Le bassin du Congo, nouveau théâtre d’enjeux stratégiques
Le massif forestier du bassin du Congo n’est plus uniquement un patrimoine biologique planétaire ; il constitue désormais un intérêt vital pour la sécurité nationale et la stabilité régionale. Face à la criminalité forestière, à la pêche illicite dans le golfe de Guinée et aux trafics qui irriguent parfois le financement de groupes armés, la dimension écologique se superpose aux préoccupations classiques de défense. Brazzaville, conscient de l’évolution de la menace, inscrit la protection du vivant dans sa stratégie globale, conformément aux orientations du président Denis Sassou Nguesso qui, à plusieurs tribunes internationales, a rappelé que « la paix durable passe par la préservation des ressources naturelles ».
- Le bassin du Congo, nouveau théâtre d’enjeux stratégiques
- LEAD : un outil civilo-militaire de résilience intérieure
- Doctrine « protection du vivant » des Forces armées congolaises
- Police, Gendarmerie et sécurisation de l’espace civique
- Coopération régionale et rayonnement du Congo
- Vers une souveraineté écologique renforcée à l’horizon 2030
- Lorsque l’écologie devient vecteur de puissance
LEAD : un outil civilo-militaire de résilience intérieure
C’est dans cette logique qu’a été organisé, du 9 au 11 octobre 2025 à Pointe-Noire, l’atelier d’information et de partage consacré au Réseau des Leaders Activistes Défenseurs de l’Environnement, plus connu sous l’acronyme anglais LEAD. Portée par l’ONG congolaise Global Participe, avec l’appui méthodologique de Global Witness, l’initiative vise à structurer un mécanisme de veille, d’alerte et de protection des défenseurs environnementaux. Leur vulnérabilité, soulignée par les statistiques de Global Witness – plus de 1 580 assassinats dans le monde entre 2015 et 2023 –, justifie qu’un cadre légal et opérationnel soit renforcé. En donnant au LEAD une reconnaissance officielle, le Congo ambitionne de convertir la société civile environnementale en partenaire stratégique de l’État, à l’instar des réservistes dans le domaine militaire.
Doctrine « protection du vivant » des Forces armées congolaises
La nouvelle Loi de programmation militaire comprend un chapitre sur la contribution des Forces armées congolaises (FAC) à la sécurité environnementale. Le groupement des fusiliers marins de la Marine nationale, déjà mobilisé contre la piraterie, étend ses patrouilles aux zones marines protégées pour intercepter les navires pratiquant la pêche INN. Sur la façade terrestre, la Brigade spéciale forêt, composée de gendarmes formés à l’investigation forestière et au droit de l’environnement, coordonne ses opérations avec les agents du ministère de l’Économie forestière. « La défense des écosystèmes est devenue un théâtre d’opérations à part entière », confie le colonel Fidel Satou, chef du Bureau « Environnement et développement durable » de l’état-major. L’état-major expérimente par ailleurs l’imagerie satellitaire couplée à des drones tactiques pour surveiller les concessions forestières et rapporter en temps réel les activités illégales.
Police, Gendarmerie et sécurisation de l’espace civique
Les participants de l’atelier de Pointe-Noire ont appelé à la création d’une plateforme sous-régionale légalement reconnue pour protéger les organisations de la société civile. Cette requête recoupe le programme de modernisation du ministère de l’Intérieur, qui déploie des unités de police judiciaire spécialisées dans les atteintes aux défenseurs des droits humains. Le commissaire principal Hervé Ibara rappelle que « la sécurité des militants écologiques relève de l’ordre public ». Une circulaire conjointe Police-Gendarmerie publiée cette année encadre les rassemblements pacifiques afin d’éviter toute dérive coercitive non justifiée. Dans le même esprit, l’École nationale supérieure de police introduit un module de médiation environnementale pour sensibiliser les jeunes officiers aux interactions délicates entre forces de l’ordre et activistes.
Coopération régionale et rayonnement du Congo
L’angle sous-régional du LEAD se révèle déterminant. Des activistes d’Angola, du Tchad, du Gabon, de la RDC et de la RCA ont participé aux travaux en visioconférence, soulignant la dimension transfrontalière des menaces pesant sur les défenseurs environnementaux. Dans le cadre de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, Brazzaville défend l’idée d’un protocole conjoint affaires étrangères-défense afin d’harmoniser les mécanismes d’assistance consulaire et d’exfiltration d’urgence au profit des militants menacés. Le Centre interrégional de coordination pour la sûreté maritime (CIC), basé à Yaoundé, a déjà mis son réseau de communication à disposition pour diffuser des avis d’alerte. Cette interaction illustre la diplomatie sécuritaire congolaise, qui couple dialogue environnemental et architecture de paix collective.
Vers une souveraineté écologique renforcée à l’horizon 2030
Les recommandations émises à Pointe-Noire convergent vers un cadre dissuasif contre les agresseurs des défenseurs environnementaux. Le gouvernement congolais travaille sur un décret autorisant la création de cellules territoriales de veille intégrées, où siègeront préfets, commandants de zone militaire, représentants d’ONG et magistrats du parquet. Ce dispositif devrait fluidifier la chaîne renseignement-poursuite-sanction, tout en respectant les libertés fondamentales. Sur le plan industriel, les PME congolaises du secteur tech se positionnent sur la fourniture de capteurs, de logiciels d’investigation et de solutions blockchain pour tracer le bois légal, créant des emplois qualifiés et consolidant la souveraineté numérique nationale.
Lorsque l’écologie devient vecteur de puissance
En articulant la protection des défenseurs de l’environnement à sa stratégie de sécurité intérieure, le Congo-Brazzaville démontre qu’il existe un continuum entre écologie, paix et développement. L’initiative LEAD, soutenue sans réserve par les autorités, contribue à la légitimité internationale du pays et à la cohésion de ses forces de défense et de sécurité. Loin d’être un luxe, la sécurisation de l’espace civique environnemental se révèle un investissement stratégique : elle permet de prévenir la conflictualité liée aux ressources, de renforcer la confiance entre la population et l’État et de projeter une image de puissance responsable. À l’heure où la compétition géopolitique se joue aussi sur la crédibilité climatique, Brazzaville avance ses pions avec méthode, en valorisant les compétences de ses militaires et de sa société civile dans une alliance inédite, verte et sécuritaire.
