Gendarmerie et Palf : bouclier vert du Congo

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Lutte faunique : un enjeu sécuritaire national

Dans un environnement régional où les groupes criminels se financent de plus en plus par les ressources naturelles, la République du Congo a fait de la protection de sa biodiversité un pilier de sa sécurité intérieure. La période allant de janvier à juillet 2025 illustre cette priorité : neuf présumés trafiquants d’ivoire, de peaux de panthère et d’écailles de pangolin géant ont été interpellés lors de quatre opérations coordonnées. Derrière ces statistiques apparaît une stratégie gouvernementale qui articule protection de la nature et stabilité territoriale, conformément aux orientations du président Denis Sassou Nguesso visant à pérenniser les ressources fauniques tout en asséchant les circuits financiers parallèles.

Dispositif opérationnel : gendarmerie en première ligne

À Dolisie, Owando puis Impfondo, des unités de la gendarmerie nationale ont mené des opérations coup de poing aux côtés des agents des Eaux-et-Forêts. Les patrouilles mixtes, appuyées par le Groupe d’intervention mobile, ont capitalisé sur la connaissance fine du terrain acquise lors des exercices interarmées 2024-2025. « Nous avons appliqué les mêmes protocoles que pour la lutte anti-braconnage en zone frontalière », confie un officier supérieur ayant requis l’anonymat. L’effet de surprise, la mobilité et l’interopérabilité entre uniformes verts et bleus ont permis des arrestations en flagrant délit de détention ou de tentative de commercialisation de trophées d’espèces intégralement protégées.

Apport déterminant du Palf dans le maillage judiciaire

Le Projet d’appui à l’application de la loi sur la faune sauvage, communément nommé Palf, joue le rôle d’interface technique entre les forces de sécurité et la chaîne pénale. Ses spécialistes fournissent une assistance en matière de prélèvement d’indices biologiques, de constitution de dossiers et de formation continue des officiers de police judiciaire. Cette collaboration a fluidifié la mise en œuvre de la loi 37-2008 du 28 novembre 2008, texte qui encadre strictement la capture, la circulation et la détention de spécimens protégés. Sur les neuf individus interpellés, huit ont été placés sous mandat de dépôt et cinq condamnés à des peines fermes, signal fort adressé aux filières criminelles régionales.

Renseignement environnemental : un levier d’anticipation

La montée en puissance d’un renseignement environnemental dédié constitue la clef de voûte du succès des opérations 2025. Les antennes régionales du Service de recherche de la gendarmerie, en partenariat avec les écogardes, agrègent désormais les données de pistage, les alertes communautaires et les signalements médiatiques. Ces informations sont analysées dans des cellules mixtes afin de cartographier les routes empruntées par les trafiquants entre le bassin du fleuve Sangha et la côte atlantique. Cette approche prévisionnelle, inspirée des doctrines contre-insurrectionnelles appliquées au Sahel, permet de déployer les unités dans des délais réduits et d’optimiser les saisies.

Chaîne pénale et exemplarité des sanctions

Le tribunal de grande instance d’Owando a illustré la réactivité judiciaire en prononçant, moins de quatre semaines après l’arrestation, une condamnation à deux ans de réclusion assortie d’une amende dissuasive. Selon la magistrate en charge du dossier, « l’objectif est de préserver un patrimoine national, mais aussi de couper les financements illicites susceptibles de nourrir d’autres formes de criminalité transfrontalière ». L’adhésion de la justice à la politique gouvernementale renforce la crédibilité de l’arsenal légal congolais et envoie un message clair aux bailleurs internationaux engagés dans la conservation.

Diplomatie verte et crédibilité stratégique du Congo

En s’imposant comme État pivot dans la lutte régionale contre le trafic d’espèces protégées, le Congo-Brazzaville consolide son image de partenaire fiable. Les résultats obtenus en 2025 trouvent un écho favorable au sein de la Commission des forêts d’Afrique centrale, où Brazzaville plaide pour une mutualisation des capacités de surveillance aérienne et satellitaire. Cette diplomatie verte, encouragée par le ministère des Affaires étrangères, renforce parallèlement la conformité du pays aux standards internationaux, condition préalable à la montée en gamme de son industrie touristique et à l’attraction d’investissements durables.

Perspectives 2026 : vers une doctrine intégrée

Le commandement de la gendarmerie prépare actuellement un plan quinquennal visant à systématiser les unités polyvalentes antitrafics, intégrant drones tactiques et systèmes de géolocalisation. L’objectif est de prolonger la dynamique de 2025 et de porter le taux de condamnation au-delà de 90 %. Parallèlement, le ministère de l’Économie forestière renforce le cursus des conservateurs de parcs afin de créer un continuum sécurisé entre zones protégées, corridors écologiques et points de contrôle routiers. Ces initiatives, couplées à une campagne médiatique soutenue, témoignent de la volonté de l’exécutif de faire de la protection faunique un pilier de résilience nationale et de souveraineté sécuritaire.

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