Cuvette : la gendarmerie reprend la main

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La passation d’autorité organisée le 27 août à Ngoko, au cœur du département de la Cuvette, matérialise l’entrée en vigueur du décret n°2022-481 du 12 août 2022. Ce texte répartit de façon précise les compétences entre la Police et la Gendarmerie nationales, deux composantes complémentaires de la force publique congolaise. Par ce geste protocolaire, présidé par le colonel-major Charlemagne Magloire Nkouka, commandant territorial des forces de police, et son homologue de la gendarmerie, le colonel-major Leonckany Troits, l’État confirme sa volonté de clarifier les chaînes de responsabilité et de rationaliser l’emploi des effectifs sur le terrain.

Dans l’esprit du décret, la police se recentre sur les centres urbains denses et sur les missions d’ordre judiciaire, tandis que la gendarmerie accroît son empreinte dans les zones rurales et péri-urbaines. La Cuvette et la Bouenza ont été retenues comme départements pilotes afin d’éprouver, à échelle contrôlée, la robustesse du dispositif avant une éventuelle extension progressive à Boundji, puis à d’autres localités. Cette phase expérimentale s’inscrit dans une démarche méthodique qui privilégie la continuité du service public de sécurité et la proximité avec les populations.

Redéfinir le maillage territorial au profit des zones rurales

Ngoko, village riverain des principaux axes fluviaux de la Cuvette, illustre la complexité des défis sécuritaires hors des grands centres. Le retrait programmé des unités de police, désormais appelées à se redéployer vers des agglomérations plus peuplées, confère à la gendarmerie la responsabilité exclusive de la sûreté publique locale. Cette reconfiguration vise à réduire les doublons administratifs et à optimiser les ressources logistiques dans un contexte budgétaire maîtrisé.

La police, en se repositionnant, voit ses effectifs libérés pour des missions de police judiciaire spécialisées et de renseignement de proximité dans les capitales départementales. De son côté, la gendarmerie hérite d’un spectre opérationnel élargi, allant de la prévention de la petite délinquance à l’appui des autorités administratives. Cette redistribution des rôles permet d’améliorer la couverture du territoire, d’écourter les délais d’intervention et de renforcer l’autorité de l’État dans des zones parfois éloignées des pôles décisionnels.

Montée en puissance gradée de la gendarmerie nationale

Selon le commandement local, le transfert de compétences s’accompagne d’un renfort capacitaire proportionné. Les effectifs transférés suivent un schéma progressif afin de garantir la continuité opérationnelle. L’expérience acquise par les gendarmes dans la gestion des vastes espaces et leur statut militaire, adapté aux contraintes de mobilité, constituent des atouts reconnus pour la surveillance des zones à faible densité.

Le dispositif prévoit une mutualisation des infrastructures existantes. Les anciens commissariats, une fois désaffectés, sont reconvertis en brigades ou en postes avancés, limitant les coûts d’investissement. Cette approche pragmatique, saluée par les acteurs locaux, permet de répondre rapidement aux attentes de sûreté tout en préservant la cohérence du réseau territorial. Par ailleurs, la présence accentuée de la gendarmerie crée un environnement plus favorable à la collecte de renseignement humain, indispensable à la prévention, sans compromettre la mission traditionnelle de la police dans les centres urbains.

Perspectives de formation conjointe et de coopération interforces

Le succès de la phase pilote dépendra de la qualité du dialogue interservices. Des sessions de formation croisées sont programmées afin d’harmoniser les procédures, notamment en matière de traitement des indices et de gestion des scènes d’infraction. La passation de consignes conduite à Ngoko inclut un volet documentaire détaillé, garant de la traçabilité des dossiers en cours et de la protection des droits fondamentaux.

À moyen terme, la gendarmerie prévoit de consolider sa présence par l’implantation d’unités cynophiles et de pelotons motorisés susceptibles de projeter des patrouilles sur des linéaires routiers étendus. La police, de son côté, se concentre sur l’analyse criminelle et le soutien aux enquêtes, offrant un complément indispensable à l’action pérenne de la gendarmerie. La synergie ainsi instaurée doit accroître l’efficacité globale du dispositif de sécurité intérieure, tout en projetant, hors des frontières, l’image d’un Congo-Brazzaville engagé dans une modernisation réfléchie de ses forces de l’ordre.

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