Jeca 2025 : Paris, hub des alliances défense-invest

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Diplomatie économique sécuritaire à Paris

Les 26 et 27 septembre, le Palais du Luxembourg s’est mué en agora stratégique à l’occasion des Journées économiques et consulaires africaines 2025. Initiée par l’Institut Afrika, la rencontre a rassemblé ministres, officiers généraux, investisseurs et universitaires autour d’un fil conducteur inédit : la diplomatie économique comme levier de sécurité. Dans un contexte mondial marqué par la reconfiguration des chaînes de valeur et la montée des menaces hybrides, les échanges ont souligné qu’aucune relance durable des économies africaines ne saurait se concevoir sans la protection du capital humain, des infrastructures critiques et des corridors commerciaux. Le général de division français Benoît Durand, invité d’honneur, a rappelé que « sécurité des investissements et sécurité des populations constituent les deux faces d’une même pièce stratégique ».

Partenariats gagnant-gagnant et souveraineté stratégique

Le premier panel, consacré aux partenariats gagnant-gagnant, a mis en lumière la place singulière du Congo-Brazzaville dans les recompositions régionales. Grâce à ses positions fluviale et maritime, le pays se projette comme carrefour logistique pour le Golfe de Guinée, condition essentielle au succès des opérations navales de lutte contre la piraterie. Aux côtés de la magistrate congolaise Valencia Iloki Engamba, modératrice du quatrième panel, le directeur de cabinet du ministère congolais de la Défense a défendu une approche de co-production industrielle. Il s’agit, a-t-il insisté, « d’ancrer les projets d’infrastructures dans une démarche de transfert technologique qui renforce la souveraineté opérationnelle de nos forces, tout en ouvrant des marchés aux partenaires européens ».

Investissement protégé : un impératif sécuritaire

Le deuxième panel a abordé le thème, sensible, de la protection des investissements dans les environnements instables. Experts en gestion de crise et assureurs spécialisés dans les risques politiques ont présenté des outils contractuels adaptés aux théâtres africains, de la garantie souveraine à la couverture contre les actes de terrorisme. Les participants ont convergé sur une idée : la crédibilité de la puissance publique, armée comprise, reste le socle de la confiance des investisseurs. À ce titre, l’expérience congolaise de patrouilles mixtes armée-gendarmerie sur les axes routiers stratégiques a été citée comme bonne pratique, ayant permis de réduire de 40 % les incidents de sûreté recensés entre Pointe-Noire et Brazzaville.

Made in Africa et autonomie capacitaire

La promotion des produits Made in Africa, troisième ligne directrice des Jeca, a résonné avec la volonté de bâtir une base industrielle et technologique de défense (BITD) continentale. Les discussions ont mis l’accent sur l’armement léger, les pièces de rechange et le maintien en condition opérationnelle, segments jugés immédiatement accessibles aux PME africaines. Des prototypes de gilets balistiques congolais, conçus à Oyo et testés par le 31e bataillon de maintien de l’ordre, ont suscité l’intérêt d’industriels français en quête de capacités de production redondantes. « La crise sanitaire a montré le coût stratégique d’une dépendance excessive. Nous devons internaliser les chaînes d’approvisionnement critiques », a argumenté le professeur ivoirien Kouadio Kacou, spécialiste des industries de sécurité.

Diaspora, financement intelligent et coopération CEMAC

Le volet financier des Jeca a mis en avant l’épargne diasporique, considérée comme un catalyseur d’innovation sécuritaire. Un fonds d’investissement dédié aux start-up congolaises de cybersécurité, doté de dix millions d’euros par un consortium franco-africain, a été annoncé en marge des travaux. L’initiative s’inscrit dans la nouvelle « grammaire de l’investissement » défendue par Paul Kananura : mobiliser des capitaux patients, alignés sur des objectifs de résilience numérique et de lutte contre la désinformation. Parallèlement, les représentants de la CEMAC ont confirmé la mise à l’étude d’un mécanisme de mutualisation des marchés publics de défense, inspiré du modèle européen d’achat en pool, afin de rationaliser les coûts d’équipement et de renforcer l’interopérabilité régionale.

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