Congo : Message Musclé de Sassou à l’ONU

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Un plaidoyer stratégique pour la paix mondiale

En prenant la parole devant la 80ᵉ session ordinaire de l’Assemblée générale, le chef de l’État congolais a opté pour une rhétorique résolument stratégique. Loin de se limiter à l’éloge du multilatéralisme, Denis Sassou-Nguesso a replacé la question de la paix dans la matrice des rapports de puissance, soulignant que « ce qui est en jeu, ce n’est pas seulement la paix, mais l’avenir même du multilatéralisme ». À travers cette formule, Pointe-Noire adresse un signal aux grands acteurs du système international : la sécurité collective demeure le socle de la prospérité africaine, et le Congo entend défendre cette équation sur les scènes diplomatiques comme sur les théâtres d’opérations.

Le propos a résonné avec le positionnement traditionnel du pays au sein des missions de maintien de la paix et des initiatives régionales de stabilisation. En rappelant l’esprit de San Francisco, le Président a également rappelé l’engagement de Brazzaville à s’appuyer sur les mécanismes existants de prévention des conflits, notamment l’Architecture africaine de paix et de sécurité. Pour la diplomatie congolaise, l’ONU reste l’enceinte légitime où s’articulent plaidoyer international et consolidation des capacités nationales, de la planification opérationnelle à l’interopérabilité avec les forces partenaires.

Réforme du Conseil de sécurité : l’argument africain

Le passage consacré au Conseil de sécurité constitue sans doute le pivot sécuritaire du discours. « L’Afrique ne peut plus rester marginalisée », a martelé le Président, revendiquant une représentation permanente qui reflète « les réalités du XXIᵉ siècle ». L’insistance sur l’équité institutionnelle n’est pas qu’une question symbolique : elle conditionne la capacité du continent à peser sur les régimes de sanctions, les mandats d’intervention et la conception même des opérations de paix. Pour Brazzaville, une réforme effective élargirait l’accès aux données stratégiques, aux financements et aux chaînes logistiques onusiennes, autant d’atouts pour renforcer la posture de défense nationale.

Cette revendication s’inscrit dans la continuité des démarches diplomatiques menées par la CEMAC et l’Union africaine, mais le Congo y ajoute une dimension opérationnelle. L’intégration des officiers congolais dans les états-majors multinationaux, la mutualisation des centres d’entraînement de Mpila et de Djoumouna, ou encore la mise à niveau du renseignement militaire, gagneraient en crédibilité si l’Afrique disposait d’un droit de veto ou, a minima, d’un siège permanent consultatif. Le discours de New York confirme ainsi la convergence entre diplomatie de défense et diplomatie classique : obtenir un siège, c’est aussi sécuriser un espace décisionnel pour les intérêts congolais.

Désarmement et dépenses militaires : l’alerte congolaise

Au moment où les dépenses militaires mondiales atteignent des sommets, Denis Sassou-Nguesso a dénoncé « une nouvelle et inquiétante course aux armements ». Cette posture ne saurait être comprise comme un désengagement de la République du Congo dans la modernisation de ses propres capacités. Il s’agit plutôt de promouvoir un désarmement raisonné, respectueux des besoins de défense légitime, tout en évitant les spirales régionales de surenchère. Sur le plan interne, cette doctrine sert de cadre à la récente revue stratégique des Forces armées congolaises qui privilégie la rationalisation des effectifs, l’acquisition de vecteurs polyvalents et l’investissement dans le soutien logistique au détriment de programmes coûteux et redondants.

L’appel congolais à la revitalisation des traités de contrôle des armements renforce également la crédibilité du pays dans les forums de non-prolifération. En se positionnant comme acteur de confiance, Brazzaville consolide l’accès aux mécanismes de financement destinés à la sécurisation des entrepôts de munitions, à la lutte contre le trafic illicite d’armes légères et de petit calibre, ainsi qu’aux formations relatives aux inspections onusiennes. La convergence entre diplomatie normative et sécurité nationale apparaît ici avec limpidité : moins d’armes non conventionnelles dans le système international, c’est moins de risques asymétriques le long des frontières congolaises.

Sécurité climatique et développement : un même front

Le Président a lié, sans ambiguïté, stabilité sécuritaire et résilience climatique. La Décennie mondiale du boisement, initiée par le Congo et adoptée par l’Assemblée générale, est présentée comme une réponse concrète aux menaces induites par les dérèglements. L’érosion des sols et la raréfaction des ressources hydriques nourrissent déjà conflits fonciers et déplacements de populations à l’échelle sous-régionale. En investissant la sphère environnementale, la diplomatie congolaise consolide une approche « sécurité humaine », dans laquelle la protection des écosystèmes devient indissociable de la protection des communautés.

Sur le plan capacitaire, cette orientation ouvre la voie à de nouvelles formes de coopération militaire et civile, notamment dans la surveillance par drones des massifs forestiers, l’intégration de la cartographie satellitaire dans la planification d’urgence et la montée en puissance de la protection civile. Le ministère de la Défense étudie déjà des modules de formation croisée associant forestiers, sapeurs-pompiers et unités du génie, afin d’optimiser la réponse aux catastrophes. L’appel au respect de l’Accord de Paris déborde ainsi le cadre diplomatique et se traduit par une modernisation transversale des moyens de sécurité intérieure.

Multilatéralisme intelligent et partenariats de défense

La conclusion du discours, empreinte d’optimisme stratégique, rappelle que « les Nations Unies sont indispensables, à condition qu’elles sachent se réformer ». Cette exigence de pragmatisme irrigue déjà la politique de coopération militaire du Congo. Les exercices interarmées Kouyou et les déploiements conjoints dans le Golfe de Guinée illustrent la recherche d’une interopérabilité régionale fondée sur la complémentarité des moyens navals, aériens et terrestres. En parallèle, Brazzaville continue d’investir dans des solutions cyber-défensives pilotées avec ses partenaires européens et asiatiques.

Au-delà du discours, l’objectif est de créer un « multilatéralisme opérationnel » : un réseau de partenariats capable d’absorber les chocs, qu’ils soient sécuritaires, sanitaires ou énergétiques. L’allocution onusienne a fourni la charpente conceptuelle de cette vision. En rappelant que « les peuples ne nous jugeront pas sur nos discours, mais sur ce que nous aurons su accomplir », Denis Sassou-Nguesso a, en filigrane, fixé un cap aux forces de défense et de sécurité : densifier les coopérations, intégrer l’innovation et maintenir l’esprit de solidarité qui fonde la posture internationale du Congo.

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