Frégates & soieries : APL-Congo, main dans la main

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Le 98e anniversaire, miroir d’une puissance militaire assumée

Le 17 juillet, l’ambassade de Chine à Brazzaville a célébré, dans un décor feutré rappelant à la fois le faste diplomatique et la rigueur castrense, la fondation de l’Armée populaire de libération. Devant un parterre de diplomates et d’officiers supérieurs, Mme An Qing a rappelé que l’APL, née sous la houlette du Parti communiste chinois, constitue « un pilier dans la préservation de la souveraineté et de l’indépendance nationales ». La formule, en apparence classique, dévoile cependant une réalité stratégique : Pékin revendique désormais, sans complexe, le statut de puissance militaire globale participant activement à la sécurité collective.

De la Longue Marche aux missions onusiennes : continuité stratégique

L’évocation des grandes campagnes historiques – guerres révolutionnaires agraires, résistance à l’agression japonaise, libération nationale – assoit la légitimité de l’institution militaire chinoise. Mais c’est surtout la statistique, livrée avec une précision comptable, qui impressionne les cercles de défense africains : plus de 500 000 soldats chinois ont été déployés depuis 1992 dans une trentaine d’opérations de maintien de la paix. Pékin s’affirme premier pourvoyeur de troupes parmi les membres permanents du Conseil de sécurité et deuxième contributeur financier des opérations onusiennes. Cette projection durable forge une image d’acteur responsable, adaptée au discours congolais de « sécurité partagée » promu par le président Denis Sassou Nguesso.

Enjeux atlantiques : la carte navale congolaise

Si la coopération sino-congolaise a longtemps été dominée par les infrastructures terrestres, l’accent se déplace aujourd’hui vers la façade atlantique. La formation de marins congolais, discrètement conduite sur les bases navales de Guangzhou, anticipe la montée en charge du port en eaux profondes de Pointe-Noire. L’objectif avoué consiste à doter la Marine congolaise de compétences de navigation océanique et de lutte contre les trafics illicites dans le golfe de Guinée. Un officier supérieur congolais résume l’enjeu : « Les échanges avec l’APL nous permettent d’absorber en trois ans ce qui prenait autrefois une décennie ».

Sur le plan capacitaire, les visites croisées de bâtiments de soutien logistique et de corvettes modélisent une interopérabilité graduelle. Pékin, adepte d’une approche modulaire, propose des plateformes adaptées aux impératifs budgétaires africains, tout en veillant à sécuriser ses propres lignes d’approvisionnement en hydrocarbures.

Doctrine conjointe et intelligence stratégique

Au-delà des matériels, la plus-value réside dans la circulation de normes opérationnelles. Les « dix actions de partenariat » avalisées lors des dernières consultations présidentielles comprennent un chantier sobrement intitulé « appui au renseignement maritime ». Celui-ci prévoit la mise à disposition de logiciels de fusion de données AIS et l’installation de stations côtières à spectre élargi, capables de détecter les transpondeurs renégats dans un rayon de 200 milles nautiques. Pour Brazzaville, il s’agit d’un levier majeur dans la lutte contre la pêche illégale et la piraterie, fléaux qui grèvent les recettes douanières.

Dans le même temps, les cadres du service congolais de renseignement intérieur multiplient les stages à l’Académie de défense nationale de Pékin, profitant de modules consacrés aux menaces hybrides. Les responsables congolais saluent un enseignement « très opérationnel, fondé sur le retour d’expérience syrien et les compromis sécuritaires en mer de Chine méridionale ». Cette proximité doctrinale conforte la stratégie de diversification des partenaires de Brazzaville sans remettre en cause ses alliances traditionnelles.

Diplomatie économique et crédibilité sécuritaire

En toile de fond, la coopération militaire nourrit le partenariat économique global. La République populaire est, depuis plus d’une décennie, le premier client du pétrole congolais et son principal bailleur d’infrastructures. L’accord de partenariat économique pour l’épanouissement partagé, signé en primauté par le Congo, élargit la prévisibilité juridique des échanges tout en consolidant la dimension sécuritaire des corridors logistiques. Selon le ministère congolais de la Défense, la sécurisation des chantiers structurants, notamment la route Pointe-Noire–Ouesso, mobilise déjà des unités mixtes formées aux standards chinois de protection rapprochée.

Cette articulation entre investissements et sécurité confère au Congo un statut de partenaire pivot au sein de l’Initiative la Ceinture et la Route sur le flanc atlantique de l’Afrique centrale. Les diplomates occidentaux, présents lors de la cérémonie, observent avec pragmatisme ce glissement géo-économique et notent que Brazzaville préserve son autonomie stratégique, s’appuyant sur la pluridiversification de ses alliances.

Perspectives : vers une architecture de sécurité partagée

Dans son allocution, Mme An Qing a mentionné « la conviction que nos deux armées continueront à renforcer leurs liens au service de la paix durable ». À court terme, un exercice amphibie conjoint est pressenti sur le littoral de Loango, tandis que des officiers d’état-major congolais doivent rejoindre le Combined Command College de la Nanjing University of Information Science and Technology. Brazzaville, tout en réaffirmant son attachement au multilatéralisme onusien, mise sur ce compagnonnage oriental pour moderniser ses forces sans grever son budget.

Au-delà des considérations tactiques, la coopération APL-FAC symbolise la mutation des équilibres sécuritaires dans le golfe de Guinée. Elle confirme la capacité du Congo à tirer parti des dynamiques globales, tout en demeurant fidèle à la ligne diplomatique définie par le président Denis Sassou Nguesso, à savoir l’équilibre entre souveraineté, paix et développement.

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