Mfilou : Offensive Police-Population contre les Kulunas

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Descente du Général Obami Itou à Mfilou

Le 12 septembre 2025, l’arrondissement 7 de Brazzaville a reçu la visite peu protocolaire mais hautement symbolique du commandant des Forces de police, le général André Fils Obami Itou. Le déplacement, organisé moins d’une semaine après celui effectué au quartier Domaine, s’inscrit dans une campagne d’« immersion sécuritaire » voulue par la haute hiérarchie du ministère de l’Intérieur. Il ne s’agissait pas d’une inspection au sens classique, mais d’un acte opérationnel assorti d’un message politique clair : la lutte contre les violences des kulunas et autres bandes de jeunes s’organise désormais au plus près des habitants. En présence de la maire de l’arrondissement, Bibiane Kouloumbou, le général a rappelé que la sécurité publique, socle de la résilience nationale définie dans la dernière revue stratégique, est un bien commun.

Dialogue Police-Habitants, pivot stratégique

Devant une assemblée de chefs de quartiers et de blocs, le commandant des Forces de police a martelé qu’« aucune police n’a jamais été performante sans la complicité agissante des populations ». Cette formule, reprise ensuite par les médias publics, résume l’esprit d’une doctrine de proximité qui privilégie le contact direct plutôt que la seule coercition. Le pari est double : restaurer la confiance en montrant le visage humain de l’institution et disposer, en retour, d’un flux informationnel permettant l’anticipation des actes criminels. Mfilou, zone périphérique en forte croissance démographique, offre un terrain d’expérimentation jugé représentatif des défis urbains congolais, à commencer par la précarité sociale et l’urbanisation spontanée, terreau de la délinquance juvénile.

Chefs de Quartier, capteurs avancés du renseignement

Si les effectifs de la police nationale ont été renforcés de 8 % depuis 2023, la densité opérationnelle demeure insuffisante pour un maillage permanent de tous les secteurs. D’où l’option d’ériger les chefs de quartiers en capteurs avancés du renseignement. Ces derniers, au contact quotidien des familles, recueillent signaux faibles, tensions latentes et profils à risque. Leur remontée d’informations, canalisée par un point focal unique au commissariat de Mfilou, alimente le centre de commandement opérationnel de Brazzaville. Selon un officier chargé du suivi, « l’intelligence humaine suscitée localement réduit de deux tiers notre temps de réaction ». Pour les communautés, ce partenariat officialise un rôle social déjà exercé de manière informelle et place leurs responsables dans la chaîne décisionnelle, tout en garantissant l’anonymat des dénonciations sensibles.

Riposte aux Kulunas : doctrine d’engagement rapide

À la faveur des renseignements collectés, un dispositif d’intervention rapide, baptisé « Éclair », est désormais activable en moins de dix minutes dans les zones rouges de Mfilou. Composé d’équipes motorisées appuyées par un drone léger à caméra thermique, il illustre l’évolution technico-opérationnelle de la police congolaise, qui intègre progressivement des moyens de surveillance ISR légers. La force n’entend cependant pas verser dans une approche strictement punitive : les opérations d’interpellation sont systématiquement couplées à des actions de sensibilisation menées par la Direction de la protection judiciaire de la jeunesse et des associations confessionnelles, afin de proposer aux jeunes une alternative crédible à la récidive.

Articulation mairie–police : gouvernance sécuritaire

La présence de la maire Bibiane Kouloumbou n’était pas protocolaire. Elle consacre un niveau inédit de coordination entre administration locale et forces de sécurité, conformément au décret de 2024 sur la coproduction de la sécurité. Les budgets participatifs municipaux peuvent désormais financer l’éclairage public ciblé, l’installation de caméras et la réhabilitation d’espaces publics, autant de mesures de prévention situationnelle recommandées par les experts. De son côté, la police partage des données anonymisées sur la cartographie des faits, facilitant la planification urbaine. Cette gouvernance intégrée, encore embryonnaire, ambitionne de transformer l’arrondissement en laboratoire national, avant un déploiement gradué dans les autres périphéries de la capitale puis dans les grandes villes du pays.

Cap 2025-2027 : feuille de route pour la paix urbaine

En clôture de la rencontre, le général Obami Itou a fixé un horizon : d’ici à 2027, le taux de violences imputables aux kulunas devra être réduit de 50 % à Mfilou, objectif mesuré par les statistiques de plaintes et les indicateurs hospitaliers. Pour y parvenir, la feuille de route prévoit la création d’un comité trimestriel d’évaluation, la formation continue des chefs de quartier aux techniques de collecte d’informations, ainsi que l’extension du réseau radio sécuritaire aux écoles et marchés. L’enjeu dépasse la simple répression : il s’agit d’ancrer la culture de la sécurité partagée dans le tissu social congolais. À Mfilou, la démarche a d’ores et déjà été saluée par les habitants, convaincus que la présence physique du haut commandement, doublée d’une écoute active, constitue un rempart moral contre la peur. Le pari n’est pas seulement sécuritaire ; il est également politique, car il renforce la légitimité de l’État dans des zones longtemps perçues comme marginales.

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