Visite stratégique à Brazzaville
Le 9 octobre, le nouveau chef de mission de coopération de défense près l’ambassade de France, le colonel Thomas Cassan, a franchi le portail ocre de l’Ecole de génie travaux. Deux salves de clairons et l’ordre serré d’un peloton du bataillon du génie encadraient l’accueil. Derrière le protocole se lisait l’intérêt opérationnel d’une institution qui, depuis 2006, façonne les cadres techniques de la Force publique et nourrit la diplomatie de défense du Congo-Brazzaville. « Nous matérialisons la volonté commune de nos chefs d’État », a rappelé le directeur de l’EGT, le colonel-major Armand Pascal Mboumba, saluant la continuité d’un partenariat qui ne cesse de se densifier.
Un outil de souveraineté technique
Unique en son genre sur le continent, l’EGT a déjà certifié près de 3 000 stagiaires civils et militaires, du maître-ouvrier au topographe. Ce vivier alimente les travaux de défense, la maintenance des infrastructures critiques et l’appui aux opérations extérieures. Dans un environnement marqué par la recrudescence des crises climatiques et des défis sécuritaires hybrides, disposer en interne de compétences en maçonnerie, menuiserie, voirie ou simulation de conduite d’engins est une garantie de réactivité. Les Forces armées congolaises (FAC) y puisent des équipes capables de rétablir une piste d’aviation, ériger un poste frontière ou bâtir un centre de traitement d’eau lors d’une opération humanitaire.
Coopération militaire exemplaire
La présence française se traduit par un accompagnement permanent : partage de doctrine, dotations pédagogiques et transfert de technologies. Lors de la visite, le colonel Cassan a longuement échangé avec les instructeurs sur l’intégration des nouveaux standards OTAN en matière de sécurité du génie, preuve de la porosité vertueuse entre les pratiques européennes et africaines. Les plateaux techniques – imprimantes 3D pour le prototypage rapide de pièces détachées, laboratoires de topographie assistée par drone – illustrent la modernisation continue soutenue par Paris au travers du dispositif d’assistance militaire technique.
Formations orientées vers les besoins opérationnels
Le lieutenant-colonel Lovis Mabandza, directeur des études, a détaillé des cursus qui collent aux réalités du terrain. Le module « Ponts modulaires Bailey » prépare les sapeurs à déployer, en moins de huit heures, un ouvrage d’art capable de supporter 40 tonnes. Le stage « Topographie » inclut désormais le renseignement géospatial, indispensable aux unités de reconnaissance dans le cadre des patrouilles mixtes avec le Cameroun ou la République centrafricaine. De leur côté, les ateliers de menuiserie et de plomberie participent aux chantiers civils pilotés par le ministère des Travaux publics, illustrant la logique duale prônée par la loi de programmation militaire : chaque franc investi dans la défense doit irriguer le développement national.
Rayonnement régional et diplomatie de défense
Quatre-vingt-six pour cent des stagiaires étrangers proviennent de pays membres de la CEMAC. Ce brassage sert la diplomatie préventive voulue par le président Denis Sassou Nguesso : former ensemble pour éviter de s’affronter demain. Pour le colonel Cassan, « l’EGT est un trait d’union opérationnel entre armées francophones ». Les échanges entre stagiaires tchadiens, gabonais ou centrafricains élargissent un réseau de confiance utile aux opérations conjointes contre la piraterie dans le golfe de Guinée ou la contrebande transfrontalière. À terme, un certificat commun CEMAC pourrait être délivré, renforçant la normalisation régionale des procédures de soutien du génie.
Perspectives et défis capacitaires
Le chantier d’extension approuvé en conseil des ministres prévoit la construction d’un second atelier de simulation et la numérisation complète des cours. L’objectif est de doubler la capacité d’accueil d’ici 2027 tout en intégrant des modules cyber liés à la protection des systèmes industriels. Reste le défi du maintien en condition opérationnelle des engins lourds, encore tributaire des chaînes de pièces européennes. Une stratégie d’achats groupés avec les pays partenaires est à l’étude afin de sécuriser la supply-chain. Par ailleurs, l’école souhaite développer un centre de certification aux normes ISO, gage de compétitivité pour les jeunes diplômés sur les marchés publics d’infrastructures.
Symbole d’amitié et d’avenir partagé
Au terme de la visite, l’échange de présents – écusson brodé pour le colonel Cassan, maquette de pont déployable pour l’EGT – a scellé la rencontre. Au-delà du cérémonial, ce rituel souligne la vision qu’entretient Brazzaville d’une défense ouverte, tournée vers l’expertise technique et le développement humain. En forgeant des bâtisseurs au sens plein du terme, l’Ecole de génie travaux contribue à la crédibilité des FAC, au rayonnement du Congo et à la stabilité de l’Afrique centrale. L’excellence du génie, hier cantonnée aux champs de bataille, devient ici un instrument de paix, de progrès et de souveraineté.