De Brazzaville à Bangui : 180 policiers congolais musclent la paix onusienne

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Brazzaville renforce son empreinte sécuritaire en Centrafrique

Sous le soleil déjà haut de Kintélé, le 27 juin dernier, l’Esplanade du stade de la Concorde offrait un décor de grande parade. Au rythme des tamtams et des trompettes régimentaires, 180 gendarmes et policiers – dont 25 femmes – ont reçu l’étendard qui les accompagnera au sein de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en Centrafrique. La cérémonie, présidée par le ministre de la Défense nationale Charles Richard Mondjo, scellait le transfert d’autorité au lieutenant-colonel de police Béranger Issombo, nouvellement élevé au commandement de l’UPC-11. L’événement matérialise la continuité d’un engagement entamé en 2014 et maintenu sans discontinuer par Brazzaville, devenu acteur clé de la sécurité collective dans l’hinterland centrafricain.

Un cycle de mise en condition opérationnelle calqué sur les standards onusiens

Commencé le 2 décembre 2024, le programme de préparation de l’UPC-11 a suivi cinq séquences pédagogiques graduelles qui épousent les exigences du Département des opérations de paix de l’ONU. De la formation des formateurs à l’instruction tactique, en passant par la génération de force, chaque étape a été conçue pour faire converger des officiers et sous-officiers issus de la police et de la gendarmerie autour d’une culture professionnelle partagée. Les stagiaires ont multiplié les exercices de contrôle de foules, de protection de convoi et de sécurisation de sites sensibles, intégrant les modules de gestion du stress et de traitement éthique des populations civiles. « La robustesse d’un contingent se mesure autant à sa discipline qu’à sa capacité d’adaptation aux environnements asymétriques », insistait, lors de la dernière séance de débriefing, le colonel-major Patrice Okoumba, responsable pédagogique du centre d’entraînement de Djoué.

La diplomatie militaire congolaise à l’épreuve du terrain centrafricain

Dans un contexte où la Centrafrique demeure exposée aux agissements de groupes armés périphériques, la présence visible d’un contingent congolais participe d’une stratégie de voisinage sécuritaire assumée par Brazzaville. « Le Congo est solidaire d’un pays frère dont la stabilité contribue mécaniquement à la nôtre », martelait le ministre Mondjo lors de son allocution. L’enjeu est double : contribuer à la pacification de Bangui tout en projetant l’image d’un État fournisseur de sécurité régionale crédible. À l’heure où de nouvelles dynamiques d’alliances se dessinent dans le Bassin du Congo, la participation continue aux opérations de paix confère à Brazzaville un capital diplomatique que les chancelleries, de Paris à Pretoria, observent avec un intérêt renouvelé.

Une contribution féminine stratégique au sein de l’UPC-11

Les 25 femmes intégrées dans l’unité incarnent une évolution doctrinale majeure voulue par les Nations unies et soutenue par le haut commandement congolais. Au-delà de la symbolique d’égalité, ces policières expérimentées facilitent l’interaction avec les communautés locales, en particulier dans les opérations de collecte de renseignements et d’accompagnement des victimes d’abus. Le capitaine Élise Moundélé, enquêtrice spécialisée en violences basées sur le genre, souligne que « la confiance des populations augmente dès lors qu’elles perçoivent une unité mixte, perçue comme moins intimidante et plus attentive aux préoccupations quotidiennes ». Cette dimension humaine complète la composante purement coercitive de la mission, ouvrant la voie à une stabilisation durable.

Perspectives capacitaires et retour d’expérience attendu

Le mandat d’un an confié à l’UPC-11 sera jalonné par des évaluations trimestrielles qui mesureront l’efficacité des patrouilles mixtes, la réactivité en cas d’incident et la cohésion avec les autres contingents. Les instructeurs comptent tirer de ce déploiement un retour d’expérience précieux pour les plans de modernisation de la police et de la gendarmerie congolaises. Dans l’optique des réformes annoncées par le Conseil national de sécurité, l’accent mis sur la cybersécurité des communications tactiques et l’usage gradué de la force sera capital. Une fois rentrées, les unités republieront leurs enseignements dans des sessions de restauration des savoir-faire au profit d’escadrons restés au pays, bouclant ainsi le cycle de transmission et d’amélioration continue.

Un engagement appelé à se pérenniser

En confiant à l’UPC-11 la tâche de relever ses prédécesseurs à Bangui, Brazzaville réaffirme une doctrine fondée sur la responsabilité régionale et la professionnalisation progressive de ses forces. La mise en œuvre rigoureuse des directives onusiennes, alliée à un leadership politique clair, devrait permettre à la mission de se dérouler sans heurts disciplinaires, écueil souvent redouté dans les opérations internationales. En Centrafrique, les casques bleus congolais ont déjà prouvé leur capacité d’interposition et de médiation, tissant des liens de confiance avec l’État hôte. À l’aube de ce nouveau mandat, l’équation sécuritaire reste complexe, mais l’UPC-11 arrive avec un capital d’expérience et un moral que la cérémonie de Kintélé a largement consolidés. La stabilité de Bangui, et au-delà celle du corridor stratégique reliant l’Océan Atlantique à la savane sahélienne, dépendra en partie de la résilience de cette force, symbole tangible de la diplomatie de défense prônée par le président Denis Sassou Nguesso.

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