Cadets d’hier, stratèges de demain : Rémy Ayayos Ikounga dynamise la relève

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Une assemblée placée sous le signe de la continuité stratégique

Dans la salle des conférences internationales du Palais des congrès de Brazzaville, le 6 juillet 2025, l’atmosphère mêlait solennité et camaraderie retrouvée. Les Anciens Enfants de Troupe du Congo – appelés AET dans le jargon militaire – ont reconduit, pour trois ans, leur président sortant, le général de corps d’ingénieurs à la retraite Rémy Ayayos Ikounga. Au-delà d’un simple vote statutaire, la manœuvre témoignait d’un désir de stabilité au sein d’un corps associatif dont l’influence croît dans les cercles de décision sécuritaire congolais.

Dans son adresse inaugurale, le président fraîchement réélu a insisté sur « l’honneur et la dignité » qui guideront son second mandat. Derrière ces formules à forte charge symbolique se lit une ligne d’action : resserrer les rangs d’anciens cadets aujourd’hui dispersés dans l’administration, la diplomatie et les forces armées, afin de capitaliser sur leur culture commune du devoir. À mesure que l’appareil sécuritaire national poursuit sa modernisation, cette cohorte disciplinée représente un réservoir de compétences civilo-militaires mobilisables à brève échéance.

Le Bureau exécutif, bras civil d’une culture militaire partagée

Autour de M. Ikounga, un exécutif resserré conjugue expériences de terrain, expertise logistique et savoir-faire financier. Le tandem formé par le vice-président Armel Nzoulani et le secrétaire général René Nganongo garantit la continuité des dossiers relatifs à l’entraide sociale des vétérans, tandis que Michel Zamba, chargé de la communication, pilote désormais une stratégie de visibilité adaptée aux standards numériques imposés aux organisations de défense modernes. En langage opérationnel, il s’agit d’un état-major civil, doté d’objectifs précis, qui entend dialoguer d’égal à égal avec les structures officielles.

Ce choix de gouvernance, validé à l’unanimité par l’assemblée générale, s’inscrit dans l’orientation globale du gouvernement congolais : consolider la cohésion nationale par la valorisation de référents patriotiques transgénérationnels. À cet égard, l’AET fonctionne comme un multiplicateur de forces immatérielles, unissant les anciens cadets d’hier aux recrues d’aujourd’hui au sein des Forces armées congolaises (FAC) et des unités de police.

L’EMPGL, matrice institutionnelle d’une élite militaire congolaise

Créée en 1946, rebaptisée en 1961 École militaire préparatoire général Leclerc, l’EMPGL célèbre ses quatre-vingts ans en 2026. L’établissement, situé au cœur de Brazzaville, a formé plusieurs générations de décideurs militaires et civils. À l’approche de cet anniversaire symbolique, l’AET a mission de documenter l’héritage académique et moral de l’école – rigueur, sens de l’honneur, discipline collective – valeurs que les autorités prônent dans le Livre blanc sur la défense publié il y a deux ans.

La commémoration, placée sous le haut patronage des ministères de la Défense et de l’Enseignement supérieur, offrira l’occasion de colloques doctrinaux, d’expositions patrimoniales et d’exercices de leadership interarmées. M. Ikounga envisage d’ailleurs un forum de réflexion stratégique réunissant anciens et actuels officiers issus de l’EMPGL pour débattre de la cyber-résilience et de la coopération opérationnelle dans le Golfe de Guinée.

Une fédération panafricaine pour projeter le soft power congolais

Lorsqu’il a été porté, fin 2024, à la présidence de la toute nouvelle Fédération des Anciens Enfants de Troupe d’Afrique, Rémy Ayayos Ikounga a perçu le potentiel diplomatique d’une telle plateforme. Désormais, les sections d’anciens cadets du Cameroun, du Bénin ou encore du Tchad échangent protocoles de formation, stages d’aguerrissement et bonnes pratiques de reconversion civile. Le Congo-Brazzaville, à travers l’AET, tient la barre de cette organisation en gestation et y fait prévaloir une culture de coopération sécuritaire pragmatique.

Dans un continent où les écoles militaires préparatoires demeurent un puissant marqueur d’élite, la fédération sert de relais officieux aux priorités congolaises : stabilité régionale, partage du renseignement à bas seuil de sensibilité et mutualisation des capacités logistiques lors des opérations de maintien de la paix. Par ce truchement associatif, Brazzaville façonne un instrument de soft power, complémentaire de ses accords bilatéraux de défense.

Perspectives 2026 : cohésion, formation et soutien aux forces engagées

En clôturant l’assemblée, le président Ikounga a posé les jalons d’une feuille de route exigeante. Première priorité : renforcer l’entraide au profit des AET en activité dans les zones de projection, notamment dans le Pool et le Kouilou, où les FAC mènent des opérations de sécurisation des axes routiers. Un fonds de solidarité, adossé à des cotisations volontaires et à des partenariats avec l’industrie locale, sera mis en place afin d’accompagner les familles des personnels en première ligne.

Seconde priorité : accompagner la digitalisation des parcours de formation. L’association plaide pour l’introduction d’outils de simulation tactique à l’EMPGL, vecteurs d’une montée en gamme rapide des cadets avant leur passage à l’École militaire supérieure de Sibiti. Enfin, l’AET entend consolider son dossier de mécénat culturel pour réhabiliter le musée de l’école, gardien de la mémoire collective, et présentera, lors du Sommet africain de la défense prévu à Libreville, un rapport sur le rôle des alumni militaires dans la prévention des crises. Ainsi, loin de se limiter au champ patrimonial, l’organisation se positionne comme acteur d’interface entre institutions, vétérans et forces vives de la nation.

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