Choléra et coopération militaire: atouts congolais

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Santé publique et défense nationale congolaises un front commun

La République du Congo affronte actuellement une épidémie de choléra dont les premiers foyers, signalés dans le Pool et la Cuvette, mettent à l’épreuve les capacités nationales de riposte. L’arrivée à Brazzaville du Dr Vincent Sodjinou, nouveau représentant de l’Organisation mondiale de la santé, offre l’occasion de revisiter la complémentarité historique entre l’autorité sanitaire internationale et les forces armées congolaises. Si les crises sanitaires constituent de prime abord un domaine civil, elles mobilisent en réalité un large spectre de moyens relevant de la défense, de la logistique à la sûreté des couloirs d’acheminement des vivres et des vaccins.

Lors de sa visite de courtoisie du 4 septembre auprès du ministre de la Défense nationale, le général de corps d’armée Charles Richard Mondjo, le Dr Sodjinou a rappelé la philosophie de cette approche interministérielle : « Le pays fait face à une épidémie du choléra et, dans ce cadre, il est nécessaire que toutes les forces soient mises à profit et à contribution pour un contrôle rapide ». Derrière cette déclaration, c’est tout l’appareil militaire qui se voit confirmé dans sa vocation de soutien aux pouvoirs publics en temps de crise, conformément aux prescriptions constitutionnelles et aux engagements internationaux du Congo.

Logistique militaire au service du contrôle épidémique

Le précédent de la crise Ebola en Afrique de l’Ouest a démontré que l’issue d’une urgence sanitaire dépend souvent de la rapidité avec laquelle le dispositif de santé peut être projeté sur le terrain. À cet égard, la Force publique congolaise dispose d’atouts rarement mis en lumière : réseaux de transport terrestre sécurisés, capacités fluviales entre Brazzaville et les localités du nord, mais aussi un corps de santé militaire fort de praticiens formés à l’Institut médico-militaire des armées. Les spécialistes de l’OMS entendent capitaliser sur ces atouts logistiques pour déployer campagnes de sensibilisation et unités de traitement mobiles dans les districts touchés.

Le commandement logistique des Forces armées congolaises a déjà prépositionné, à titre préventif, des groupes électrogènes, des tentes ISO et des unités de purification d’eau dans les garnisons proches des cours d’eau suspects. Cet effort d’anticipation, salué par les partenaires internationaux, illustre la capacité du ministère de la Défense à transposer à la santé publique les procédés de planification classique des opérations militaires, depuis l’estimation de situation jusqu’à la conduite et au retour d’expérience.

Le mémorandum OMS-Défense de 2018, clef de voûte opérationnelle

Le socle juridique de cette coopération demeure le Mémorandum d’entente signé en 2018 entre l’OMS et le ministère de la Défense. Discret, le texte autorise la mise à disposition de moyens aériens militaires pour l’évacuation de patients, l’acheminement de matériels stratégiques et, au besoin, le contrôle des points d’entrée terrestres. Plusieurs officiers supérieurs, interrogés sous couvert d’anonymat, estiment que ce cadre permet « une interaction fluide évitant les lenteurs administratives habituelles ». Cette fluidité est précisément ce que recherche le Dr Sodjinou, qui voit dans l’armée la garantie d’un « appui logistique, technique et humain » adapté aux contraintes du terrain congolais.

Axe Brazzaville-Dakar, la formation comme force motrice

Si la réponse au choléra occupe l’actualité, la diplomatie de défense congolaise se projette déjà au-delà des urgences. Le même 4 septembre, Charles Richard Mondjo recevait l’ambassadeur du Sénégal, Ousmane Diop, afin de consolider un partenariat militaire ouvert depuis plus d’une décennie. Formations croisées d’officiers à l’École de guerre de Dakar, stages de sous-officiers au centre d’infanterie de Pointe-Noire, échanges de doctrine sur les opérations de maintien de la paix : autant de chantiers qui inscrivent Brazzaville et Dakar dans une même communauté de valeurs, au moment où le golfe de Guinée devient un nouvel épicentre d’instabilités régionales.

Économie sociale militaire: logement et santé en partage

Au-delà du volet purement opérationnel, la discussion a porté sur des questions d’économie sociale des armées. Le Sénégal, bénéficiaire d’une longue expérience de coopératives de construction, propose de partager son modèle afin d’améliorer les conditions de logement des militaires congolais à Brazzaville, Owando et Dolisie. De même, la création d’une mutuelle de santé militaire, citée par l’ambassadeur Diop, répond à l’objectif présidentiel de renforcement de la cohésion et du moral des troupes. En liant amélioration du bien-être et efficacité au combat, les autorités entendent inscrire la défense dans une dynamique de développement durable.

Vers une diplomatie sanitaire et sécuritaire intégrée

L’entremêlement des dossiers sanitaires et sécuritaires brosse les contours d’une diplomatie innovante que Brazzaville cultive avec constance. En orchestrant la convergence entre OMS, forces armées et partenaires africains, la République du Congo montre qu’elle appréhende la sécurité dans sa dimension globale, mêlant résilience sanitaire, solidarité régionale et professionnalisation militaire. À terme, cette approche devrait consolider la réputation du pays comme un acteur fiable de la paix et de la stabilité. Dans l’immédiat, elle offre surtout l’espoir d’un contrôle rapide du choléra, galvanisé par l’engagement conjoint de soignants et de soldats, au service exclusif des populations.

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