Tambo 2025, héritière d’une tradition d’excellence
Du 22 au 31 août 2025, l’Académie militaire Marien-Ngouabi de Djiri a résonné au rythme de la sixième édition de la manœuvre école, baptisée « Tambo », le lion en langue locale. Conçue comme l’aboutissement de l’année académique 2024-2025, la MANECO-6 a mobilisé 353 personnels issus des Forces armées congolaises, des forces de sécurité intérieure et de plusieurs organismes paramilitaires. Placé sous l’autorité du commandant des écoles, le général de brigade Charles-Victoire Bantadi, l’exercice a bénéficié de l’attention du ministre de la Défense nationale, Charles-Richard Mondjo, et du chef d’état-major général, le général de division Guy Blanchard Okoï, gage de l’importance stratégique accordée à cette séquence de préparation opérationnelle.
Alors que les précédentes éditions insistaient surtout sur la tactique terrestre, la cuvée 2025 élargit le spectre aux domaines aérien, maritime, policier et douanier. Le colonel-major Jean-Pierre Bouka, directeur de l’exercice, explique que « la MANECO n’est plus seulement un rite pédagogique, elle est devenue un démonstrateur de la doctrine interarmées congolaise ».
Sécuriser une frontière liquide sous pression
Le scénario, inspiré de l’hypothèse d’engagement n° 7 des Forces armées congolaises, postule la reprise par un groupement de forces mixtes d’une bande frontalière théâtre de trafics illicites et de violences armées. À la complexité géographique — zones forestières, couloirs fluviaux et localités enclavées — s’ajoute l’implication d’acteurs hostiles soutenus, de façon tacite, par un État voisin. Cette dimension politico-stratégique oblige les stagiaires à conjuguer action militaire, contrôle des espaces maritimes et coordination policière afin de rétablir la continuité de l’État.
L’exercice se distingue par une approche « tout en un ». Les composantes terrestre, navale et aérienne établissent une bulle de sécurité évolutive, tandis que gendarmerie et douanes resserrent l’étau sur les filières de contrebande. Selon le général Bantadi, l’objectif final reste « de s’approprier l’ensemble des fonctions opérationnelles et de démontrer la capacité à analyser les situations et à agir en conséquence ».
La digitalisation, cœur battant de l’interopérabilité
Grande nouveauté de 2025 : l’activation d’un réseau intranet académique sécurisé. Installé à poste fixe mais pensé pour être projetable, ce backbone relie les postes de commandement, les cellules de renseignement et les simulateurs tactiques. Les messages opérationnels sont chiffrés et routés en temps quasi réel, ce qui réduit drastiquement les délais de décision.
Au plan doctrinal, l’initiative répond au besoin, identifié de longue date, de passer d’une juxtaposition de systèmes à une architecture intégrée. Le capitaine-informaticien Olga Mampouya, responsable technique du projet, note que la plate-forme « permet aux jeunes officiers de manipuler, dès la formation initiale, les protocoles de cyberprotection qui seront demain la norme sur les théâtres extérieurs ». L’effort participe ainsi à la montée en puissance de la cyber-résilience nationale, domaine de souveraineté jugé prioritaire par Brazzaville.
Diplomatie de la formation et rayonnement régional
Parmi les 353 participants, 68 proviennent de neuf pays d’Afrique de l’Ouest et du Centre, dont le Bénin, le Cameroun et la Côte d’Ivoire. Cette présence confère à la MANECO-6 une portée diplomatique indéniable. Les officiers invités découvrent les procédures congolaises, tandis que les cadres locaux s’enrichissent d’expériences extérieures, créant un vivier d’interopérabilité à l’échelle de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale.
À l’issue de la visite ministérielle, plusieurs attachés de défense ont salué la capacité d’accueil et la qualité des infrastructures de l’Académie Marien-Ngouabi. Un diplomate ouest-africain, sollicité à l’issue des démonstrations, confie que « Brazzaville s’affirme comme un centre régional de formation, comparable à ce que fut jadis Koulikoro pour le Sahel ». Ce positionnement renforce la crédibilité congolaise dans les initiatives de coopération sécuritaire multilatérale.
Enseignements stratégiques pour Brazzaville
Au-delà de la performance des stagiaires, la MANECO-6 livre trois leçons. Premièrement, la lutte contre les menaces hybrides nécessite une symbiose réelle entre armées, forces intérieures et administrations civiles. Deuxièmement, la numérisation des réseaux de commandement, amorcée à Djiri, doit être poursuivie jusqu’aux niveaux bataillonnaires afin d’assurer la continuité numérique du champ de bataille. Troisièmement, la consolidation d’une communauté de formation régionale contribue à la stabilité collective et accroît l’influence diplomatique du Congo-Brazzaville.
À l’heure où Brazzaville s’attache à moderniser ses capacités tout en restant maître de ses choix stratégiques, l’exercice « Tambo » incarne une synthèse entre tradition et innovation. En plaçant ses officiers au cœur d’un environnement multitâches, numérisé et ouvert sur l’extérieur, la République du Congo démontre que la préparation opérationnelle est aussi un instrument de souveraineté. La manœuvre école, loin de n’être qu’un évènement scolaire, s’impose désormais comme un jalon incontournable de la posture de défense nationale.