Trafic d’ivoire : une menace sécuritaire multidimensionnelle
Bien au-delà de la préservation de la biodiversité, le trafic d’ivoire pèse sur la sécurité nationale en finançant des réseaux criminels capables de déstabiliser les communautés rurales et les corridors logistiques stratégiques. Le gouvernement congolais rappelle régulièrement que chaque défense illégalement vendue représente une perte de souveraineté et un risque de prolifération d’armes légères. C’est pourquoi la Stratégie nationale de sécurité, promulguée en juillet, inscrit la lutte anti-braconnage au rang des priorités, aux côtés de la protection des infrastructures critiques et du cyberespace. L’affaire jugée à Dolisie fournit une illustration concrète de cette approche globale.
- Trafic d’ivoire : une menace sécuritaire multidimensionnelle
- Opération éclair à Dolisie : coordination Police-Gendarmerie
- Renseignement criminel : la donnée au service de la faune
- Frontière Gabon–Niari : durcissement du contrôle terrestre
- Justice pénale : un effet dissuasif recherché
- Biodiversité et puissance douce congolaise
- Coopération régionale : vers une task-force anti-trafic CEMAC
Opération éclair à Dolisie : coordination Police-Gendarmerie
Le 4 octobre, au cœur de Dolisie, la Police congolaise et la gendarmerie départementale ont mené une opération conjointe ayant conduit à l’arrestation de deux Congolais porteurs de quatre pointes d’ivoire. Préparé en quarante-huit heures, le dispositif illustre la montée en puissance de la doctrine d’action rapide des forces de défense et de sécurité définie par le ministère de l’Intérieur. Filatures dynamiques, unité cynophile et bouclage périmétrique ont permis de saisir la marchandise sans violence, préservant ainsi la chaîne de preuve. L’intervention s’est déroulée sous l’œil d’un drone civil réquisitionné par la Préfecture, offrant un flux vidéo temps réel au poste de commandement. L’ensemble atteste de la capacité de projection des FDS dans des environnements urbains complexes, où la criminalité faunique se dissimule souvent sous les flux économiques légaux.
Renseignement criminel : la donnée au service de la faune
La neutralisation du réseau ne doit rien au hasard. Depuis l’été, la Cellule nationale de renseignement criminel suivait des messages codés mentionnant la vente de « pierres blanches ». La plate-forme SIGINT installée grâce à la Loi de programmation militaire 2022-2026 a géolocalisé le point de rupture logistique de Mabanda, côté gabonais. Une corrélation rapide entre métadonnées et patrouilles discrètes a signalé l’entrée imminente des défenses à Dolisie. Cette fusion d’informations entre douaniers, forestiers et services de sécurité inaugure désormais un modèle offensif où la donnée précède la patrouille, privant les criminels de leur traditionnel avantage spatio-temporel.
Frontière Gabon–Niari : durcissement du contrôle terrestre
Le transit de l’ivoire rappelle la fragilité de l’axe Tchibanga-Dolisie, artère commerciale et faille sécuritaire. Pour y répondre, l’état-major de la Région militaire N°1 a redéployé des patrouilles mixtes dotées de drones légers Fox-M3 capables de surveiller les pistes nocturnes. Des postes de contrôle avancés verrouillent désormais les ponts stratégiques, réduisant la fenêtre d’infiltration criminelle à moins de trois heures. Un plan de sensibilisation des transporteurs commerciaux est parallèlement déployé afin de limiter les complicités passives le long de la route nationale. En entravant la mobilité logistique des trafiquants, l’armée protège simultanément les corridors pétroliers et miniers voisins, soulignant l’indivisibilité entre défense du territoire et sauvegarde des ressources naturelles.
Justice pénale : un effet dissuasif recherché
Les deux mis en cause seront fixés sur leur sort le 24 octobre. Le parquet a requis la peine maximale prévue par la loi sur la faune, soit cinq ans d’incarcération et cinq millions de francs CFA d’amende. De l’avis de Maître Félix Tchibota, consultant en droit militaire, la fermeté judiciaire est devenue un outil stratégique : « Chaque condamnation ferme tarit les flux financiers susceptibles d’alimenter d’autres menaces hybrides, du trafic d’armes au financement de groupes armés ». En projet, un fichier national des condamnations fauniques permettra aux forces de sécurité de suivre la récidive et d’automatiser les interdictions de séjour dans les zones protégées, renforçant ainsi l’effet dissuasif recherché par le législateur.
Biodiversité et puissance douce congolaise
Protéger l’éléphant, c’est protéger un capital stratégique. Les forêts du bassin du Congo absorbent plus de carbone qu’elles n’en émettent, offrant à Brazzaville un levier d’influence diplomatique majeur. En sécurisant la mégafaune, les FDS consolident un atout qui attire financements climatiques et partenariats technologiques, comme l’illustrent les drones ISR livrés via un mécanisme REDD+. Sur le plan domestique, les retombées touristiques soutiennent les communautés rurales, réduisant le vivier criminel et améliorant la perception des forces de sécurité.
Coopération régionale : vers une task-force anti-trafic CEMAC
Le dossier de Dolisie dynamise les pourparlers au sein de la CEMAC pour créer une task-force régionale. Brazzaville suggère de mutualiser bases biométriques et imagerie satellite déjà employées contre la piraterie afin de suivre l’ivoire depuis la forêt jusqu’au port. Le Fonds européen de paix pourrait financer des scanners portables destinés aux postes frontières. L’opération du 4 octobre démontre ainsi la disposition congolaise à conduire le combat régional contre la criminalité environnementale.
