Brazzaville renforce le discours sécuritaire d’État
Le 16 septembre 2025, l’auditorium du Mémorial Pierre Savorgnan de Brazza a vibré au rythme d’une rencontre peu commune : la Direction générale de la stratégie et de la communication du ministère de l’Intérieur y a convié experts, officiers et chercheurs pour un séminaire-atelier consacré à la communication institutionnelle des forces de sécurité. Placée sous le patronage de Séraphin Ondélé, préfet directeur de cabinet du ministre, l’initiative reflète la volonté politique de doter la police et la gendarmerie d’outils discursifs adaptés aux exigences contemporaines de transparence et d’efficacité. Les forces congolaises, régulièrement sollicitées sur le théâtre intérieur comme aux frontières, savent qu’un message maîtrisé constitue désormais un multiplicateur de puissance au même titre qu’un équipement moderne ou un entraînement robuste.
- Brazzaville renforce le discours sécuritaire d’État
- Une doctrine de communication rénovée pour les forces bleues
- Le défi de la transparence sans renoncer au secret opérationnel
- L’irruption du numérique et ses corollaires sécuritaires
- Plume et képi : la littérature, vecteur d’influence positive
- Vers une alliance population-forces pour la sûreté nationale
Une doctrine de communication rénovée pour les forces bleues
Sous le thème « La communication institutionnelle entre codes et libertés », les intervenants ont rappelé que la parole opérationnelle ne saurait être laissée au hasard. Pour le professeur Bienvenu Boudimbou, modérateur du premier panel, « l’équilibre entre devoir de réserve et redevabilité démocratique fonde la légitimité de l’action sécuritaire ». Les débats ont, de ce fait, insisté sur la nécessité d’une doctrine claire : dévoiler suffisamment pour rassurer la population, tout en préservant les informations sensibles dont dépend la réussite d’une intervention. Les responsables de la Direction générale de la stratégie, de la coopération et de la communication envisagent désormais des formations récurrentes ; elles associeront retour d’expérience opérationnel et analyse sémantique, afin que chaque communication participe à l’effet majeur recherché : consolider le lien armée-nation appliqué aux forces intérieures.
Le défi de la transparence sans renoncer au secret opérationnel
Joachim Mbanza, ancien membre du Conseil supérieur de la liberté de communication, a rappelé l’ancrage constitutionnel de la liberté d’expression à l’article 25. Citant le code d’éthique adopté en 2018, il a souligné que celui-ci constitue un « garde-fou professionnel » face aux risques de dérapage médiatique. Dans le même souffle, Stanislas Itoua Ikama, journaliste au ministère, a insisté sur la culture du silence propre aux structures opérationnelles ; un silence stratégique qui, mal compris, peut alimenter rumeurs et défiance. Pour résoudre cette équation, les participants préconisent la mise en place de cellules de crise communicante, capables de délivrer un récit cohérent dans l’heure qui suit tout incident. De telles cellules renforceront la résilience informationnelle de l’État et réduiront les espaces d’influence malveillante exploités par la criminalité organisée ou les trafics transfrontaliers.
L’irruption du numérique et ses corollaires sécuritaires
Expert en technologies de l’information, Alain Ndalla a dressé le constat d’une « hyper-vélocité » de la donnée, où chaque citoyen se transforme en média instantané. Les forces de sécurité sont ainsi sommées d’investir les réseaux sociaux, non comme simple vitrine, mais comme plateforme de renseignement ouvert et de dialogue stratégique. L’enjeu se double d’une menace : la désinformation, souvent instrumentalisée par des groupes criminels qui ciblent les opérateurs pétroliers du Golfe de Guinée ou les corridors logistiques. Le ministère plaide donc pour la création d’une task-force conjointe cyber-communication chargée d’identifier, qualifier et neutraliser les campagnes hostiles. À terme, cette synergie pourrait intégrer le nouveau Centre national de coordination du renseignement intérieur, afin d’aligner la riposte informationnelle sur les autres vecteurs de souveraineté numérique.
Plume et képi : la littérature, vecteur d’influence positive
Moment fort de la journée, la cérémonie « Chevaliers de la plume sous l’uniforme bleu » a mis en lumière les officiers auteurs qui, par leurs romans, récits ou essais, racontent l’éthique du service public. Le général Albert Ngoto, le colonel-major Michel Innocent Peya ou encore l’officier Roch Cyriaque Galebayi ont été distingués par un jury présidé par le professeur Ludovic Miyouna. « L’histoire se souviendra d’eux comme des héros dans l’ombre », a déclaré le colonel-major Bellarmin Ndongui, directeur général de la stratégie, de la coopération et de la communication. Cette reconnaissance, au-delà de l’hommage, sert une finalité stratégique : nourrir un récit national où l’homme en uniforme n’est pas seulement gardien de l’ordre, mais aussi passeur de mémoire et promoteur des valeurs républicaines.
Vers une alliance population-forces pour la sûreté nationale
À l’issue des travaux, l’idée d’une « coproduction de sécurité » s’est imposée. Elle repose sur une population informée, confiante et prête à partager les signaux faibles qui, agrégés, permettent de prévenir la menace. L’État, en retour, s’engage à diffuser des informations claires sur les opérations majeures, qu’il s’agisse de lutte contre la piraterie, de surveillance frontalière ou de gestion des catastrophes. Cette dynamique vertueuse, saluée par Séraphin Ondélé, devra s’enrichir d’outils nouveaux, comme les applications participatives de signalement ou les radios communautaires soutenues par les préfectures. Le séminaire de Brazzaville marque ainsi une étape décisive : il reconfigure la communication sécuritaire en instrument de cohésion, tout en gardant pour boussole la protection des intérêts vitaux du Congo et de ses citoyens.