Souveraineté partagée à l’épreuve du temps
Le 1ᵉʳ octobre, la République populaire de Chine commémore soixante-seize années d’existence. À Brazzaville, l’ambassadrice An Qing a placé la célébration sous le signe d’une solidarité stratégique avec le Congo, rappelant que « la modernisation chinoise ne prend sens que dans un monde de partenaires sûrs et prospères ». Dans l’assistance, diplomates, officiers généraux congolais et représentants d’entreprises de défense ont entendu un message clair : la résilience économique de Pékin, forte d’une croissance de 5,3 % au premier semestre, se double d’une volonté de soutenir les efforts de sécurité collective en Afrique centrale. L’axe sino-congolais apparaît ainsi comme l’une des déclinaisons concrètes de l’initiative pour un gouvernement mondial annoncée par le président Xi Jinping, pour laquelle stabilité et développement constituent les deux piliers indissociables.
- Souveraineté partagée à l’épreuve du temps
- Une coopération bilatérale ancrée dans la durée
- Modernisation des forces congolaises : l’apport capacitaire chinois
- Sécurité maritime et énergétique dans le Golfe de Guinée
- Innovation technologique et cyberdéfense au cœur du partenariat
- Un horizon partagé pour la sécurité régionale
Une coopération bilatérale ancrée dans la durée
Diplomatiquement, la relation entre Brazzaville et Pékin demeure exemplaire depuis l’établissement des liens diplomatiques en 1964. Sur le versant sécuritaire, elle s’est densifiée au fil des décennies : dons d’équipements légers, construction de casernes, programmes d’assistance médicale militaire et échanges réguliers de délégations d’état-major jalonnent cette histoire. En 2023, la Chine se positionne encore comme premier partenaire commercial du Congo avec 4,22 milliards de dollars d’échanges sur les huit premiers mois de l’année, mais c’est dans le domaine de la défense que l’on observe la progression la plus qualitative. La négociation, quasi bouclée en août, d’un accord de partenariat économique pour le développement partagé inclut un volet spécifique aux industries stratégiques et à la maintenance des moyens terrestres, navals et aériens livrés à l’armée congolaise.
Modernisation des forces congolaises : l’apport capacitaire chinois
Depuis cinq ans, l’état-major congolais procède à une mise à niveau méthodique de ses parcs blindés et de son aviation légère, afin de garantir la souveraineté territoriale et la mobilité intérieure. Des véhicules 4×4 tout-terrain polyvalents de conception chinoise, dotés de stations radio cryptées et de capacités de conduite de tir améliorées, ont été livrés à la Brigade motorisée. Dans le domaine aérien, des drones tactiques de surveillance ISR permettent désormais une veille continue sur les couloirs fluviaux et forestiers du nord du pays. Le commandant de l’Armée de l’air souligne que « les nouveaux moyens, configurés aux besoins locaux, réduisent de 40 % le coût horaire d’observation par rapport aux appareils pilotés ». L’appui chinois inclut la formation initiale des opérateurs et la fourniture de pièces détachées sur dix ans, élément essentiel du Maintien en Condition Opérationnelle.
Sécurité maritime et énergétique dans le Golfe de Guinée
Au-delà du terrestre, la dimension maritime occupe une place centrale. La Chine, premier importateur du pétrole congolais, a intérêt à la sûreté des routes pétrolières et gazières. Un détachement permanent de conseillers navals appuie la Marine congolaise pour la maintenance de patrouilleurs rapides de la classe Yulin acquis en 2019. Ces unités, associées au Centre régional de coordination maritime implanté à Pointe-Noire, ont permis, selon la Direction générale de la marine marchande, de réduire de 30 % les incidents de piraterie sur la façade nationale en deux ans. La coopération englobe également la sécurisation des terminaux offshore : radars côtiers, bouées AIS et liaisons satellites financées par des prêts concessionnels chinois assurent une surveillance en temps réel des zones d’amarrage, gage de confiance pour les opérateurs énergétiques internationaux et de revenus fiscaux stables pour l’État congolais.
Innovation technologique et cyberdéfense au cœur du partenariat
La numérisation accélérée des forces congolaises requiert des solutions souveraines. Pékin propose un transfert progressif de technologies duales : réseaux 5G sécurisés pour les ministères régaliens, centres de données durcis et logiciels d’analyse prédictive alimentés par l’intelligence artificielle. Les premières briques de ce programme, codirigé par l’Agence nationale de cybersécurité et un industriel chinois de rang mondial, ont été posées à Kintélé, où un campus dédié à la cyberdéfense devrait accueillir ses premiers stagiaires en 2025. Le général-major en charge du projet insiste sur « la création d’une expertise locale capable de protéger nos infrastructures critiques autant que nos processus électoraux ». L’accord prévoit que la chaîne de valeur inclue des PME congolaises pour l’intégration et la maintenance, renforçant ainsi le tissu industriel national.
Un horizon partagé pour la sécurité régionale
La dimension régionale ne saurait être occultée. Le Congo joue un rôle pivot au sein de la CEMAC et dans les mécanismes maritimes de Yaoundé ; la Chine, pour sa part, encourage des coalitions africaines capables de répondre collectivement aux insécurités transfrontalières. L’année prochaine, un exercice conjoint de maintien de la paix placé sous mandat onusien, rassemblant unités congolaises, chinoises et gabonaises, se déroulera sur le plateau de Saï-Sauta. Au programme : opérations amphibies, évacuation de ressortissants et lutte contre les cyber-menaces. Selon An Qing, « ces entraînements nourrissent la confiance et démontrent qu’un multilatéralisme efficace repose d’abord sur des capacités concrètes ». Dans le même esprit, l’École supérieure de guerre de Brazzaville envisage d’ouvrir un cycle d’études sino-africain dédié à la gestion de crise, confirmant que le partenariat va bien au-delà des échanges commerciaux pour investir le champ stratégique de la pensée militaire.