Radars furtifs : Brazzaville frappe sur la vitesse

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Modernisation technologique des forces intérieures

La décision de doter la police et la gendarmerie du Congo de radars mobiles de dernière génération constitue bien davantage qu’une simple mesure de circulation. Elle s’inscrit dans la programmation globale de sécurité intérieure définie par le gouvernement sous l’impulsion du président Denis Sassou Nguesso : engager l’appareil sécuritaire dans une ère d’équipements intelligents capables d’augmenter la réactivité opérationnelle. Les systèmes fournis par l’industriel allemand Jenoptik, déjà éprouvés sur plusieurs théâtres européens, intègrent une chaîne opto-électronique haute résolution et un module de cryptage sécurisé. Leur arrivée marque un saut qualitatif dans la maîtrise de la vitesse et, plus largement, dans la capacité des forces congolaises à collecter, authentifier et traiter les preuves d’infraction en temps réel.

Formation opérationnelle et transferts de compétences

Depuis le 24 septembre, une centaine d’agents issus des unités territoriales suivent à Brazzaville un cycle intensif animé par la Direction générale des transports terrestres et les experts de La Congolaise des frets (groupe Karity). Le geste technique – viser, cadrer, mesurer – n’est qu’une partie du programme. Les stagiaires apprennent aussi les protocoles de sécurisation de scène d’infraction, la rédaction numérisée des procès-verbaux et le dialogue pédagogique avec les usagers. « Chaque radar est une pièce d’équipement stratégique ; il doit être exploité avec la même rigueur qu’un poste de commandement mobile », souligne l’un des formateurs, le capitaine de gendarmerie Marcel Bokangui. Cette approche professionnalise la chaîne de contrôle et instaure une culture de l’expertise technologique au sein des forces.

Radars mobiles : un outil de souveraineté numérique

Adossé au radar, le logiciel eTraffrika constitue le cœur névralgique du dispositif. Développé localement, il centralise les données d’immatriculation, géolocalise l’infraction et édite l’amende de manière dématérialisée. En agrégeant les statistiques, la plateforme offre aux cellules de renseignement de la sûreté nationale une cartographie précise des axes à risque. L’exploitation d’une telle base participe à la souveraineté numérique du Congo : les serveurs sont hébergés sur le territoire, sous contrôle de l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information. Cette architecture limite la dépendance à des clouds étrangers et sécurise la chaîne d’information, de la captation à l’archivage judiciaire.

Synergie police–gendarmerie pour la prévention

Au-delà de la sanction, les autorités misent sur une logique préventive nourrie par la synergie police-gendarmerie. Les points de contrôle seront déployés sur les pénétrantes de Brazzaville et de Pointe-Noire selon un schéma mobile, afin d’éviter la routine que les contrevenants apprennent à contourner. Chaque arrestation donnera lieu à une séance de sensibilisation immédiate, rappelant que 80 % des accidents graves trouvent leur origine dans la vitesse excessive ou le défaut de maîtrise. « Il s’agit de transformer chaque contrôle en acte de pédagogie citoyenne », explique Atali Mopaya, directeur général des transports terrestres. Cette ambition correspond aux recommandations de l’ONU pour une décennie d’action en faveur de la sécurité routière.

Objectif 2030 : sécurité routière et résilience nationale

Le Congo s’est engagé, par la déclaration de Marrakech, à réduire de moitié le nombre de décès liés à la route avant 2030. Dans un pays où le corridor Pointe-Noire-Brazzaville constitue la colonne vertébrale logistique des armées, la sécurisation du trafic devient également une question de résilience stratégique. Moins d’accidents signifie des voies dégagées pour les flux de soutien logistique, un allégement du fardeau sanitaire sur le service de santé des armées et une disponibilité accrue des forces de maintien de l’ordre. Les radars mobiles, en garantissant la fluidité des axes, soutiennent donc aussi la crédibilité opérationnelle du dispositif de défense intérieure du territoire.

Perspectives régionales et partenariats industriels

La dynamique enclenchée ouvre un champ de coopérations régionales. Les pays de la CEMAC observent avec intérêt l’initiative congolaise et pourraient, à terme, mutualiser des bases de données afin de poursuivre les véhicules étrangers impliqués dans des délits transfrontaliers. Sur le plan industriel, Jenoptik a proposé un volet de transfert partiel d’assemblage qui, s’il se concrétise, favoriserait l’émergence d’un cluster technologique dans la zone économique spéciale de Maloukou. Enfin, la collecte de données anonymisées sur les flux routiers représente un gisement pour les start-up locales de la data-analyse, appelées à concevoir des algorithmes prédictifs d’accidentologie. Le radar mobile, pivot d’une politique publique, devient ainsi catalyseur d’innovation et d’intégration sécuritaire en Afrique centrale.

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