Genre et maintien de la paix : l’offensive marocaine

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La diplomatie marocaine place le genre au cœur de la sécurité

Depuis la tribune onusienne, Nasser Bourita a rappelé que la paix durable ne saurait se construire sans une représentation équilibrée des genres dans les centres de décision politique et sécuritaire. Le chef de la diplomatie du Royaume a souligné que l’exclusion historique des femmes des négociations de cessez-le-feu, des dispositifs de médiation et des structures de commandement constitue, pour la communauté internationale, une vulnérabilité opérationnelle autant qu’une injustice normative.

Le Maroc revendique désormais l’intégration systématique de la perspective féminine dans toutes les étapes du cycle des opérations de paix, depuis l’analyse de situation jusqu’au retrait des troupes. Cette approche, articulée autour de la résolution 1325 du Conseil de sécurité et consolidée par l’adhésion prochaine à l’initiative Foreign Feminist Policy+, offre une grille d’évaluation inédite pour les programmes de préparation opérationnelle africains, y compris ceux auxquels participe l’armée congolaise.

Retombées concrètes pour les contingents africains

En mettant en avant le déploiement de soldates, de policières et d’observatrices dans les théâtres d’opérations, Rabat entend démontrer qu’une composition plus inclusive des contingents accroît la collecte de renseignement humain, favorise la liaison avec les communautés locales et réduit la probabilité d’incidents disciplinaires. Les forces marocaines, présentes notamment en République centrafricaine, rapportent une amélioration sensible du climat de confiance avec la population civile dès lors que les unités mixtes mènent les patrouilles de sécurisation.

Ces résultats intéressent directement Brazzaville, dont les bataillons engagés au sein de la MINUSCA et de la MONUSCO cherchent à renforcer leur acceptabilité sociale dans des environnements marqués par une défiance croissante à l’égard de la présence étrangère. Le modèle marocain, fondé sur une formation différenciée en matière de médiation, de lutte contre les violences basées sur le genre et de protection des sites sensibles, pourrait être adapté aux besoins doctrinaux des Forces armées congolaises, dans le cadre d’exercices conjoints ou d’échanges d’expertise.

Un modèle d’intégration salué par les Nations unies

Les statistiques avancées par Nasser Bourita confèrent une légitimité numérique à son plaidoyer : près de la moitié des directions centrales du ministère marocain des Affaires étrangères sont dirigées par des femmes, vingt-et-une missions diplomatiques sur cent sont confiées à des ambassadrices et quarante pour cent des consulats sont placés sous autorité féminine. Cette dynamique, prolongée dans les rangs des Forces armées royales, vient répondre aux objectifs de parité fixés par le Département des opérations de paix de l’ONU pour 2028.

L’Organisation souligne que l’accroissement de la représentation féminine de vingt à vingt-cinq pour cent au sein des unités déployées est corrélé à une diminution mesurable des incidents de protection des civils. L’expérience marocaine servira, dès le prochain cycle de revue stratégique des missions onusiennes, de laboratoire pour affiner les indicateurs de performance genre dans les mandats futurs, offrant aux États contributeurs, dont le Congo-Brazzaville, un référentiel opérationnel éprouvé.

Synergies potentielles avec les forces congolaises

Brazzaville a, ces dernières années, engagé une modernisation de son dispositif de maintien de la paix, en dotant l’École de maintien de la paix Alphonse Loudoukou d’un module consacré à l’agenda Femmes, Paix et Sécurité. Dans cette perspective, le discours de M. Bourita ouvre une fenêtre de coopération sud-sud, tant sur le plan de la formation que de la projection conjointe. Des instructeurs marocains pourraient, à moyen terme, intervenir au sein de cette école pour partager les retours d’expérience acquis dans la lutte contre les violences sexuelles en zones de conflit.

De leur côté, les officières congolaises déjà aguerries sur les théâtres de l’ONU en Afrique centrale pourraient être invitées à Rabat pour des cycles avancés de leadership et de gestion de crise. Cette circulation des compétences consoliderait la posture africaine au sein de la Commission de consolidation de la paix, où les deux pays entendent défendre la voix du continent dans l’élaboration de mécanismes de financement pérennes pour l’égalité de genre.

Enjeux capacitaires et doctrine future

Au-delà du symbole, l’intégration féminine interroge la planification capacitaire des États contributeurs. Nasser Bourita a insisté sur la nécessité d’adapter les équipements individuels, l’hébergement en opération et les procédures sanitaires afin de lever les freins logistiques à l’engagement des femmes. Cette réflexion, qui touche au cœur des chaînes d’approvisionnement et du maintien en condition opérationnelle, rejoint les préoccupations de la Direction générale des grands travaux et des matériels des Forces armées congolaises, actuellement en cours de révision de son catalogue d’habillement tropicalisé.

À terme, l’objectif partagé est la constitution de contingents africains capables de répondre aux crises multidimensionnelles en combinant expertise féminine et excellence tactique. Le propos conclusif du ministre marocain, selon lequel « les luttes pour l’égalité et la paix sont indissociables », trouve ici sa pleine résonance : la sécurité ne se limite plus à la neutralisation d’une menace, elle englobe la reconstruction du contrat social. En offrant une feuille de route concrète, Rabat invite ses partenaires, dont le Congo-Brazzaville, à transformer la question du genre en avantage stratégique durable.

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