Brazzaville : Pierre Ngolo sonne l’offensive légale

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Un septième rendez-vous budgétaire sous haute vigilance

Mercredi 15 octobre 2025, la 7ᵉ session ordinaire budgétaire du Sénat s’est ouverte au Palais du Parlement dans une atmosphère à la fois solennelle et résolument préoccupée par les enjeux de sécurité intérieure. Dans son adresse inaugurale, le président de la Chambre haute, Pierre Ngolo, a choisi d’écarter les formules convenues pour placer au premier rang la protection des populations, condition sine qua non du développement et de l’attractivité économique du Congo-Brazzaville. Devant les vénérables sénateurs et un parterre d’officiers invités, il a rappelé que l’examen budgétaire ne saurait occulter la réalité de terrain : l’essor d’une délinquance juvénile ultraviolente, qualifiée de « bébés noirs » ou « kulunas », dont l’emprise sur certains quartiers urbano-périurbains menace la libre circulation, socle de la résilience nationale.

La menace des bébés noirs, symptôme sociétal

Armés de machettes, ces groupes adolescents opèrent des attaques ciblées, perpétrant pillages et intimidations. Pierre Ngolo voit dans ce phénomène plus qu’un trouble à l’ordre public : l’expression d’une fracture sociale qui met à l’épreuve les relais traditionnels d’autorité, familiaux comme scolaires. « Ils sèment la peur là où la vie devait respirer », a-t-il déploré, insistant sur la nécessité de dépasser l’émotion pour analyser les racines socio-économiques du basculement violent. La Chambre haute entend mobiliser l’expertise du Conseil supérieur de la défense et celle des Commissions Affaires sociales afin de nourrir une stratégie qui conjugue réponse sécuritaire vigoureuse et reconstruction du lien social.

Forces de sécurité : une réponse graduée et légale

Soutenant l’effort gouvernemental déjà engagé, le président du Sénat a salué « la professionnalité et la retenue » dont font preuve la Police nationale, la Gendarmerie et les unités d’intervention rapide déployées dans les arrondissements sensibles de Brazzaville et Pointe-Noire. Grâce à des patrouilles mixtes, à l’emploi ciblé du renseignement criminel et à la coordination étroite avec les parquets, plus de trois cents suspects ont été interpellés ces derniers mois. L’enjeu, selon Pierre Ngolo, est de maintenir ce tempo opératif tout en respectant scrupuleusement les droits fondamentaux : la crédibilité de l’État se mesure autant à sa force dissuasive qu’à son attachement aux procédures.

L’impératif de pérennisation des opérations

Faisant écho aux attentes citoyennes, l’orateur a exhorté l’exécutif à inscrire l’actuelle campagne de sécurisation dans la durée, à travers des lignes budgétaires stables et un pilotage interministériel. « Rien ne doit se faire en dehors des lois du pays », a-t-il insisté, donnant ainsi une portée doctrinale au triptyque dissuasion-neutralisation-jugement. La pérennisation suppose également un dispositif logistique modernisé : flottes de véhicules rapides, radios chiffrées, terminaux biométriques pour l’identification immédiate des suspects. L’État-major de la Police, soutenu par la Direction générale de la sécurité présidentielle pour la partie cyber, finalise un plan d’équipement échelonné sur trois ans afin d’éviter tout essoufflement du dispositif.

Cadre juridique et cohérence interministérielle

Le Sénat, gardien des libertés publiques, veut mettre à profit cette session budgétaire pour affiner le cadre normatif des opérations. Plusieurs sénateurs, juristes de formation, planchent déjà sur une proposition de loi renforçant la responsabilité parentale et durcissant les sanctions pour port d’arme blanche en réunion. Parallèlement, les ministères de la Justice, de l’Intérieur et de l’Action sociale s’accordent sur un protocole de prise en charge des mineurs récidivistes, combinant centres éducatifs fermés et programmes de déradicalisation inspirés des bonnes pratiques de la CEMAC. Cette cohérence est appelée à devenir l’épine dorsale de la gouvernance sécuritaire, conformément à la vision de paix prônée par le Président Denis Sassou-Nguesso.

Vers une prévention communautaire durable

Tout dispositif de coercition trouvera ses limites sans un investissement massif dans la prévention. Pierre Ngolo le rappelle : « La première digue contre la violence reste l’école et la cellule familiale. » Le Sénat encourage donc la création de brigades de médiateurs civilo-militaires, chargés de sensibiliser les élèves, repérer les bascules comportementales et orienter vers des programmes sportifs ou artisanaux financés par le Fonds national d’action sociale. Les collectivités locales seront invitées à contractualiser avec les forces de sécurité pour co-organiser des forums de quartier sur la citoyenneté. De l’avis de plusieurs élus, la consolidation de la paix chèrement acquise depuis 1997 nécessite cette hybridation entre bras sécuritaire et main tendue, gage d’une stabilité que la communauté diplomatique salue régulièrement comme un atout de l’économie congolaise.

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