Panthère, pangolin, gendarmerie : la sécurité 360°

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La Likouala, sentinelle verte de la sécurité intérieure

Dans l’immense mosaïque forestière de la Likouala, département frontalier aux allures de corridor stratégique, le moindre braconnage n’est plus seulement envisagé comme une atteinte à la biodiversité. Il est désormais perçu, dans les cercles de sécurité de Brazzaville, comme un facteur de déstabilisation potentielle. La récente condamnation à de la prison ferme de trois trafiquants fauniques par le Tribunal de grande instance d’Impfondo, à la suite de la saisie d’une peau de panthère et d’un lot d’écailles de pangolin géant, en fournit une démonstration saisissante. « Il s’agit d’un message sécuritaire, pas uniquement écologique », confie un officier supérieur de la gendarmerie, rappelant que les réseaux criminels qui pillent la faune s’alimentent souvent aux mêmes canaux que ceux du trafic d’armes légères.

Un maillage territorial gendarmerie–forêt qui gagne en densité

Pour contrer ces synergies criminelles, l’état-major de la gendarmerie a, depuis trois ans, resserré son dispositif dans les départements du Nord, avec des postes avancés à Impfondo, Epéna-centre ou encore Bétou. L’opération ayant conduit à l’interpellation des trois prévenus illustre ce maillage : patrouille motorisée, contrôle fluvial et renseignement de proximité ont été combinés afin de suivre la trace d’une cargaison déjà convoitée par des intermédiaires basés de l’autre côté de l’Oubangui. La coordination avec la Direction départementale de l’économie forestière a offert un double avantage. Sur le terrain, les agents forestiers connaissent les couloirs de passage et peuvent signaler les mouvements suspects ; côté forces, la gendarmerie détient les prérogatives d’interpellation et de police judiciaire.

Le renseignement opérationnel, pivot d’une réponse graduée

Le discret rôle joué par le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage (Palf) rappelle l’importance des partenariats techniques dans la doctrine congolaise. Formations à la recueillette de preuve numérique, dotation en moyens de géolocalisation ou encore élaboration d’une cartographie actualisée des réseaux de collecte d’écailles de pangolin participent d’une culture du renseignement plus structurée. « Nous passons d’une posture réactive à une posture anticipatrice », analyse un officier du Service national de renseignement, évoquant le partage d’informations avec des homologues d’Afrique centrale afin de détecter l’empreinte logistique de groupuscules transfrontaliers.

Une réponse judiciaire qui consolide l’effet dissuasif

Sur le plan pénal, la peine prononcée – jusqu’à trois ans d’emprisonnement ferme et quatre millions de francs CFA de sanction financière – traduit la volonté des magistrats d’intégrer la dimension sécuritaire du dossier. Le parquet d’Impfondo, par la fermeté de ses réquisitions, s’est inscrit dans la lignée de la circulaire ministérielle de 2023 encourageant les juridictions à recourir aux peines planchers prévues par le Code de la faune et des aires protégées. Les observateurs retiennent que les trois prévenus ont reconnu les faits dès la première audience, signe que la preuve matérielle et l’audition préalable avaient été menées avec rigueur procédurale. Pour la diplomatie congolaise, ces résultats constituent, selon un conseiller du Quai d’Orsay congolais, « un atout dans le dialogue avec les bailleurs internationaux qui lient aide environnementale et bonne gouvernance sécuritaire ».

Vers une doctrine de sécurité environnementale globale

Au-delà de l’affaire d’Impfondo, Brazzaville esquisse les traits d’une stratégie où la protection de la faune s’articule à la souveraineté. La tenue récente d’un séminaire interarmées au Centre d’études stratégiques de Pointe-Noire, consacré à la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles, a entériné l’idée qu’un rhinocéros abattu dans la Sangha peut annoncer l’arrivée d’armes ou de capitaux illicites dans des zones plus densément peuplées. L’État-major des armées n’a pas pour autant vocation à militariser la forêt, mais à offrir un appui ponctuel, notamment par imagerie aérienne, aux forces de police et de gendarmerie. L’objectif affiché est de parvenir, d’ici 2027, à une base de données interservices sur les infractions fauniques et les flux financiers qui les soutiennent, alimentée à la fois par le renseignement intérieur et par la future Agence nationale d’investigation financière.

Pour de nombreux analystes, l’enjeu est de taille : sanctuariser les écosystèmes, certes, mais surtout empêcher que la criminalité environnementale ne serve de porte d’entrée à des menaces hybrides. À moyen terme, la consolidation d’une « sécurité 360° » – concept évoqué par le ministre de l’Intérieur lors d’une visite à Impfondo – devrait se traduire par un renforcement des capacités logistiques des unités forestières, l’affectation de magistrats spécialisés et la création d’une filière renseignement environnemental au sein des écoles de forces. Ainsi se dessine, loin des projecteurs, un modèle congolais de protection des richesses naturelles, indissociable de la stabilité intérieure et conforme aux orientations du président Denis Sassou Nguesso en matière de sécurité nationale.

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