Mossendjo, laboratoire de sûreté territoriale
Réputée pour son économie agricole et son calme proverbial, la cité de Mossendjo, dans le département du Niari, s’est discrètement hissée au rang de référence nationale en matière de sûreté territoriale. Depuis cinq ans, le ministère de l’Intérieur y relève un taux de délinquance violent proche de zéro, performance rare en Afrique centrale. Cette réussite n’est pas fortuite : elle découle d’une stratégie pilotée au plus haut niveau. En 2019, la direction générale de la police congolaise a choisi Mossendjo pour expérimenter un maillage fondé sur la proximité constante entre forces de sécurité et population. L’exercice, mené avec moins d’une quarantaine d’agents, démontre qu’un dispositif léger et guidé par le renseignement peut neutraliser les foyers criminogènes avant leur éclosion.
Doctrine de proximité et maillage policier
La doctrine appliquée à Mossendjo s’appuie sur la triade prévention–dissuasion–répression. Premier pilier, la prévention repose sur des patrouilles pédestres tournantes qui parcourent les artères commerciales au crépuscule puis les zones périphériques aux premières lueurs de l’aube. Ce quadrillage régulier a éloigné les bandes itinérantes connues, dans d’autres villes, sous l’appellation de « bébés noirs ». Deuxième pilier, la dissuasion se matérialise par des points de contrôle fixes, installés à la jonction des routes forestières et de la voie ferrée Mbinda–Pointe-Noire, afin d’illustrer, selon les mots d’un commissaire rencontré sur place, « la présence constante de l’État républicain ». Enfin, la répression, ciblée et rapide, s’appuie sur une équipe d’intervention motorisée capable de converger en moins de cinq minutes vers tout signalement anormal émis par la radio communautaire mise à disposition des habitants.
Synergie forces de défense et autorités locales
La performance sécuritaire de Mossendjo tient à la gouvernance concertée instaurée entre police, gendarmerie et autorités civiles. Chaque lundi, un comité mixte présidé par le sous-préfet passe en revue les incidents, même mineurs, relevés durant la semaine. Cette revue anticipative permet de désamorcer litiges fonciers, différends commerciaux ou tensions intercommunautaires. Les Forces armées congolaises, représentées par un détachement de soutien, fournissent cartographie et transmissions chiffrées, prolongeant la chaîne du renseignement. Ce dialogue illustre l’orientation rappelée par le président de la République lors du dernier réveillon d’armes : maintenir un « lien étroit entre la Force publique et son peuple » pour couper l’herbe sous le pied aux entrepreneurs de violence.
Innovation logistique et renseignement d’initiative
À première vue, les moyens matériels dévolus aux unités de Mossendjo demeurent modestes : quelques pick-up, une dizaine de radios et un stock limité de carburant. La contrainte budgétaire a cependant stimulé l’inventivité des responsables locaux. Les agents utilisent des drones civils reconfigurés pour surveiller les abords miniers où des orpailleurs clandestins tentaient d’implanter des réseaux de recel. Les images aériennes sont croisées avec les signalements anonymes transmis via une application mobile conçue par des étudiants du lycée technique. Cette remontée d’information ascendante, du citoyen vers la police, forme le noyau d’un « renseignement d’initiative » qui complète les filières centralisées de Brazzaville et transforme chaque habitant en capteur au service de la sécurité collective.
Enjeux frontaliers et extension du modèle à l’échelle nationale
Située à une centaine de kilomètres de la frontière avec la République démocratique du Congo, Mossendjo joue le rôle d’avant-poste. Les patrouilles mixtes police-douanes réalisent désormais des reconnaissances le long des pistes forestières pour cartographier les couloirs de contrebande. Fort de ce succès, le ministère de la Défense envisage d’étendre la formule aux corridors jugés sensibles, de Ketta au nord à Komono au sud-est. L’objectif, martelé par le chef suprême des armées, est de « faire de chaque district une citadelle de tranquillité » et de priver les réseaux criminels de l’effet de surprise qu’offre la porosité frontalière.
Perspectives stratégiques pour 2025
L’état-major de la police finalise pour le premier semestre 2025 un plan baptisé Horizon Sécurité Participative. Inspiré de Mossendjo, il créera vingt-cinq cellules urbaines de vigilance articulées autour d’une brigade légère, d’un réseau associatif et d’un comité de sages. Ce maillage sera soutenu par le futur Système intégré d’information policière, qui fédérera bases d’empreintes, vidéosurveillance et sources ouvertes. Interrogé sur les ressources, un haut responsable du Trésor assure que « la sécurité, poste régalien, demeure prioritaire dans la répartition budgétaire 2025 ». En adaptant l’exemple de Mossendjo aux réalités de chaque agglomération, le Congo-Brazzaville entend démontrer qu’une paix durable est compatible avec un développement endogène.