Un hommage solennel qui illustre la politique de paix
La grande place d’armes de la Région de gendarmerie de Brazzaville s’est couverte d’un silence recueilli lorsque le cercueil drapé aux couleurs nationales a fait son entrée. En présence du ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Raymond Zéphirin Mboulou, des parlementaires et du haut commandement, la cérémonie a rappelé la détermination du Congo-Brazzaville à projeter ses forces là où la stabilité africaine en a besoin. La perte de cinq sous-officiers dans la rivière Obela Mpoko, le 16 septembre 2025, est lourde, mais elle ne remet pas en cause la vocation internationale de la Force publique.
Le protocole funéraire, appliqué selon les usages militaires, a souligné la solidarité indéfectible entre la nation et ses soldats. Les discours, sobres et fermes, ont mis en avant l’idée, chère au président Denis Sassou Nguesso, que la défense du territoire congolais commence parfois loin des frontières nationales. En acceptant le risque inhérent aux opérations extérieures, la gendarmerie congolaise prolonge la diplomatie du Congo, fondée sur la recherche de la paix et de la sécurité régionales.
« Être militaire, c’est accepter la primauté absolue de la mission », a rappelé le colonel-major Bède Florentin Mbika dans son oraison. Cette phrase résonne d’autant plus fortement qu’elle intervient dans un contexte où la MINUSCA demeure l’un des plus exigeants théâtres d’opérations des Nations unies.
Parcours d’excellence d’un sous-officier engagé
Né le 7 juillet 1996, Serge Divin Miyokidi Bazola incarne la nouvelle génération d’officiers de police judiciaire formés dans les écoles congolaises. Son baccalauréat scientifique en poche, il choisit la gendarmerie à seulement dix-huit ans, rejoignant la douzième promotion baptisée colonel Pascal Mouassiposso Mackongui. Très tôt, il se distingue par sa rigueur académique et physique, qui lui ouvre les portes de l’Escadron de gendarmerie mobile de Dolisie.
Durant cinq années passées dans cette unité, il forge son expérience dans le maintien de l’ordre, l’appui aux autorités administratives et la police judiciaire. En 2023, son admission au stage d’officier de police judiciaire atteste de l’importance accordée par l’état-major à la montée en compétence des sous-officiers. Promu maréchal des logis-chef, il devient l’un des profils les plus prometteurs pour les déploiements internationaux.
La sélection onusienne, exigeante tant sur le plan linguistique que tactique, confirme ses aptitudes. À l’issue, il intègre l’Unité de police constituée n° 11, exemple de contingents africains capables d’allier connaissance du terrain et discipline collective.
Projection en Centrafrique : exigences opérationnelles et logistiques
La mission MINUSCA confère aux gendarmes congolais une double responsabilité. D’une part, contribuer à la sécurisation de Bangui et des axes stratégiques ; d’autre part, former et accompagner les forces de sécurité intérieure centrafricaines. Les conditions climatiques, la géographie fluviale et l’asymétrie des menaces imposent une préparation physique et mentale spécifique, dispensée au Centre de préparation opérationnelle de Mindouli.
Le drame survenu dans la rivière Obela Mpoko rappelle la complexité du milieu aquatique africain. Les enquêtes techniques internes mettent en avant le rôle crucial des procédures de franchissement et de la maintenance des embarcations. Le commandement a déjà annoncé le renforcement des modules de navigation fluviale et de sauvetage, illustrant la capacité d’adaptation permanente des forces congolaises.
Sur le plan logistique, le rapatriement rapide de la dépouille, le 15 octobre 2025, a mobilisé un couloir sanitaire aérien entre Bangui et Brazzaville. Cette chaîne, coordonnée par la Direction du transport aérien militaire, témoigne d’un savoir-faire que le Congo entend partager avec ses partenaires de la CEMAC, dans le cadre d’une mutualisation des moyens aéro-logistiques.
Enseignements capacitaires et retour d’expérience
Les autorités militaires ont saisi l’occasion de ce deuil pour engager un retour d’expérience immédiat. Au bilan figurent l’importance des entraînements amphibies, la nécessité de systèmes de communication résistants à l’humidité tropicale et le suivi psychologique des personnels projetés. Ces enseignements seront intégrés à la prochaine mise à jour du Manuel d’emploi des unités de police constituées congolaises.
La Direction de la planification a également initié une revue des partenariats industriels, notamment pour l’acquisition de gilets de sauvetage connectés et de balises de détresse individuelles. Les entreprises locales, soutenues par le ministère de l’Industrie, sont encouragées à proposer des solutions adaptées au théâtre centre-africain afin de renforcer la souveraineté technologique du pays.
Sur le volet doctrinal, l’état-major a rappelé que la projection d’unités légères à l’étranger dépend de la cohésion interarmées. La collaboration entre armée de l’air, service de santé et gendarmerie doit rester fluide, condition d’une puissance expéditionnaire crédible à l’échelle du continent.
Cohésion nationale et résilience des familles militaires
Au-delà de la dimension opérationnelle, la cérémonie a mis en lumière le soutien social organisé autour des proches de la victime. Une cellule d’accompagnement psychologique, pilotée par la Direction des ressources humaines de la gendarmerie, demeure à leur disposition pour faciliter le retour à la vie quotidienne. Les bourses d’études attribuées aux orphelins témoignent de la prise en compte accrue du facteur humain dans la condition militaire.
Le Parlement a, de son côté, salué la mémoire du maréchal des logis-chef en réaffirmant son engagement à poursuivre l’examen des textes relatifs à la Loi de programmation de sécurité intérieure. Ce cadre législatif doit consolider le financement des projections extérieures et des régimes de réparation des victimes.
En définitive, la disparition de Serge Divin Miyokidi Bazola rappelle avec gravité la valeur suprême de l’engagement. Elle illustre également la capacité de l’institution à transformer l’épreuve en moteur de progrès, fidèle à la devise de la gendarmerie nationale : « Pour la Patrie, l’Honneur et la Justice ».
