Un parcours forgé dans la cavalerie blindée congolaise
L’annonce de la disparition du colonel à la retraite Noël Victor Oyouba, le 26 juillet 2025, a suscité une émotion palpable au sein des Forces armées congolaises. Né en 1956 dans la région du Pool, il s’était engagé dès la fin de ses études secondaires, intégrant l’École spéciale militaire de Saint-Cyr par le biais d’un accord de coopération. Diplômé ingénieur en mécanique, il choisit résolument l’arme blindée de cavalerie, convaincu que la mobilité blindée constituerait un atout déterminant pour la dissuasion terrestre nationale.
- Un parcours forgé dans la cavalerie blindée congolaise
- Architecte de la logistique de la Zone militaire n°9
- Transmission du savoir et diplomatie militaire
- Innovation mécanique et liaison avec l’industrie locale
- Une figure de référence pour la jeune génération
- Le devoir de mémoire des Forces armées congolaises
Au fil des années, il gravit les échelons de commandement, dirigeant successivement l’escadron de reconnaissance du bataillon blindé, puis le 1ᵉʳ régiment blindé, unité de pointe stationnée à Brazzaville. Les anciens de l’arme se souviennent d’un chef « calme et rigoureux », capable de passer d’une planche de calcul balistique à un briefing tactique avec la même précision. Son style de commandement, fait de sobriété et d’exigence, demeure cité dans les écoles de formation comme un modèle d’efficacité congolaise.
Architecte de la logistique de la Zone militaire n°9
Nommé à la tête de la division logistique du Commandement de la zone militaire de défense n°9 au tournant des années 2000, le colonel Oyouba s’attaque à un défi stratégique : garantir la disponibilité permanente des chars AMX-13 et des véhicules de transport de troupes en environnement équatorial. Sous son impulsion, des ateliers de maintenance de deuxième échelon voient le jour dans le quartier de Mbé, réduisant de moitié les temps d’immobilisation des engins.
Cette modernisation ne s’est pas limitée à la mécanique. Constatant l’impact des ruptures de flux sur la réactivité opérationnelle, il met en place une cartographie numérique des stocks de pièces, première ébauche d’un système de gestion intégré aujourd’hui généralisé. « Le colonel a introduit la culture de la traçabilité dans nos dépôts », rappelle le général de brigade Jean-Félix Okandzi, actuel chef de la logistique des FAC. Cette transformation logistique a consolidé la capacité de projection des unités lors des exercices combinés CEMAC.
Transmission du savoir et diplomatie militaire
Au-delà de la technique, le colonel Oyouba s’est imposé comme pédagogue. Entre 2010 et 2014, il anime le module « Mobilité blindée et appui logistique » à l’École supérieure militaire de Kouba, formant une centaine d’officiers congolais et tchadiens. Il y promeut un enseignement fondé sur l’étude de cas concrets, dont l’opération Kouari 2009, évacuation humanitaire exécutée en plein débordement fluvial.
Son expertise est également sollicitée sur le plan régional. En 2013, il conduit la délégation congolaise au symposium de Libreville sur l’interopérabilité des parcs motorisés en Afrique centrale. Selon un communiqué du ministère de la Défense, ses recommandations sur la mutualisation des stocks critiques ont inspiré la feuille de route logistique de la brigade régionale en attente. Par ce travail discret de diplomatie militaire technique, il a renforcé, sans bruit, l’influence de Brazzaville dans la sécurité collective.
Innovation mécanique et liaison avec l’industrie locale
Ingénieur de formation, Noël Victor Oyouba a toujours défendu l’idée d’un écosystème national de maintenance. En 2015, alors qu’il s’apprête à faire valoir ses droits à la retraite, il pilote un projet-pilote associant la société publique COMI et deux PME d’Owando pour la rénovation de moteurs SOFAMOUL. Ce partenariat, salué par la Direction générale de l’armement, aboutit à la remise en service de huit blindés supplémentaires à coût réduit.
Cette approche intégrée préfigure la politique actuelle de Maintien en condition opérationnelle (MCO) portée par le gouvernement sous l’autorité du président Denis Sassou Nguesso. En misant sur les capacités locales, Oyouba a démontré qu’une souveraineté technique graduelle est compatible avec les contraintes budgétaires d’un État de taille moyenne. Plusieurs ingénieurs civils formés sur ce programme occupent aujourd’hui des postes clés à l’Entreprise générale de maintenance militaire.
Une figure de référence pour la jeune génération
Malgré la discrétion qui le caractérisait, le colonel Oyouba n’hésitait pas à conseiller les jeunes officiers. « Il disait toujours : “Un char immobilisé faute d’une rondelle coûte plus cher qu’un bataillon déployé tôt” », se remémore le capitaine-instructeur Grâce Mavoungou. Par cette maxime, il soulignait l’importance de l’anticipation logistique face aux menaces asymétriques.
Sa conception de la préparation opérationnelle, alliant maniement de la tourelle et diagnostic technique, correspond aux exigences contemporaines. Les derniers exercices Ngoko 2024, placés sous le sceau de la modernité numérique, continuent d’appliquer les processus qu’il avait ébauchés : check-lists en tablette, retour d’expérience filmé, maintenance immédiate en zone de regroupement. Ainsi, son héritage dépasse la dimension mémorielle pour irriguer la pratique quotidienne des forces.
Le devoir de mémoire des Forces armées congolaises
Le 9 août 2025, la dépouille du colonel Noël Victor Oyouba a rejoint le carré d’honneur du cimetière VIP Bouka de Kintélé sous les honneurs rendus par un détachement interarmes. Dans son oraison, le chef d’état-major général a rappelé que « la valeur d’une nation se mesure à la fidélité envers ceux qui l’ont servie ».
Au-delà de la solennité, l’état-major envisage de baptiser le nouveau centre de soutien technique de Mpila à son nom. Cette initiative s’inscrirait dans la politique de valorisation de la mémoire combattante promue par le ministère de la Défense. Elle offrirait aux recrues un repère éthique, tout en ancrant la doctrine de maintenance agile que le colonel avait défendue.
Le parcours de Noël Victor Oyouba confirme qu’une stratégie nationale de défense s’appuie autant sur les matériels que sur les femmes et les hommes capables d’en assurer la mise en œuvre. En honorant l’officier disparu, la République rend hommage à l’esprit d’excellence et d’innovation qui continue de guider ses forces armées.