Répression du trafic faunique à Impfondo
Le 25 août, au cœur de la Likouala, une opération menée par la gendarmerie congolaise a conduit à l’arrestation en flagrant délit d’une femme d’une quarantaine d’années, prise avec deux peaux de panthère ainsi qu’un important lot d’écailles et de griffes de pangolin géant. L’intervention s’est déroulée à Impfondo, carrefour fluvial stratégique, généralement emprunté par les filières clandestines pour acheminer les trophées vers les marchés frontaliers.
- Répression du trafic faunique à Impfondo
- Coordination inter-agences et soutien international
- Gendarmerie et doctrine de protection des ressources stratégiques
- Dimension judiciaire et cadre normatif
- Enjeux stratégiques pour la souveraineté écologique
- Perspectives capacitaires des forces de sécurité congolaises
« Nous appliquons la loi avec rigueur, car la faune constitue un patrimoine stratégique pour la Nation », souligne le colonel Yves Kiyiri, chef d’État-major de la région de gendarmerie de la Likouala. Immédiatement placée en garde à vue, la mise en cause sera déférée devant le procureur près le Tribunal de grande instance d’Impfondo, conformément à la procédure pénale applicable.
Coordination inter-agences et soutien international
Au-delà du coup de filet, l’opération illustre la solidité du dispositif inter-services. Les gendarmes ont travaillé de concert avec la direction départementale de l’Économie forestière et bénéficié de l’appui technique du Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage. Ce partenariat public-privé, déployé depuis plus d’une décennie, fournit outils d’enquête, renseignements et renforts logistiques indispensables à la traque cybernétique des trafiquants.
Sur le terrain, les patrouilles mixtes s’appuient désormais sur un maillage de postes fluviaux, l’analyse des données satellitaires et le recoupement d’informations recueillies auprès des communautés villageoises. Cette synergie renforce l’empreinte sécuritaire de l’État dans une zone forestière où la densité humaine demeure faible mais où les réseaux criminels exploitent l’enchevêtrement hydrographique pour se disperser rapidement.
Gendarmerie et doctrine de protection des ressources stratégiques
À Brazzaville, l’état-major général a inscrit la lutte contre la criminalité environnementale dans la doctrine de sécurité intérieure. Les espèces emblématiques, telles que la panthère et le pangolin géant, ne sont plus seulement considérées sous l’angle écologique ; elles deviennent des « ressources stratégiques » au même titre que les hydrocarbures ou les minerais. Leur disparition priverait le pays d’atouts économiques liés à l’écotourisme et affaiblirait la résilience des écosystèmes dont dépendent les populations riveraines.
Dans ce contexte, les unités territoriales reçoivent depuis 2023 des modules de formation dédiés, combinant police scientifique, balistique faunique et usage de drones légers pour cartographier les points chauds de braconnage. La professionnalisation du renseignement opérationnel offre ainsi un avantage décisif dans la surveillance des aires protégées, tout en limitant les confrontations directes avec des groupes armés parfois transfrontaliers.
Dimension judiciaire et cadre normatif
Le cadre légal congolais s’appuie sur la loi 37-2008 relative à la faune et aux aires protégées, dont l’article 27 interdit strictement l’importation, l’exportation, la détention et le transit des espèces intégralement protégées. Les sanctions prévues, allant de deux à cinq ans d’emprisonnement et jusqu’à cinq millions de francs CFA d’amende, traduisent la volonté du législateur de dissuader les filières criminelles.
En juin 2025, trois trafiquants interpellés à Epena et Impfondo avaient déjà été condamnés à des peines fermes de deux à trois ans, assorties de dommages-intérêts significatifs. Ces verdicts confortent l’approche répressive tout en servant d’exemple juridique dans les audiences foraines organisées en zone rurale. Les magistrats rappellent régulièrement que les délits environnementaux portent atteinte à la souveraineté nationale et relèvent de la criminalité organisée.
Enjeux stratégiques pour la souveraineté écologique
La Likouala, territoire encore largement couvert par la forêt équatoriale, constitue une barrière verte entre le bassin du Congo et les fronts agricoles du Sahel. Protéger sa biodiversité revient à préserver un outil d’influence diplomatique : la contribution du Congo aux puits de carbone mondiaux lui confère une crédibilité dans les négociations climatiques. Les forces de sécurité, en agissant contre le braconnage, soutiennent ainsi la diplomatie climatique du pays et consolident la position du président Denis Sassou Nguesso dans les forums internationaux.
Le coup de filet d’Impfondo rappelle que la criminalité faunique alimente parfois d’autres trafics, du carburant aux armes légères. En coupant les flux illicites dès l’amont, la gendarmerie consolide la stabilité régionale, réduisant l’espace d’action des groupes transnationaux et prévenant d’éventuelles menaces hybrides contre les infrastructures pétrolières et les corridors logistiques du Nord.
Perspectives capacitaires des forces de sécurité congolaises
Sous l’impulsion du ministère de l’Intérieur et de la Défense, un programme d’extension des brigades de proximité prévoit la création de nouveaux postes fluviaux équipés de vedettes rapides et d’optronique nocturne. Les autorités entendent également renforcer les capacités d’analyse numérique, afin de tracer les mouvements financiers associés au commerce illicite de trophées, en coopération avec la cellule de lutte contre le blanchiment.
Parallèlement, des campagnes de sensibilisation ciblent les jeunes recrues pour encourager une culture de protection de l’environnement intégrée à l’éthique militaire. Cette approche holistique, conjuguant renseignement, action judiciaire et diplomatie environnementale, place la République du Congo dans la dynamique continentale de défense de la biodiversité. En Likouala comme ailleurs, la sécurité et l’écologie avancent désormais d’un même pas, au service de la souveraineté et du développement durable.