Biosécurité : le Congo muscle son bouclier sanitaire

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Biosécurité nationale : un pilier de la défense globale

À première vue, la validation du Plan stratégique national de prévention et de contrôle des infections 2026-2030 pourrait sembler relever exclusivement du domaine de la santé publique. Pourtant, au confluent des enjeux de souveraineté et de protection des populations, la biosécurité s’impose désormais comme un pilier de la défense globale congolaise. Les grandes pandémies récentes ont démontré qu’un virus peut dégrader la cohésion sociale, perturber la logistique militaire et fragiliser les chaînes d’approvisionnement stratégiques aussi sûrement qu’un adversaire conventionnel. En dotant le pays d’une architecture normative robuste, Brazzaville arme donc son appareil d’État contre un spectre de menaces hybrides, dont l’infection représente la pointe la plus insidieuse.

Interopérabilité civilo-militaire face aux crises sanitaires

Les forces armées congolaises, fortes de leur expérience dans la lutte contre le choléra ou la gestion des postes médicaux avancés lors des missions de maintien de la paix, seront des acteurs clés de la mise en œuvre du PSN-PCI. L’approche « Une seule santé » préconisée par l’Organisation mondiale de la santé épouse ici la doctrine interarmées : mutualisation des laboratoires de référence, partage des stocks stratégiques de protections individuelles, et entraînements conjoints entre médecins militaires et personnels civils. Cette interopérabilité permet d’accélérer le déploiement de capacités médicales de campagne dans les zones frontalières ou fluviales où persiste un risque d’importation de pathogènes, tout en offrant un continuum de commandement unifié lors des opérations de secours à dominante sanitaire.

Le PSN-PCI 2026-2030, boussole des forces de santé

Présenté par le professeur Henri Germain Monabeka, directeur général des soins et services de santé, le plan 2026-2030 trace une feuille de route articulée autour de la sécurité des patients, de la protection du personnel et de la maîtrise de la contamination environnementale. Chaque objectif est assorti d’indicateurs de performance que le ministère de la Défense, via son Service de santé des armées, devra décliner dans ses hôpitaux militaires de Brazzaville, Pointe-Noire et Ouesso. L’accent est mis sur la formation continue en hygiène hospitalière, la traçabilité électronique des incidents et l’extension des protocoles antimicrobiens aux antennes médicales avancées. Cette rigueur méthodologique transforme les hôpitaux en bastions sanitaires, capables d’absorber un afflux massif de blessés ou de malades tout en limitant la propagation d’agents infectieux.

Normes internationales et coopération multilatérale

Rachel Nchafor, s’exprimant au nom de la représentante résidente du PNUD, a salué « un leadership national exemplaire » et rappelé que le PSN-PCI s’aligne sur le Règlement sanitaire international ainsi que sur la stratégie africaine de biosécurité adoptée à Malabo en 2022. Le soutien financier du Fonds mondial garantit l’acquisition d’équipements de bioconfinement de niveau III et la modernisation des incinérateurs à haute température, éléments indispensables à la conformité OTAN des zones techniques. En retour, le Congo renforce sa crédibilité au sein des dispositifs africains de veille épidémiologique : Centre africain de prévention et de contrôle des maladies de l’Union africaine et Initiative de défense CEMAC ProSanté. L’intégration de ces réseaux accroît la profondeur stratégique du pays et consolide sa posture de contributeur régional à la sécurité humaine.

Gouvernance, renseignement sanitaire et anticipation

Au-delà de la technique, le PSN-PCI instaure une gouvernance partagée : comité interministériel présidé par la Primature, cellule de coordination assurée par le ministère de la Santé, et chaîne de remontée d’information qui s’appuie sur le Centre national de renseignement sanitaire placé sous double tutelle Santé-Défense. L’objectif est de fusionner en temps réel les données civiles, militaires et vétérinaires, afin d’anticiper tout foyer épidémique. Cette logique d’early warning, déjà éprouvée lors de l’épisode Ebola dans la sous-région, devrait à terme alimenter le système national d’alerte et de réponse aux crises (SyNARC) dont les opérateurs du réseau radio militaire HF assurent la redondance. L’intelligence artificielle appliquée aux signaux faibles, développée avec le concours d’une start-up congolaise du cyberespace, vient compléter ce dispositif d’anticipation.

Financement durable et souveraineté sanitaire

La question budgétaire demeure centrale. Le gouvernement a prévu un co-financement étatique de 40 % sur cinq ans, adossé à une taxe de solidarité sur les hydrocarbures destinée à sanctuariser les crédits BIOSAFE. Ce mécanisme renforce la souveraineté financière tout en rassurant les partenaires internationaux sur la capacité du Congo à piloter la dépense. Le secteur privé n’est pas en reste : la plate-forme Énergie-Ports s’est engagée à sponsoriser des unités mobiles de décontamination destinées aux terminaux pétroliers du golfe de Guinée. Ce partenariat public-privé illustre la maturité d’une approche qui lie développement économique, sûreté industrielle et résilience nationale. Le président Denis Sassou Nguesso, dans un message transmis aux participants, a souligné que « la sécurité sanitaire est indissociable de la sécurité tout court ». Les mots du chef de l’État réaffirment la place de la santé dans la doctrine de défense, confirmant ainsi que le bouclier viral est désormais un volet assumé de la stratégie congolaise de puissance douce.

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