitue pas une parenthèse, mais l’étape logique d’une chaîne de relèves désormais routinisée. À mesure que le Congo consolide sa place parmi les dix premiers contributeurs de police en Afrique subsaharienne, le pays se fabrique un capital réputationnel qui pèse dans les enceintes multilatérales. Dans une sous-région où les agendas sécuritaires restent fluides, cette constance donne à Brazzaville un levier d’influence pacifique, complémentaire des outils diplomatiques classiques et cohérent avec la vision portée par le président Denis Sassou Nguesso d’un « axe de paix et de développement » en Afrique centrale.

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