Mwassi Festival : l’art au service de la sécurité

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Art visuel et prévention de la violence

Le 5 septembre, la cour du siège du Programme des Nations unies pour le développement à Brazzaville s’est métamorphosée en salle de projection nocturne. Sous le ciel sans nuage, le Mwassi Festival a offert un triptyque cinématographique qui, en abordant la violence faite aux femmes, interroge directement le socle de la sécurité humaine au Congo. Les récits mis en image rappellent qu’aucune stratégie de défense ne peut se concevoir sans un effort soutenu de prévention des violences de genre, souvent germes de tensions sociales plus larges. Dans un silence attentif, diplomates, artistes et citoyens ont vu l’intime se faire politique, confirmant que la maîtrise de la violence commence par la compréhension sensible de ses mécanismes.

Brazzaville, une cour qui devient agora sécuritaire

Le décor informel d’une cour intérieure aménagée en ciné-village a créé les conditions d’un débat public d’un genre particulier. Alors que les chaises se remplissaient, « Les Tissus blancs » de Moly Kane ouvrait la séance, exposant la difficulté pour une jeune femme d’effacer un passé douloureux afin de se couler dans le moule social. Ce premier film a donné le ton : la sécurité intérieure ne se réduit pas à l’ordre public, elle se joue aussi dans le regard porté sur l’individu et sur la capacité des institutions à accompagner les vulnérabilités. En filigrane, c’est la prévention des risques de marginalisation et donc de radicalisation qui se lit, rappelant l’importance pour les forces de sécurité de repérer, en amont, les fragilités sociales.

Femmes, résilience et professionnalisation des forces

La soirée s’est poursuivie avec « Chambre n°1 » de Leila Thiam, documentaire centré sur dix patientes d’un service de traumatologie à Bangui. Entre rires, douleurs et élans d’espoir, ces voix féminines expriment une résilience précieuse. Pour la communauté défense-sécurité, la notion de résilience, si souvent évoquée dans les plans de préparation opérationnelle, prend ici un visage humain. Elle rappelle qu’en situation de crise, la population devient partenaire stratégique des forces ; investir dans la santé mentale et physique post-traumatique réduit le risque de cycles de violence. Sur l’écran, la dignité des femmes hospitalisées soulignait, sans didactisme, combien l’intégration d’une perspective genre dans la formation des personnels de santé militaire et de la gendarmerie peut renforcer l’efficacité globale du dispositif national de sécurité.

Alice Badiangana, mémoire et légitimité nationales

Le troisième court-métrage, « Wakassa : briser le silence » de Razia Mahoumi, a salué la trajectoire d’Alice Badiangana, figure politique congolaise longtemps méconnue. En redonnant chair à une pionnière, le Mwassi Festival participe à l’émergence d’une mémoire partagée, élément cardinal pour la cohésion des forces armées et de sécurité. Dans la salle, les applaudissements nourris ont attesté du besoin de modèles féminins nationaux. Le rappel des combats menés contre des violences persistantes rencontre la doctrine actuelle qui place la légitimité, donc l’adhésion populaire, au cœur de l’action sécuritaire. La mémoire vécue alimente la confiance entre citoyens et institutions, condition sine qua non de toute stratégie de maintien de l’ordre démocratique.

Partenariat PNUD-pouvoirs publics : capital confiance

Au terme des projections, la représentante résidente du PNUD au Congo, Adama-Dian Barry, a insisté sur l’égalité des compétences entre femmes et hommes. Son propos résonne avec la volonté affichée par les autorités congolaises de promouvoir la féminisation progressive des corps militaires et policiers. Le partenariat tissé autour du Mwassi Festival consolide un capital confiance entre acteurs internationaux et institutions nationales ; il offre une plateforme d’échanges où les problématiques de genre rencontrent la réflexion doctrinale. En soulignant que « la compétence n’a pas de sexe », l’organisation onusienne conforte les orientations gouvernementales visant à diversifier les profils, gage de performance pour la défense et la sécurité intérieure.

Diplomatie culturelle et influence stratégique

La vocation première du Mwassi Festival demeure artistique, mais sa portée diplomatique et stratégique s’impose désormais comme une évidence. En donnant à voir des récits d’Afrique centrale et de l’Ouest, l’événement renforce la projection d’une image de Brazzaville comme capitale culturelle attentive aux enjeux sécuritaires contemporains. Cette diplomatie culturelle, en phase avec la vision nationale, contribue à façonner une influence positive, apte à attirer partenariats et coopérations technico-opérationnelles. Les images projetées dans la nuit congolaise rappellent enfin que la lutte contre la violence, qu’elle soit domestique ou sociopolitique, commence souvent par la parole libérée. En faisant tomber les murs du silence, le Mwassi Festival rejoint, par des voies artistiques, l’effort collectif de consolidation de la paix et de la sécurité sur le continent.

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