Sécurité routière, priorité stratégique
La Nationale 1, artère vitale reliant Brazzaville au poumon portuaire de Pointe-Noire, concentre plus de 60 % du flux logistique du pays. Chaque accident majeur perturbe la chaîne d’approvisionnement, accroît les coûts de transport et fragilise la résilience économique. Consciente de cet enjeu, la direction générale des transports terrestres, avec l’appui du ministère de l’Intérieur et de la Défense, vient de franchir un cap en dotant les forces de sécurité de radars mobiles de dernière génération. L’objectif officiellement affiché est double : sauver des vies et consolider la liberté de mouvement indispensable au développement national.
Selon les statistiques de la Police des routes, plus d’un millier d’accidents ont été enregistrés en 2022 sur cet axe, dont un tiers liés à des excès de vitesse. « La sécurité routière n’est pas un simple sujet de circulation ; elle participe à la sûreté nationale », affirme un officier de la Gendarmerie mobile rencontré à Igné. En agissant sur les comportements à risque, les autorités entendent réduire la pression sur les hôpitaux militaires de référence et sur les moyens d’évacuation sanitaire, libérant des capacités pour d’autres missions de sécurité intérieure.
Radars mobiles et souveraineté technologique
Le partenariat avec l’allemand Jenoptik, acteur reconnu dans l’optronique militaire, illustre la volonté congolaise de capter un transfert de compétences plutôt que de s’en tenir à une simple acquisition sur étagère. Chaque radar intègre un module de prise de vue haute résolution, un télémètre doppler et une liaison cryptée vers le centre de traitement situé à Brazzaville. Le dispositif est embarqué dans des véhicules 4×4 de la Gendarmerie, offrant une mobilité tactique et la capacité d’opérer de jour comme de nuit.
La Congolaise des frets, société publique en charge de la logistique, assure la maintenance initiale des unités. À moyen terme, un atelier dédié doit voir le jour à Kintélé afin de nationaliser la chaîne de soutien et de créer un vivier d’ingénieurs formés à l’électronique de défense. « Nous voulons que cette technologie serve de rampe de lancement à une filière locale de capteurs intelligents », souligne un conseiller du ministre délégué à la Défense, évoquant déjà des applications futures dans la surveillance des ports et des frontières.
Formation intensive : montée en compétence des forces
Du 23 au 25 septembre, soixante-dix cadres de la Police et de la Gendarmerie ont suivi, à Igné, une formation pratique sanctionnée par un tir réel de plus de deux cents contrôles. Au programme : installation furtive, calibrage, procédure de flashage, collecte des données et chaîne de preuves judiciaires. Les instructeurs ont insisté sur la conformité légale des opérations, condition sine qua non de l’acceptabilité sociale du dispositif.
Atali Mopaya, directeur général des transports terrestres, a rappelé que « le radar n’est pas une fin en soi mais un outil pour enrayer l’hécatombe routière ». Ses propos résonnent avec la montée en puissance de la doctrine congolaise de police de sécurité du quotidien, qui mise sur la technologie pour compenser l’étendue du territoire à surveiller. Désormais, chaque opérateur formé peut déployer un radar en moins de dix minutes, preuve d’une appropriation rapide des savoir-faire.
Premiers retours : data, dissuasion et crédibilité
Les premiers relevés révèlent des pointes à 145 km/h sur des portions limitées à 90 km/h. Dès la phase pilote, plusieurs contrevenants ont été identifiés, photographiés et notifiés dans un délai record de vingt-quatre heures, preuve de l’efficacité de la chaîne numérique. Un officier de police judiciaire se félicite : « La certitude de la sanction vaut mieux que la sévérité théorique du code. »
Au-delà de l’effet dissuasif, la masse de données collectées sert déjà à cartographier les zones d’accidentalité et à optimiser le déploiement futur des patrouilles. Cette approche fondée sur la donnée ouvre la voie à une gestion prédictive des risques, en phase avec les orientations gouvernementales sur la transformation numérique de l’administration.
Perspectives : vers un maillage intelligent du corridor national
La phase expérimentale doit s’étendre jusqu’à la fin de l’année avant une généralisation graduelle à l’ensemble de la Nationale 1, puis aux axes Owando-Ouesso et Dolisie-Cabinda. D’autres briques technologiques, telles que la reconnaissance automatique des plaques et l’intelligence artificielle de détection d’écarts de trajectoire, sont déjà à l’étude.
À terme, le centre national de supervision routière, en cours de conception, centralisera les flux vidéo et radar, créant une véritable tour de contrôle de la mobilité. L’initiative contribue à ancrer la sécurité routière dans la stratégie nationale de cybersécurité : les serveurs seront hébergés dans le futur data-center gouvernemental pour garantir intégrité et souveraineté des informations.
En faisant du radar mobile un vecteur de modernisation de l’action publique, les autorités réaffirment que la sûreté des déplacements n’est pas accessoire, mais un socle de la puissance logistique et de la cohésion sociale du Congo-Brazzaville.