Un diplomate façonné par la rigueur stratégique
Les drapeaux des Forces armées congolaises, disposés aux côtés du cercueil drapé aux couleurs nationales, ont donné le ton de l’hommage solennel rendu au Palais des congrès. En saluant la mémoire de Serge Mombouli, le président Denis Sassou Nguesso a rappelé qu’« il est mort à son poste, dans l’exercice d’un métier de fidélité ». Derrière l’émotion, les délégations militaires présentes ont souligné la dimension stratégique de celui qui, pendant plus de vingt ans, a porté la voix de Brazzaville à Washington dans les enceintes où se négocient l’assistance sécuritaire, la lutte contre la piraterie ou encore la modernisation des équipements de défense.
Formé à la discipline des affaires extérieures mais pétri d’une culture militaire héritée de son passage dans les structures de jeunesse du pays, Serge Mombouli avait compris que la diplomatie contemporaine s’évalue autant sur la signature d’accords de défense que sur la qualité d’un briefing devant un think-tank. Cette aptitude rare lui a permis d’être simultanément conseiller politique et vecteur d’influence opérationnelle, ouvrant aux officiers congolais les portes des War Colleges américains ainsi que des programmes de formation à la cybersécurité.
L’axe Brazzaville-Washington au prisme de la défense
Lorsque la République du Congo sort des troubles de 1997, le rétablissement de la sécurité intérieure devient la priorité nationale. C’est à ce moment que Serge Mombouli, alors jeune conseiller, s’engage auprès du chef de l’État pour redonner confiance aux partenaires internationaux. À Washington, il plaide pour l’intégration du Congo dans l’AFRICOM Partnership Station et la reprise des exercices naval-coop dans le golfe de Guinée. Les premières escales de l’US Navy à Pointe-Noire, en 2003, trouvent leur origine dans cette action de terrain, conduite loin des caméras mais reconnue par le Pentagone.
Au fil des années, l’ambassadeur obtient la signature de mémorandums sur la formation des forces spéciales, la maintenance d’aéronefs de transport et la dotation en équipements de communication sécurisée. Ces instruments, invisibles pour le grand public, ont pourtant consolidé la chaîne de commandement nationale et contribué à l’engagement réussi des contingents congolais dans les opérations de maintien de la paix, notamment en Centrafrique.
De la coopération sécuritaire à l’innovation industrielle
La vision de Serge Mombouli ne se limitait pas à l’entraînement des troupes. Anticipant les nouveaux modes de guerre, il défend dès 2010 la création d’un corridor technologique entre Brazzaville, Houston et Seattle pour stimuler l’émergence d’un tissu de PME congolaises capables de répondre aux appels d’offres de maintenance, de drones tactiques et de solutions de renseignement géospatial. Par ses réseaux, l’ambassadeur facilite la participation de start-ups nationales aux salons AUSA et Sea-Air-Space, accroissant leur visibilité auprès de maîtres d’œuvre américains.
Le volet industriel prend corps en 2017 avec l’installation, à Maloukou-Trechot, d’un atelier de révision périodique de turbomoteurs de fabrication américaine. Projet discret, mais décisif : il réduit le temps d’immobilisation des hélicoptères de transport MI et Bell, augmente la disponibilité technique opérationnelle et démontre que la coopération diplomatique peut irriguer la souveraineté logistique congolaise.
Le rôle moteur du corps diplomatique africain
Doyen du corps diplomatique africain à Washington lors de son décès, Serge Mombouli avait fait de cette position un levier de plaidoyer collectif. Il réunit périodiquement ses homologues pour défendre des approches coordonnées face aux menaces transnationales qui touchent le continent : terrorisme sahélien, cybercriminalité ou flux illicites d’armes légères. Son sens du consensus permet la signature, en 2022, d’une déclaration commune appelant à un partage accru de renseignements avec les agences américaines. Brazzaville en bénéficie directement : les informations fournies par les partenaires US ont facilité la neutralisation de réseaux de trafic d’armes opérant entre l’est de la RDC et la frontière nord du Congo.
Une mémoire qui inspire la relève des attachés de défense
Au cimetière du centre-ville, la dernière salve d’honneur tirée par un peloton mixte Armée-Gendarmerie a clos un parcours qui, au-delà de l’homme, offre un manuel pour les futurs attachés de défense. Le ministre Jean Claude Gakosso l’a rappelé : « Notre diplomatie est un instrument de sécurité nationale ; l’ambassadeur Mombouli nous en a livré la démonstration. » L’École supérieure de stratégie de Brazzaville prévoit déjà de consacrer, dès la prochaine rentrée, un module spécifique à la diplomatie de défense inspiré de ses initiatives.
Cette projection vers l’avenir illustre la permanence de l’engagement voulu par le chef de l’État : faire de la coopération internationale un multiplicateur de puissance pour les Forces armées et les institutions de sécurité. Dans cette lignée, l’héritage de Serge Mombouli demeure vivant, non pas seulement dans le marbre des décorations, mais dans chaque patrouille de la Marine nationale dotée d’équipements obtenus grâce à ses négociations, dans chaque officier formé au leadership interarmées aux États-Unis, et dans la confiance renouvelée entre Brazzaville et ses partenaires stratégiques.