Rayonnement culturel des forces de sécurité congolaises
Dans une République du Congo résolument engagée dans la modernisation de son appareil sécuritaire, la stratégie d’influence passe autant par l’entraînement que par la culture. La cérémonie organisée le 16 septembre au mémorial Pierre-Savorgnan-de-Brazza, couronnant huit officiers-écrivains, en apporte une preuve éclatante. Placée sous l’égide de la direction générale de la stratégie, de la coopération et de la communication du ministère de l’Intérieur, l’initiative vise à inscrire la production intellectuelle des forces de police et de gendarmerie dans le patrimoine national, afin de consolider le lien armée-nation et de projeter une image proactive du pays sur la scène régionale.
- Rayonnement culturel des forces de sécurité congolaises
- Une cérémonie riche de symboles opérationnels
- Portraits croisés d’officiers-écrivains engagés
- La puissance du récit au service de la cohésion nationale
- Communication institutionnelle et souveraineté numérique
- Vers une doctrine congolaise de l’influence par les savoirs
Une cérémonie riche de symboles opérationnels
Le thème choisi, « Chevaliers de la plume sous l’uniforme bleu », rappelle que le savoir appartient au même dispositif de défense que les escadrons mobiles ou les brigades fluviales. Au-delà du rite protocolaire, le Mémorial Brazza s’est transformé en véritable poste de commandement culturel : défilé de la fanfare, intermèdes poétiques et interventions savantes ont rythmé un évènement où la forme traduisait le fond. En saluant « des hommes de cœur et de réflexion », le professeur Robert Ludovic Miyouna a d’ailleurs souligné que la maîtrise de la violence légitime gagne en efficacité lorsqu’elle s’accompagne d’une capacité narrative susceptible de fédérer la population autour des objectifs de sécurité intérieure.
Portraits croisés d’officiers-écrivains engagés
Les huit lauréats incarnent la diversité des expertises présentes au sein des forces congolaises. Le général Albert Ngoto, fin connaisseur des doctrines de sécurité civile, met son érudition historique au service d’un récit national apaisé. Le commissaire colonel-major Michel Innocent Peya, docteur en sciences de gestion, fait dialoguer pratiques de commandement et écologie opérationnelle, posant ainsi les jalons d’une gestion durable des moyens de sécurité.
Le colonel-major Charles Nkouanga, dont les vers dissèquent la condition humaine, rappelle que l’analyse du facteur humain demeure centrale dans toute planification sécuritaire. Quant à Roch Cyriaque Ngalebayi, historien militaire, il exhume les mémoires africaines pour mieux comprendre les dynamiques contemporaines de conflit et de résilience.
Maurice Itous-Ibara, colonel et chercheur, explore la « Physique à Magnons » afin de proposer des solutions énergétiques adaptées aux contraintes climatiques que rencontre l’appareil logistique national. Le capitaine de gendarmerie Charles Peter Moukala Kinzounza, musicien et romancier, inscrit sa réflexion dans la trajectoire de la jeunesse, première cible des programmes de prévention de la délinquance. Le colonel retraité Athanase Moussoungou, lui, revisite l’ésotérisme pour questionner la spiritualité du soldat, tandis que le capitaine retraité Ruphin Sognele interroge la dialectique entre loi et morale, clé de voûte de la légitimité de la force publique.
La puissance du récit au service de la cohésion nationale
En reconnaissant ces auteurs, l’État réaffirme que la cohésion humaine d’une force est indissociable de sa supériorité tactique. L’écriture constitue un vecteur de décompression psychologique, mais surtout un outil d’analyse des retours d’expérience, comparable à un rapport de fin d’opération. Les romans, essais ou recueils de poésie contribuent ainsi à diffuser, dans la société civile, une compréhension nuancée des contraintes auxquelles sont confrontés policiers et gendarmes. Le résultat est un environnement informationnel dans lequel la population devient alliée plutôt que spectatrice, condition sine qua non de l’efficacité des dispositifs de sécurité de proximité encouragés par le gouvernement.
Communication institutionnelle et souveraineté numérique
Le séminaire a accueilli un panel consacré à la communication institutionnelle, dimension aujourd’hui inséparable des théâtres d’opérations. Journalistes et experts ont rappelé que, dans l’écosystème numérique, la gestion de l’image peut faciliter ou entraver la manœuvre sécuritaire. Le journaliste-consultant Joachim Mbanza a noté les progrès du cadre juridique, prémunissant contre les dérives tout en évitant les entraves aux médias. Carine Ibombo a souligné l’existence de « barrières qui protègent l’intérêt vital de la nation », tandis qu’Alain Ndalla a plaidé pour une internalisation congolaise de l’intelligence artificielle afin de préserver la souveraineté des données sensibles. La direction de la communication du ministère, représentée par Stanislas Itoua Ikama, a rappelé que transparence et sécurité relèvent d’un même arbitrage stratégique, comparable à celui qui préside au déploiement d’unités sur le terrain.
Vers une doctrine congolaise de l’influence par les savoirs
En ouvrant les travaux, le directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, Séraphin Ondelé, a souhaité que « le code et la liberté se conjurent ». Cette formule résume l’ambition d’une doctrine nationale où la plume, loin d’être un ornement, devient une arme de stabilisation. En soutenant la diffusion des ouvrages primés dans les bibliothèques, les programmes scolaires et les centres de formation, le ministère entend forger un capital narratif susceptible d’orienter les perceptions régionales vers une image d’exemplarité sécuritaire. En définitive, l’officier-écrivain, par son double engagement, incarne le soldat du XXIᵉ siècle : apte à manœuvrer sur le terrain physique comme dans l’espace cognitif, garantissant ainsi la continuité de la paix et du développement sous le leadership éclairé des autorités congolaises.