Brazzaville consolide la gouvernance aérienne régionale
Réunis le 17 octobre à Brazzaville sous la présidence de la ministre congolaise des Transports, de l’Aviation civile et de la Marine marchande, Mme Ingrid Olga Ghislaine Ebouka-Babackas, les ministres en charge de l’aviation civile des six États CEMAC ont adopté le plan d’actions et le projet de budget 2026 de l’Agence de supervision de la sécurité aérienne en Afrique centrale (ASSA-AC). Cette septième session ordinaire, convoquée dans un contexte régional marqué par la reprise progressive du trafic post-pandémie et par la persistance de menaces transfrontalières, confère à Brazzaville un rôle pivot dans la consolidation d’une gouvernance intégrée de l’espace aérien centrafricain.
En ouvrant les travaux, la ministre a souligné que « la sûreté aérienne n’est pas qu’une question technique mais un attribut majeur de la souveraineté ». Ses propos témoignent de l’évolution stratégique d’une institution longtemps perçue comme purement réglementaire vers une plateforme de coordination sécuritaire. Le directeur général de l’ASSA-AC, M. Eugene Apombi, a pour sa part rappelé que la mission principale demeure la réduction du risque aéronautique, « afin que nos forces armées comme nos compagnies civiles disposent d’un ciel sûr et prévisible ».
Une trajectoire budgétaire pensée pour la sécurité
Le budget 2026, arrêté à 9,8 milliards de francs CFA, s’accompagne d’une trajectoire de réduction de 12 % des charges de fonctionnement, conformément à l’instruction des ministres. Les économies réalisées seront redirigées vers les inspections, l’acquisition d’équipements de contrôle et la digitalisation des bases de données. Cette réallocation traduit une vision de défense préventive : chaque franc économisé sur les frais généraux alimente la résilience technique des États majors et des administrations civiles.
Au-delà de la seule gestion financière, le Comité a exigé la présentation annuelle d’un programme triennal budgétisé. Une telle visibilité favorisera l’alignement avec les lois de programmation militaires nationales, appelées à investir dans la surveillance radar et l’entretien des aéronefs à double usage. À moyen terme, l’optimisation budgétaire de l’ASSA-AC pourrait ainsi faciliter l’interopérabilité des futurs centres d’opérations aériennes communs envisagés par les chefs d’état-major de la sous-région.
Transition réglementaire : cap sur 2026
La session a réaffirmé l’échéance du 31 décembre 2026 pour la migration complète vers la réglementation communautaire. Harmoniser les normes équivaut à bâtir une doctrine commune de maîtrise de l’espace aérien, condition sine qua non pour des interventions conjointes, qu’il s’agisse d’évacuation médicale, de lutte contre la piraterie ou d’appui logistique aux forces de maintien de la paix.
Conscients toutefois des lenteurs observées dans la ratification des textes, les ministres ont mandaté M. Apombi pour négocier avec la Commission de la CEMAC une délégation exceptionnelle auprès du Conseil des ministres de l’UEAC. L’objectif est d’accélérer l’amendement du règlement sur les règles communes en aviation civile, tout en préservant la souveraineté juridique de chaque État. Cette approche pragmatique limite les failles récurrentes exploitées par les trafics illicites et conforte la capacité de réaction des forces aériennes nationales.
Redevance régionale, levier de souveraineté sécuritaire
La Redevance de sécurité aérienne régionale (RSAR), déjà opérationnelle dans cinq États, constitue la principale source autofinancée des programmes de modernisation. Elle alimente l’achat de scanners, de portiques de détection d’explosifs et de systèmes d’identification automatique utiles aux unités chargées de la contre-terrorisme aéroportuaire. Le Comité a exhorté la direction de l’Agence à finaliser la contractualisation avec l’Association internationale du transport aérien (IATA) pour fiabiliser le recouvrement, synonyme de prévisibilité budgétaire.
Les ministres ont, en parallèle, pointé le faible taux de recouvrement de la contribution égalitaire et des versements liés à la Taxe communautaire d’intégration. L’apurement rapide des arriérés est présenté non comme une contrainte comptable, mais comme un impératif de sécurité collective : chaque retard fragilise la chaîne de veille et de réponse, qu’il s’agisse de cyber-intrusions dans les tours de contrôle ou d’infractions sur les pistes.
Renforcement des compétences techniques nationales
Le plan triennal de formation 2026-2028 approuvé par le Comité élargit le spectre des compétences couvertes. Les États bénéficieront de modules sur le Programme national de sécurité (PNS), la gestion des risques liés au carburant aviation, ainsi que sur la légistique aéronautique. Les juristes d’État-major seront associés afin de garantir la cohérence entre cadres réglementaires civils et règles d’engagement militaires, enjeu crucial dans les missions de sécurité intérieure.
Par ailleurs, la révision de l’organigramme de l’Agence et la nomination du Congolais M. Leyami Gastel Aimard à la direction de l’Administration et des Finances signalent une volonté de professionnalisation accrue. La mise en place d’indicateurs de performance rapprochera l’ASSA-AC des standards des organisations de sûreté, en facilitant l’évaluation indépendante par les partenaires techniques et les bailleurs de la défense, notamment l’Union européenne et l’OACI.
Impacts stratégiques pour les forces de défense
La coordination régionale de la surveillance aérienne confère aux forces armées un avantage décisif dans la lutte contre les flux illicites traversant les frontières poreuses de la zone CEMAC. Un ciel sécurisé réduit les risques d’interférences entre vols civils et opérations militaires, tout en renforçant la crédibilité des plateformes de projection, de Pointe-Noire à Douala.
À terme, la normalisation des procédures et la constitution d’une base de données partagée sur les aéronefs autorisés faciliteront les exercices conjoints et la mutualisation des moyens ISR. « Le parapluie réglementaire précède toujours le parapluie opérationnel », a résumé un officier supérieur congolais présent en marge de la réunion. L’adoption du plan 2026 de l’ASSA-AC s’inscrit ainsi dans la vision présidentielle d’un Congo moteur de la stabilité régionale, démontrant que la politique de ciel ouvert peut devenir un pilier de la défense intégrée.