Les AET, discret réservoir stratégique

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Cohésion militaire et continuité institutionnelle

La salle des conférences internationales du Palais des congrès n’a pas seulement abrité un scrutin associatif. En entérinant, le 6 juillet 2025, la reconduction de Rémy Ayayos Ikounga à la présidence des Anciens Enfants de Troupe du Congo, l’assemblée a réaffirmé la place cardinale qu’occupe ce corps social dans l’architecture sécuritaire du pays. Héritière de l’École militaire préparatoire général Leclerc, l’Association des AET incarne une mémoire vivante de la culture stratégique nationale et sert de trait d’union entre les générations d’officiers, de sous-officiers et de cadres civils passés par l’EMPGL. Le maintien à son sommet d’une figure dotée d’un solide capital de légitimité traduit la volonté de continuité qui caractérise les institutions de défense congolaises depuis deux décennies.

Un réseau transgénérationnel mobilisable dans la crise

De Brazzaville à Pointe-Noire, les AET forment un tissu professionnel dont la densité ne se mesure pas uniquement au nombre d’adhérents. Souvent insérés dans les forces armées, la gendarmerie, la police, le renseignement intérieur ou la haute fonction publique, ils partagent un socle de formation qui facilite la circulation d’informations critiques en période de tension. Cette capillarité, couplée à une éthique forgée sur les bancs de l’EMPGL, offre à l’État congolais un capital humain immédiatement mobilisable pour la gestion de crise, qu’il s’agisse d’opérations intérieures de sécurité ou d’appuis logistiques lors de déploiements extérieurs. À l’heure où les menaces hybrides exigent réactivité et confiance mutuelle, la valeur ajoutée de ce réseau transgénérationnel apparaît comme une évidence auprès des planificateurs de l’état-major.

L’EMPGL, matrice des élites tactiques à l’aube de ses 80 ans

Fondée en 1946, l’École militaire préparatoire général Leclerc fêtera en 2026 son 80e anniversaire. Le calendrier offre un moment charnière, tant pour la mémoire collective que pour la modernisation doctrinale. La commémoration annoncée par l’AET Rémy Ayayos Ikounga constitue bien plus qu’un cérémonial : elle s’inscrit dans une dynamique d’actualisation pédagogique. Les programmes d’initiation à la cyberdéfense, à la maîtrise de l’information opérationnelle et à l’anglais militaire devraient y tenir bonne place, reflet d’un environnement sécuritaire où l’interopérabilité et la supériorité informationnelle deviennent déterminantes. L’accent mis sur ces modules s’avère en parfaite résonance avec la Stratégie nationale de défense et de sécurité intérieure, qui fait de l’adaptation des savoir-faire un fil conducteur pour les prochaines années.

Rayonnement continental et diplomatie militaire discrète

La présidence tournante de la Fédération des anciens enfants de troupe d’Afrique échoit, pour deux ans, au même Rémy Ayayos Ikounga. Pour Brazzaville, cette responsabilité revêt un double enjeu. D’une part, elle permet de projeter l’expertise congolaise dans la gouvernance associative continentale ; d’autre part, elle établit des passerelles informelles utiles aux coopérations bilatérales. Plusieurs attachés de défense africains en poste à Brazzaville reconnaissent, en substance, que « la dimension AET ouvre des portes là où la diplomatie classique s’essouffle ». Échanges de stages, mutualisation de centres d’entraînement et partage d’expériences en maintien de la paix s’en trouvent facilités, contribuant à la réputation de fiabilité opérationnelle des forces congolaises, notamment au sein des missions onusiennes.

Perspectives capacitaires et impératifs d’inclusion

En filigrane des célébrations, un chantier s’impose : convertir le capital symbolique des AET en avantage capacitaire tangible. Le bureau exécutif national mise sur une montée en puissance de la réserve opérationnelle autour de compétences rares, telles que la maintenance de systèmes aériens et la sécurisation des réseaux critiques. La future charte statutaire prévoit par ailleurs un programme de mentorat destiné aux jeunes recrues, initiative saluée par plusieurs observateurs de l’École nationale des officiers. Dans un contexte où la jeunesse constitue le réservoir principal de la défense, cette ouverture consolide le sentiment d’appartenance tout en valorisant l’ascenseur social que représente la profession militaire.

Sur le registre sociétal, l’association entend renforcer son guichet social à destination des veuves et des orphelins de militaires. Cet engagement humanitaire complète utilement le volet opérationnel en confortant la résilience du moral des troupes, paramètre décisif dans la disponibilité des forces. À terme, l’équation que se fixe la nouvelle équipe dirigeante — mobilité, solidarité, mémoire active — converge avec les priorités énoncées par les autorités nationales en matière de sécurité humaine.

Une institution associative au service de la souveraineté

À écouter les responsables de l’état-major, l’apport des Anciens Enfants de Troupe dépasse la simple nostalgie du bidasse. Il s’agit d’un levier d’influence mis au service de la souveraineté, capable d’articuler mémoire patriotique, connaissance fine du terrain et savoir-faire technique. La réélection de Rémy Ayayos Ikounga, saluée par une salve d’applaudissements debout, semble sceller un nouveau pacte entre le passé et l’avenir des forces congolaises. Dans un environnement régional où la stabilité demeure précieuse, la robustesse discrète d’un tel réseau peut s’avérer déterminante. À l’orée de 2026, l’enjeu consistera donc à transformer cette fraternité d’armes en plate-forme d’innovation, fidèle à sa devise implicite : servir l’État avec dignité, du lycée militaire aux théâtres d’opérations.

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