Hommage national à un homme d’État
La lumière tamisée du grand hall du Palais des congrès de Brazzaville a pris, le 20 octobre, les accents d’une veillée stratégique. Devant le catafalque drapé aux couleurs nationales, le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, a conduit la représentation nationale venue saluer la mémoire de Joseph Mbossa, député d’Abala et figure tutélaire des questions de sécurité. Au-delà de l’émotion, la cérémonie, réglée avec la précision d’une manœuvre militaire, a rappelé combien l’intéressé avait su inscrire son parcours professionnel et politique dans le socle de la stabilité congolaise.
Adieux solennels au Palais des congrès
À l’heure où la Garde républicaine présentait les armes, le protocole affichait une scénographie à la mesure du parcours du disparu. L’hymne national a précédé la dépose d’une gerbe de fleurs par le président de la République, geste hautement symbolique qui témoigne de la place accordée à Joseph Mbossa dans l’architecture institutionnelle. Les différents corps constitués – gouvernement, bureau de l’Assemblée nationale, état-major général des forces armées, hiérarchie policière – ont successivement incliné leurs drapeaux avant de s’incliner eux-mêmes. Par ce cérémonial, la Nation a reconnu non seulement le parlementaire, mais aussi le praticien de la sécurité qui, pendant quatre décennies, n’a eu de cesse de rapprocher l’action publique de la problématique opérationnelle.
Un ingénieur au service de l’indépendance énergétique
Titulaire d’un doctorat en ingénierie hydraulique décroché à Tianjin, Joseph Mbossa avait, dès les années 1980, compris que la souveraineté énergétique fonde l’autonomie de décision stratégique. Au sein de la Société nationale d’électricité, il pilote d’abord les études relatives au barrage d’Imboulou, avant d’en devenir l’adjoint au chef de projet. Ses maîtres mots – planification, redondance, résilience – résonnent aujourd’hui dans les écoles de guerre lorsqu’il s’agit de protéger les infrastructures critiques. En charge de l’électrification rurale après 1989, il dote plusieurs garnisons du Nord d’une production autonome, améliorant ainsi la mobilité des unités et la cohérence territoriale. Cette compréhension fine du lien entre énergie et défense restera l’un des axes méconnus de son action, mais le ministère en charge des Grands travaux en mesure encore les effets structurants.
Artisan de la réinsertion et de la stabilité post-conflit
Au tournant des années 2000, l’ancien ingénieur se voit confier un dossier délicat : la démobilisation et la réinsertion des ex-combattants issus des conflits internes. Directeur de cabinet du Haut-commissaire à la réinsertion, puis coordonnateur du Programme national DDR, il élabore une méthode qui marie renseignement communautaire, formation professionnelle et suivi psychosocial, encore citée par les partenaires de la CEMAC. Sous sa houlette, plus de dix mille ex-combattants réintègrent le tissu civil, désamorçant des poches de tension qui menaçaient la zone des Plateaux. « Il avait la conviction qu’aucune victoire militaire n’est durable si elle n’est pas consolidée par la paix sociale », confie Pierre Obambi, membre du comité central du PCT, rappelant que ce processus inspira ultérieurement plusieurs missions onusiennes.
Vigie parlementaire de la défense et sécurité
Élu député en 2017, Joseph Mbossa apporte au Palais du Peuple une expérience rare, résultante de ses années de terrain. Comme premier vice-président de la commission défense et sécurité, il œuvre à la modernisation de la loi de programmation militaire adoptée en 2020, avec un accent singulier mis sur le maintien en condition opérationnelle et l’interopérabilité régionale. Sa maîtrise du mandarin lui permet d’ouvrir un canal technique avec les universités chinoises d’où il importe des solutions en matière de gestion du cycle de vie des équipements. Devenu, en 2022, président de la commission plan et aménagement du territoire, il place la dimension sécuritaire au cœur de la planification, considérant qu’aucune voie ferrée, aucun port secondaire ne doit échapper à une approche de sûreté globale.
Un héritage qui éclaire l’avenir
Le cercueil refermé, demeure un héritage tissé de leçons qui dépassent le seul département de la Nkeni-Alima. Joseph Mbossa a démontré qu’un ingénieur peut devenir un stratège de la paix et qu’un parlementaire peut incarner, hors des tribunes, la diplomatie de la stabilité. Commandeur de l’Ordre national de la paix et Chevalier du Mérite congolais, il laisse à la jeune génération du PCT un viatique : celui de l’exigence technique au service de l’intérêt général. À l’heure où le Congo-Brazzaville renforce sa posture maritime dans le golfe de Guinée et déploie sa stratégie de cybersécurité, l’itinéraire de ce polyglotte rappelle qu’une politique de défense s’enracine d’abord dans la compétence et la constance. Ses funérailles, organisées avec la sobriété qui sied aux grands serviteurs de l’État, scellent une continuité : celle d’une République reconnaissante envers ceux qui, par leurs œuvres, consolident la paix.
