Brazzaville : riposte d’élite face aux gangs urbains

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Tension sécuritaire et riposte étatique

Brazzaville n’ignore plus le frisson que suscitent les « bébés noirs » et autres kulunas, ces groupes criminels qui, armés de machettes ou d’armes artisanales, terrorisent depuis des années les quartiers populaires. Face à une insécurité devenue structurelle, le haut-commandement a confié, fin septembre, une mission conjointe à la Direction générale de la sécurité présidentielle (D.G.S.P.) et à la Garde républicaine (G.R.). L’objectif proclamé est clair : assécher les poches de violence, démanteler les réseaux de recel et réaffirmer la souveraineté de l’État sur l’ensemble du tissu urbain.

Dispositif opérationnel de la D.G.S.P. et de la G.R.

Le choix d’associer deux unités d’élite témoigne d’une volonté d’efficacité. La D.G.S.P., formée aux contre-ingérences et à la protection des hautes autorités, apporte des capacités de renseignement humain et technique particulièrement fines. De son côté, la Garde républicaine, forte de ses sections appuyées par véhicules blindés légers et drones tactiques, fournit la masse manœuvrière et la puissance de feu proportionnée pour des frappes ciblées. La synergie entre capteurs ISR, cellules de ciblage et équipes d’intervention a permis, selon une source sécuritaire, l’arrestation de plusieurs dizaines de présumés chefs de gang dans les arrondissements de Moungali et de Makélékélé, sans qu’aucune victime civile ne soit signalée par les structures hospitalières de référence.

Conformément à la Constitution et aux instruments internationaux ratifiés par la République du Congo, le recours à la force létale n’est envisageable qu’en dernier ressort et en situation de légitime défense. Le ministère de l’Intérieur a réaffirmé, par circulaire rendue publique, que « chaque interpellation doit privilégier la capture vivante des suspects et la conservation des éléments de preuve ». Des officiers juristes accompagnent désormais les colonnes pour consigner la chronologie des opérations et veiller à la traçabilité des armes saisies. Cette approche s’inscrit dans la dynamique de modernisation de la doctrine d’engagement, nourrie par les retours d’expérience des missions de maintien de la paix auxquelles les forces congolaises participent régulièrement.

Dialogue avec la société civile et garanties procédurales

L’Observatoire congolais des droits de l’homme (O.C.D.H.) a exprimé, le 1er octobre, sa préoccupation concernant d’éventuelles dérives. Dans un esprit d’ouverture, le gouvernement a facilité, dès le lendemain, une rencontre entre les responsables de l’organisation, la hiérarchie policière et la Commission nationale des droits de l’homme. Il a été acté la mise en place d’un mécanisme de suivi comprenant un numéro vert, l’accès des avocats aux lieux de garde à vue et la publication hebdomadaire d’un rapport de situation. « La lutte contre le banditisme ne doit pas se faire au détriment de la dignité humaine », a souligné le général Jean-Marie Kimbembé, commandant la G.R., rappelant que la victoire contre la criminalité passe aussi par la confiance entre les forces de sécurité et la population.

Professionnalisation et formation continue

L’opération constitue également un banc d’essai pour de nouveaux modules de formation. À l’École supérieure de police de Djoué, un cycle accéléré de droit opérationnel est dispensé aux unités projetées, tandis que des instructeurs français et angolais animent des ateliers sur la gestion de scènes de crime et la collecte numérique de preuves. En parallèle, la Direction des télécommunications de la G.R. déploie un réseau LTE sécurisé offrant aux patrouilles un accès en temps réel au fichier central des antécédents judiciaires. Cette innovation, appuyée par un partenariat public-privé local, permet de réduire les délais d’identification et d’éviter la détention prolongée de personnes non incriminées.

Impact attendu sur la stabilité urbaine

Les premiers indicateurs sont encourageants. Les commissariats de Talangaï et de Poto-Poto rapportent une diminution de 40 % des vols avec violence depuis le lancement de l’opération. Les commerçants du marché Total évoquent déjà une extension de leurs horaires sans crainte d’agression à la tombée de la nuit. Surtout, la présence visible d’unités en patrouille mixte — policiers, gendarmes et personnels de la G.R. — contribue à restaurer une perception de sécurité dont l’absence pesait lourdement sur l’activité économique. À terme, la neutralisation des chefs de bandes devrait faciliter la réinsertion des membres de rang subalterne, des programmes socio-professionnels étant préparés par le ministère des Affaires sociales avec l’appui de la Banque de développement des États de l’Afrique centrale.

Vers une stratégie pérenne de sécurité intérieure

Au-delà du coup de force ponctuel, les autorités entendent inscrire la manœuvre dans une stratégie de long terme articulée autour de trois axes : anticipation par le renseignement, interventions ciblées et régulation judiciaire rigoureuse. Une task-force interministérielle rédige actuellement un plan d’action quinquennal visant à harmoniser le corpus législatif, renforcer la chaîne pénale et développer la prévention dans les établissements scolaires. Le président Denis Sassou Nguesso, lors d’une audience accordée aux principaux partenaires techniques, a réaffirmé que « la paix sociale est la condition première du développement et de l’attractivité de nos villes ». La réussite de l’opération contre les « bébés noirs » pourrait ainsi préfigurer un modèle congolais de sécurité urbaine, conciliant fermeté opérationnelle et exigence d’État de droit.

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