Kintélé 2026 : un sommet à haute densité sécuritaire
La signature, le 19 septembre à Brazzaville, du protocole d’accord entre le gouvernement congolais et la Banque africaine de développement engage officiellement la République du Congo à offrir le cadre logistique et sécuritaire des 61e Assemblées annuelles de l’institution prévues du 25 au 29 mai 2026. Trois mille délégués, parmi lesquels des chefs d’État, gouverneurs de banques centrales et dirigeants d’entreprises stratégiques, convergeront vers le site de Kintélé, transformant pendant cinq jours la capitale congolaise en véritable zone d’intérêt vital national.
Parce qu’une telle concentration de décideurs entraîne mécaniquement une élévation du niveau de menace, le dispositif de protection a été pensé dès l’origine comme une opération d’ampleur interarmées. Selon une source proche du haut commandement, « Kintélé 2026 représente, pour Brazzaville, l’équivalent d’un exercice grandeur nature de sécurisation d’infrastructures critiques ». L’événement servira donc de laboratoire à la doctrine congolaise de sûreté des grands rassemblements, articulée autour de la dissuasion, de la détection précoce et de la neutralisation rapide des risques.
Chaîne de sûreté globale pilotée par l’État-Major
Sous la coordination directe du Premier ministre Anatole Collinet Makosso, un comité ministériel associe la Défense nationale, l’Intérieur, les Affaires étrangères, les Transports et la Santé. Une cellule de planification, abritée à l’État-Major des Forces armées congolaises (FAC), synchronise l’action des composantes terrestre, aérienne et fluviale, ainsi que de la Gendarmerie et de la Police nationale. La présence, annoncée, d’unités des Forces spéciales apporte la faculté d’intervention chirurgicale en cas de menace asymétrique.
Sur le terrain, le schéma d’emploi prévoit un bouclage concentrique : première ceinture de contrôle à l’aéroport international de Maya-Maya, seconde autour du corridor routier vers Kintélé, troisième à l’intérieur même du Centre international de conférence. Des escadrilles de drones ISR survolent ces périmètres pour alimenter en temps réel le Poste de commandement interarmées, tandis que la Brigade fluviale patrouille sur le fleuve Congo afin de prévenir toute intrusion par voie d’eau.
Cyberdéfense et protection des flux financiers
Les enjeux ne se limitent pas au domaine physique. Les transactions électroniques liées aux réunions de la BAD et la confidentialité des documents stratégiques imposent un bouclier cyber renforcé. L’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI-Congo) déploiera un Centre opérationnel de cybersécurité temporaire, relié au futur data-centre gouvernemental de Kombo. Objectif : détecter et contenir en moins de cinq minutes toute tentative d’intrusion ou de déni de service.
Dans cette perspective, un appel d’offres a été lancé pour l’acquisition de sondes réseau de nouvelle génération et pour la formation avancée de vingt analystes SOC. Le partenariat technologique conclu avec la société publique congolaise des Postes et Télécommunications garantit, selon le ministre d’État chargé de l’Aménagement du territoire, « la souveraineté numérique des échanges durant le sommet ».
Retombées capacitaires pour les forces congolaises
Au-delà de 2026, l’investissement consenti crée un héritage tangible pour les forces de défense et de sécurité. Les infrastructures de Kintélé – postes de commandement, liaisons chiffrées, hélistations et zones de regroupement – seront reversées au dispositif permanent de réponse aux crises majeures. Les FAC bénéficient ainsi d’un accroissement de leurs capacités de projection intérieure, crucial pour des opérations humanitaires comme pour la lutte contre la piraterie dans le golfe de Guinée.
Par ailleurs, l’exercice préparatoire sert de catalyseur à la coopération internationale. Des équipes d’instruction françaises, brésiliennes et angolaises doivent intervenir sur la planification d’évacuations sanitaires et la maîtrise du combat en zone urbaine. De fait, le Congo capitalise sur la tenue du sommet pour accélérer la montée en compétence de ses cadres, tout en valorisant le savoir-faire local dans la maintenance des équipements, conformément à la stratégie de soutien en service adoptée par le ministère de la Défense.
Ancrage régional et diplomatique de la sécurité du sommet
L’organisation des Assemblées annuelles de la BAD confère à Brazzaville une visibilité diplomatique accrue dans la zone CEMAC. La mutualisation de certaines capacités avec le Cameroun, le Gabon et la Guinée équatoriale est déjà à l’étude, notamment pour la surveillance aérienne et la veille épidémiologique. En s’impliquant dans cette dynamique, le Congo illustre son engagement en faveur de la sécurité collective, pilier de l’Agenda 2063 de l’Union africaine.
Le secrétaire général de la BAD, le professeur Vincent Nmehielle, n’a pas manqué de souligner que « les meilleures Assemblées sont celles où la sécurité est si fluide qu’elle se fait oublier ». À trois ans de l’échéance, l’ambition congolaise est précisément de conjuguer discrétion et robustesse, démontrant qu’une Afrique stable et résiliente peut être l’hôte d’événements financiers d’envergure mondiale. Pour les forces congolaises, l’enjeu est tout autant opérationnel que symbolique : prouver leur maturité et leur professionnalisme, atouts déterminants pour la confiance des partenaires et l’attractivité du territoire.