Contexte stratégique de la signature
Le 10 octobre, dans les salons feutrés du ministère congolais de la Coopération internationale, le ministre Denis Christel Sassou Nguesso et l’ambassadeur de la République populaire de Chine, An Qing, ont apposé leurs signatures au bas d’un accord de don consacré au financement de projets de développement. Derrière la solennité protocolaire, l’enjeu est éminemment stratégique : il s’agit de matérialiser la facette économique de l’axe Brazzaville-Pékin tout en créant des synergies avec les ambitions de défense et de sécurité nationale définies par la Loi de programmation militaire 2022-2026.
Depuis les années 2000, la République du Congo a fait de la diversification de ses partenariats une priorité. La Chine, partenaire de long cours, s’affirme aujourd’hui comme un accompagnateur de premier plan de la politique de résilience promue par le président Denis Sassou Nguesso. Le mécanisme financier annoncé, dont le montant n’a pas été rendu public, se distingue par sa souplesse : les ministères sectoriels pourront soumettre des projets, lesquels seront instruits conjointement par Brazzaville et l’ambassade de Chine avant d’être déclarés éligibles.
Un instrument financier au service de la résilience
En appelant « l’ensemble des ministères » à transmettre leurs dossiers, Denis Christel Sassou Nguesso a souligné que le don constitue un levier pour consolider la résilience nationale face aux risques contemporains, qu’ils soient économiques, sanitaires ou sécuritaires. L’accent mis sur la pluralité des bénéficiaires recoupe la doctrine congolaise de sécurité humaine : les infrastructures civiles, parce qu’elles soutiennent la cohésion sociale, participent indirectement à la défense du territoire.
D’ores et déjà, plusieurs projets prêts à être déposés concernent la réhabilitation de pistes secondaires d’accès aux postes frontières septentrionaux, régulièrement sollicités par les Forces armées congolaises (FAC) et la Gendarmerie pour leurs patrouilles anti-contrebande. L’amélioration de ces axes répond au concept d’« infrastructure à double usage » : chaque kilomètre de route revêt une utilité économique pour les populations civiles et assure, en cas de crise, la mobilité tactique des unités.
Soutien aux infrastructures duales défense-développement
Le ministère des Transports étudie la possibilité d’inscrire au titre du don l’extension du port en eaux profondes de Pointe-Noire, pivot du dispositif maritime national. Selon un cadre technique consulté par Défense & Sécurité Congo, l’accostage de bâtiments logistiques de 20 000 tonnes offrirait à la Marine nationale des capacités de projection accrues dans le Golfe de Guinée pour les opérations de lutte contre la piraterie.
De même, l’électrification rurale figure au rang des dossiers pressentis. La Direction générale de l’énergie estime qu’un micro-réseau alimenté par panneaux solaires hybrides, couplé à un stockage lithium-ion, pourrait sécuriser les casernes isolées du Nord-Congo, réduisant leur dépendance au carburant routier et optimisant ainsi leur posture permanente de sûreté. Cette approche épouse la stratégie gouvernementale de réduction de l’empreinte carbone des forces.
Impulsion pour la chaîne logistique sécuritaire
La pandémie de Covid-19 a rappelé la vulnérabilité des chaînes logistiques africaines. Dans cet esprit, le volet santé du don chinois s’oriente vers des entrepôts pharmaceutiques réfrigérés, dimensionnés pour stocker antidotes chimiques et vaccins stratégiques. Le Service de santé des armées, engagé dans la modernisation de ses capacités de réponse NRBC, voit dans cette infrastructure une opportunité de mutualisation avec le ministère de la Santé civile.
Parallèlement, le Centre national de transport multimodal, bras armé de la planification logistique, prépare un projet de hub ferro-portuaire à Mindouli. La desserte combinée rail-route permettrait d’acheminer plus rapidement les équipements lourds destinés au bataillon congolais déployé au sein de la Mission onusienne en République centrafricaine, tout en fluidifiant les exportations de manganèse.
Perspectives de coopération militaire et civile
Si l’accord paraphé le 10 octobre reste axé sur le développement, il ouvre mécaniquement la voie à un approfondissement de la coopération militaire. La Chine, déjà partenaire de la FAC pour la formation de techniciens aéronautiques, pourrait, selon plusieurs sources, proposer des stages complémentaires en cybersécurité appliquée aux réseaux SCADA des centrales hydroélectriques. Interrogé à ce sujet, un officier supérieur confie que « le cyber est désormais au cœur de la protection des actifs critiques et l’expertise chinoise est reconnue ».
Enfin, l’accompagnement fourni dans l’élaboration des appels d’offres renforcera la gouvernance financière. L’éligibilité des projets sera conditionnée à un suivi-évaluation strict, incluant des audits conjoints. Pour les diplomates observateurs, cette exigence consacre la maturité institutionnelle d’un partenaire congolais souhaitant, selon les mots du ministre, « s’inscrire dans une gestion transparente et souveraine des ressources allouées ». L’ambassadeur An Qing a, pour sa part, salué « la qualité de la planification nationale, gage d’un impact tangible sur la stabilité et le bien-être des populations ».
