Plume et képi : la révolution littéraire bleue

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Communication institutionnelle sécurité : un nouvel élan

Répondant à l’impératif croissant de transparence et de pédagogie dans l’action publique, le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation a réuni, le 16 septembre à l’auditorium du Mémorial Pierre Savorgnan De Brazza, cadres, stratèges et communicants de la police ainsi que de la gendarmerie. La Direction générale de la stratégie, de la coopération et de la communication y pilotait un séminaire-atelier placé sous le thème : « La communication institutionnelle entre codes et libertés ». Cette formulation souligne l’équilibre recherché entre la réserve inhérente aux questions de sécurité et l’exigence démocratique d’information du public. Aux yeux des praticiens présents, il ne s’agit plus seulement de diffuser des communiqués, mais de construire un discours cohérent capable d’expliquer l’action des forces, de prévenir la désinformation et de nourrir la confiance citoyenne.

Séraphin Ondélé, préfet directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, a rappelé que la tenue de ce séminaire traduit la volonté politique de doter les forces de sécurité d’outils adaptés aux réalités numériques et sociales actuelles. Selon lui, un message issu d’une caserne, lorsqu’il est porteur de valeurs républicaines, ne saurait demeurer confiné. Il concourt à l’édification de la démocratie et à l’unité nationale, deux piliers auxquels les autorités congolaises demeurent particulièrement attentives dans le contexte régional sensible du Golfe de Guinée.

Journée du Livre : mémoire stratégique des forces en bleu

En marge du séminaire, le même auditorium s’est mué en agora littéraire à l’occasion de la Journée du Livre, placée sous l’intitulé évocateur : « Chevaliers de la plume sous l’uniforme bleu ». Cette articulation entre réflexion stratégique et célébration culturelle répond à une logique de mémorialisation des savoir-faire sécuritaires. Huit auteurs issus de la police et de la gendarmerie ont été mis à l’honneur par un jury présidé par l’universitaire et ancien sénateur Ludovic Miyouna. Leur double identité – hommes d’action et d’écriture – confère à leurs ouvrages une autorité technique tout en ouvrant un espace de dialogue avec la société civile.

Parmi les lauréats figure le général de police Albert Ngoto, dont l’essai « Mutation pour la police congolaise » analyse les ajustements organisationnels nécessaires à l’efficacité du service public. Le commissaire colonel-major Michel Innocent Peya, également honoré, apporte, par ses essais, un éclairage sur la gestion financière et logistique des forces. Les romans du colonel-major Charles Nkouanga, tels « Le piège » ou « Hosties », plongent, quant à eux, le lecteur dans des récits où l’éthique de l’enquêteur se confronte aux réalités du terrain. La diversité des genres – roman, essai, poésie, recherche académique – témoigne de la richesse des vécus opérationnels mis en langage.

Officiers-écrivains : vecteurs de cohésion et de doctrine

Les critiques littéraires Winner Franck Palmers, Euloge Simplice Lébi, Rosin Loemba et Guy Armand Mampassi Nkosso ont esquissé, devant un public attentif, une lecture croisée des textes primés. Ils soulignent que ces ouvrages ne relèvent pas de la simple autobiographie. Ils cristallisent des retours d’expérience susceptibles d’alimenter la formation initiale, la préparation opérationnelle et la réflexion doctrinale. En exposant les dilemmes rencontrés sur le terrain, les auteurs offrent aux jeunes recrues un miroir professionnel et, au citoyen, une fenêtre sur les contraintes réelles de la sécurité intérieure.

Au-delà de la valeur pédagogique, cette production littéraire participe à ce que certains responsables décrivent comme un « capital narratif » national. Charles Nkouanga, parlant au nom des récipiendaires, a salué l’initiative ministérielle qui, selon lui, « fait entrer la culture dans la caserne et la caserne dans la culture ». Par cette circulation, l’écrit devient un ciment social, apte à prévenir les malentendus entre forces de l’ordre et populations, tout en contribuant à la formation d’une mémoire collective partagée.

Vers une stratégie de communication sécuritaire intégrée

La double portée, technique et symbolique, de l’événement n’a pas échappé aux observateurs présents. Sur le plan technique, le séminaire renforce les compétences en communication de commandants confrontés à la pression médiatique instantanée et à l’exigence de précision dans la diffusion de l’information opérationnelle. Sur le plan symbolique, la reconnaissance publique des officiers-écrivains illustre la convergence, encouragée par le ministère, entre la protection de l’État et la promotion des libertés créatives. La démarche s’inscrit dans une vision où la sûreté intérieure n’est pas antagoniste de la libre circulation des idées, mais en constitue le garant.

En conclusion des travaux, Ludovic Miyouna s’est dit impressionné par l’essor de la littérature au sein des forces, promettant de relayer, dans les cercles académiques, ces contributions qui nourrissent la science politique et la sociologie militaire. Les autorités, pour leur part, ont affiché leur détermination à institutionnaliser cette synergie, annonçant la prochaine tenue d’ateliers décentralisés afin que chaque région policière et territoriale puisse, à son tour, valoriser ses plumes. Dans une conjoncture régionale où la lutte contre les menaces hybrides s’appuie autant sur la force que sur la narration, la République du Congo affirme ainsi une voie originale : celle d’une sécurité qui s’écrit, se lit et se partage.

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