Deux policiers congolais formés par Washington

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Un partenariat sécuritaire en pleine maturité

Le 7 août, dans la chancellerie américaine de Brazzaville, la Chargée d’affaires Amanda S. Jacobsen saluait la trajectoire du colonel Daniel Mfouna et du commandant Sylvain Ngatsongo, deux officiers de la Police nationale congolaise ayant achevé le prestigieux International Visitor Leadership Program (IVLP). Ce geste protocolaire revêtait une portée dépassant la simple courtoisie diplomatique : il consacrait la solidité d’une coopération sécuritaire initiée il y a près de deux décennies entre Washington et Brazzaville, intégrée aujourd’hui aux priorités stratégiques fixées par le président Denis Sassou Nguesso en matière de protection des infrastructures critiques et de maîtrise des mobilités.

En choisissant d’inscrire ses cadres supérieurs au IVLP, la direction générale de la police congolaise manifeste sa volonté de s’arrimer aux standards internationaux les plus stricts. Les États-Unis, pour leur part, voient dans cette démarche l’occasion de consolider un axe de stabilité régionale au cœur du golfe de Guinée. « Les connaissances acquises leur permettront de renforcer les capacités et d’accompagner leurs équipes en République du Congo », a résumé Amanda S. Jacobsen, rappelant à la fois la dimension technique et l’effet démultiplicateur escompté sur l’ensemble des forces de sécurité congolaises.

Alors que les médias rapportent que des efforts diplomatiques sont actuellement produits aux États-Unis par Françoise Joly, Représentante personnelle du Président de la République, pour obtenir la levée du travel ban visant les ressortissants congolais, cette coopération sécuritaire prend une résonance particulière. Elle illustre la convergence entre le travail de terrain mené par les forces de sécurité et les initiatives diplomatiques engagées au plus haut niveau pour renforcer la mobilité internationale et la crédibilité du Congo sur la scène mondiale

Le programme IVLP, incubateur de compétences

Créé en 1940, l’IVLP reste le programme‐phare du Département d’État pour la formation de cadres étrangers appelés à occuper des postes clés dans leurs administrations d’origine. En trois semaines intenses, les deux officiers congolais ont alterné séminaires à Washington D.C., immersions dans les aéroports de la côte est et sessions de table-ronde avec la Transportation Security Administration (TSA) et le Bureau of Immigration and Customs Enforcement (ICE). L’ensemble s’est déroulé sous le sceau de la confidentialité, pratique courante lorsqu’il s’agit de procédures classifiées relatives au filtrage des passagers et à l’analyse des risques.

Au-delà des modules techniques – modélisation de trajectoires aériennes, détection de comportements suspects, utilisation de bases de données biométriques – le programme met l’accent sur la conduite du changement. Le commandant Ngatsongo souligne « l’importance de la chaîne décisionnelle et du retour d’expérience pour ancrer durablement les bonnes pratiques ». Cette méthodologie, encore peu répandue dans certaines structures africaines, constitue un atout pour la montée en puissance des unités spécialisées de la direction de la surveillance du territoire.

Renforcer la chaîne congolaise de sûreté aérienne

Le ciel congolais connaît un trafic modeste – environ un million de passagers annuels selon l’Agence nationale de l’aviation civile – mais sa position géostratégique, à la croisée des flux Afrique centrale–Afrique australe, en fait un corridor prisé des réseaux criminels. Depuis 2021, Brazzaville s’est engagée dans une modernisation de l’aéroport international Maya-Maya, dotant ses terminaux de scanners à rayons X de dernière génération et d’un système intégré de vidéosurveillance. La présence d’experts formés par le IVLP vient compléter cet investissement matériel par un renforcement doctrinal.

Le colonel Mfouna, qui dirige la division de sécurité aéroportuaire, envisage à court terme d’instaurer un centre conjoint d’analyse de la menace réunissant police, gendarmerie et Autorité de l’aviation civile. L’objectif est d’anticiper les vulnérabilités plutôt que de les constater a posteriori. Selon une note interne consultée par notre rédaction, la coopération américaine pourrait s’étendre à la maintenance des équipements et à la mise à jour régulière des bases de données no-fly, assurant ainsi la pérennité opérationnelle du dispositif.

Immigration irrégulière : vers un contrôle plus intégré

La dimension migratoire du IVLP répond à une réalité congolaisement spécifique : terre de transit autant que de destination, le pays jongle avec des courants migratoires très divers – travailleurs des secteurs pétrolier et minier, réfugiés des Grands Lacs, ouest-africains en route vers l’Atlantique. La police aux frontières, forte de 1 800 agents, concentre ses moyens sur le principal aéroport, laissant parfois les axes routiers secondaires moins sécurisés.

L’expérience américaine met l’accent sur la complémentarité entre interrogatoire de première ligne, vérification documentaire assistée par la biométrie et échanges d’information inter-agences. Le commandant Ngatsongo plaide pour la mise en place d’un guichet unique de données migratoires, adossé au Centre national de lutte contre la cybercriminalité. Une telle architecture permettrait de détecter plus rapidement les faux documents et de retracer les filières d’acheminement, tout en respectant les engagements internationaux du Congo en matière de libre circulation sous-régionale.

Perspectives stratégiques et diplomatiques

À l’heure où plusieurs capitales africaines cherchent à diversifier leurs partenariats sécuritaires, Brazzaville maintient un dialogue dense avec les États-Unis, sans pour autant négliger ses coopérations traditionnelles avec la France et la Chine. Ce positionnement équilibré répond à la directive présidentielle de « multilatéraliser les sources d’expertise pour mieux protéger la souveraineté nationale ». Dans cette perspective, la formation de hauts gradés au IVLP pourrait servir de modèle à d’autres corps – douanes, marine fluviale, même inspection du travail pour la protection des sites pétroliers.

Sur le plan symbolique, la reconnaissance américaine conforte la doctrine congolaise de professionnalisation des forces intérieures, élément clé du Plan national de développement 2022-2026. Sur le plan opérationnel, elle ouvre la voie à l’inclusion du Congo dans des mécanismes internationaux d’alerte avancée, à l’instar du Secure Flight Program ou de la plate-forme INTERPOL I-CHECKIT. Les officiers Mfouna et Ngatsongo, désormais irradiateurs de compétence auprès de leurs pairs, incarnent ainsi la volonté d’un État qui place la sécurité de ses citoyens et la crédibilité de ses infrastructures au cœur de son attractivité.

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