ONU : la jeunesse congolaise, clé d’une paix durable

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Un appel onusien à la créativité, enjeu sécuritaire pour Brazzaville

À l’occasion de la Journée internationale de la paix du 21 septembre, les Nations Unies ont lancé un message qui résonne particulièrement à Brazzaville : placer la créativité de la jeunesse au cœur de la prévention des conflits. Derrière cette exhortation figurent des considérations loin d’être abstraites. Dans un environnement régional marqué par des poches d’instabilité, la République du Congo cherche à consolider un continuum sécurité-développement où chaque citoyen, et d’abord les plus jeunes, devient acteur d’une résilience collective. Le thème onusien – « Agissons pour un monde pacifique » – s’inscrit dans la logique de la Stratégie nationale de sécurité intérieure, laquelle insiste sur le renforcement du tissu social comme première ligne de défense face aux menaces hybrides.

Comme l’a rappelé le Représentant résident du Système des Nations Unies à Brazzaville lors d’une récente rencontre avec le ministère de la Jeunesse, « la paix ne peut attendre ». Ce constat fait écho à la vision du président Denis Sassou Nguesso, pour qui le capital humain constitue la ressource stratégique première. Encourager les jeunes à vérifier l’information avant diffusion, alerter contre les discours discriminatoires et promouvoir le dialogue non violent rejoint l’ambition gouvernementale d’un cyberespace national pacifié. Les autorités congolaises travaillent déjà, avec l’appui du Programme des Nations Unies pour le développement, à un cadre législatif de lutte contre les contenus incitant à la haine en ligne, preuve que l’axe ONU-Congo trouve un prolongement opérationnel tangible.

Forces armées congolaises : un rôle structurant auprès de la jeunesse

Le Haut Commandement a, depuis plusieurs années, fait évoluer ses missions vers ce que les doctrinaires appellent la « projection intérieure » : apporter un soutien à la cohésion sociale afin de consolider la paix. Le Service national pour le développement, administré par les Forces armées congolaises (FAC), accueille chaque année plusieurs milliers de jeunes volontaires. Au programme : formation citoyenne, apprentissages techniques et initiation à la culture de défense. Développer l’esprit critique, le sens du collectif et la connaissance des institutions correspond exactement aux leviers mis en avant par l’ONU pour éteindre à la racine les fractures susceptibles de dégénérer.

Le général de brigade Jean-Pierre Ondongo, commandant du Service national, souligne que « l’atelier militaire est un laboratoire d’innovation civique ». Les volontaires y conçoivent des projets communautaires, du recyclage des panneaux solaires aux start-ups numériques de cartographie participative des risques. Cette créativité encadrée constitue un antidote aux discours radicaux qui prospèrent sur la frustration ou l’oisiveté. Dans une région où les groupes criminels exploitent la vulnérabilité des jeunes, le dispositif des FAC devient un instrument de contre-recrutement aux bénéfices sécuritaires mesurables.

Éducation à la défense et lutte contre la désinformation numérique

La bataille se joue désormais autant dans les esprits que sur les terrains physiques. Les cyber-cellules de la Police nationale, renforcées par le nouveau Centre national de cybersécurité, élaborent des modules de sensibilisation destinés aux lycées et aux universités. L’objectif : apprendre à détecter les manipulations informationnelles, à identifier les faux contenus visuels et à signaler les faits de cyberharcèlement. Cette approche préventive rejoint l’appel onusien à « signaliser les brimades, en ligne et hors ligne ».

Le ministère de l’Enseignement supérieur a, pour sa part, intégré un cours optionnel sur la « culture stratégique africaine ». Des officiers-conférenciers interviennent pour décrypter la géopolitique du Golfe de Guinée, la piraterie ou les défis frontaliers. Cet échange armée-université vise à donner aux jeunes les clés de compréhension d’un environnement sécuritaire complexe, tout en nourrissant leur capacité de proposition. Il s’agit moins de militariser le débat académique que de démocratiser la réflexion stratégique, condition sine qua non d’une participation citoyenne au maintien de la paix.

Casques bleus congolais : laboratoire d’influence africaine

Sur les théâtres de la MINUSCA en Centrafrique ou de la MONUSCO en RDC, les Casques bleus congolais occupent souvent la première ligne du dialogue avec les communautés locales. Leur expérience conforte l’idée que la jeunesse, organisée et formée, détient un pouvoir de médiation considérable. Plusieurs officiers supérieurs rappellent que la moyenne d’âge des contingents congolais n’excède pas trente ans ; un atout pour tisser des liens avec des populations elles-mêmes très jeunes.

La Direction des opérations extérieures des FAC envisage de capitaliser ce retour d’expérience en élaborant un « Guide de dialogue communautaire » qui pourrait être diffusé dans les établissements scolaires du pays. Transmettre les méthodologies de négociation non violente, utilisées sur les terrains de maintien de la paix, prolongerait l’héritage des Casques bleus dans la société civile. De la sorte, la diplomatie militaire congolaise se double d’une diplomatie de la jeunesse, vecteur d’image et d’influence régionale.

Vers une synergie CEMAC autour de la jeunesse et de la paix

L’appel de l’ONU ouvre enfin une fenêtre de coopération multilatérale pour la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale. Brazzaville, qui assure la présidence tournante du Comité inter-États de défense, propose d’organiser un forum sous-régional dédié à la « Jeunesse et défense de la paix ». Ce rendez-vous, envisagé pour le prochain semestre, réunirait ministres de la Défense, organisations de jeunesse, entrepreneurs et partenaires onusiens, afin d’harmoniser des programmes de volontariat et de cybersensibilisation.

Au-delà des déclarations d’intention, le défi reste l’implémentation. Le budget consacré aux projets civilo-militaires devra être consolidé, et les initiatives certifiées par des indicateurs de performance. Toutefois, l’alignement inédit entre les directives onusiennes et les priorités nationales offre un socle politique solide. En donnant à la créativité des jeunes une dimension stratégique, le Congo-Brazzaville démontre qu’une politique de défense moderne se construit autant avec des drones qu’avec des idées. Dans cet esprit, la Journée internationale de la paix devient moins une commémoration qu’un catalyseur permanent d’actions concrètes.

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