Forum de Lomé : Nouvel Horizon pour la Sécurité africaine

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Une tribune diplomatique où Brazzaville fait entendre sa voix

Si la capitale togolaise a servi de cadre aux réflexions sur l’avenir de la paix continentale, la délégation congolaise, conduite par le ministre en charge de la Défense nationale, a su rappeler la centralité du Golfe de Guinée et des espaces fluviaux pour la sécurité collective. « Notre stabilité intérieure, a-t-il insisté en marge des échanges, dépend étroitement de la sûreté de nos lignes maritimes et de la fluidité de nos corridors terrestres ». Soutenu par les experts du Centre d’études stratégiques de Brazzaville, le plaidoyer congolais a mis l’accent sur la nécessité de mutualiser les capacités de surveillance maritime, domaine où la Marine nationale entretient déjà des coopérations actives avec le Togo, le Gabon et le Cameroun. En prenant la parole dès la session inaugurale, les représentants congolais ont ainsi replacé l’agenda sécuritaire national dans le concert africain, sans dissonance et dans le respect du multilatéralisme défendu par le président Denis Sassou Nguesso.

Autonomie stratégique : un impératif partagé

Parmi les conclusions phares du forum figure l’appel à la « relecture des accords de défense ». L’enjeu n’est pas la remise en cause des partenariats passés, mais leur actualisation face à un environnement international plus fragmenté. Le concept d’autonomie stratégique, porté par plusieurs chefs d’État présents, se traduit par la capacité à définir librement ses priorités opérationnelles, à équiper ses forces selon ses doctrines et à financer ses programmes sans dépendance excessive. Le Congo-Brazzaville, qui a déjà capitalisé sur deux lois de programmation militaire successives, voit dans cette dynamique une validation de ses choix récents : diversification des fournisseurs, montée en puissance des maintenances en territoire national et formation des cadres dans les écoles supérieures du pays. Les débats de Lomé ont confirmé que cette approche graduelle demeure la plus résiliente face aux rivalités géopolitiques qui traversent aujourd’hui le continent.

Mobilisation des ressources endogènes : la méthode congolaise

Le financement reste la clé de voûte de toute ambition sécuritaire durable. Or, comme l’a rappelé le secrétaire permanent du Comité national de désarmement, la dépendance aux guichets extérieurs limite la réactivité des forces africaines. Les participants ont donc encouragé la création de guichets de souveraineté, alimentés par la fiscalité extractive, les dividendes portuaires ou encore les obligations vertes de sécurité. Brazzaville, forte de son Fonds national de développement, envisage d’y adjoindre un compartiment Défense-Innovation dédié aux PME locales spécialisées dans la maintenance aéronautique et la robotique légère. Les retombées attendues sont doubles : pérenniser les budgets en dehors des cycles internationaux et favoriser l’émergence d’un tissu industriel dual, susceptible d’exporter dans la sous-région CEMAC. Le Forum a salué cette initiative en soulignant qu’elle répond à la fois à l’impératif de souveraineté budgétaire et à la création d’emplois qualifiés pour une jeunesse toujours plus instruite.

Intelligence artificielle et cyberdéfense : sécuriser la transition numérique

Lomé a consacré une session entière aux risques et opportunités liés à l’intelligence artificielle. Plusieurs intervenants ont rappelé que l’IA peut autant renforcer la résilience des forces qu’amplifier les menaces asymétriques. Pour le général-major chargé des télécommunications militaires congolaises, « la priorité est de maîtriser l’algorithmie de défense avant qu’elle ne nous maîtrise ». De fait, le Congo a déjà intégré des modules d’apprentissage automatique dans ses centres de fusion de données ISR, tout en consolidant ses pare-feu souverains contre les intrusions hostiles. Les recommandations finales du forum préconisent la mise en place d’un protocole africain de gouvernance éthique des données de sécurité. Brazzaville, qui abrite le futur Campus régional de cyberdéfense, s’est portée candidate pour piloter le groupe d’experts chargé d’élaborer ce référentiel, confirmant son rôle moteur sur le terrain de la transformation numérique sécurisée.

Crise des Grands Lacs : diplomatie préventive et coopération sécuritaire

Le rapport final a réservé une place significative aux tensions persistantes entre la République démocratique du Congo et le Rwanda. Sans s’immiscer dans les volets strictement bilatéraux, les participants ont réaffirmé la pertinence du mécanisme de coordination régionale auquel Brazzaville contribue par la fourniture d’officiers observateurs et de logisticiens. Dans les couloirs du forum, plusieurs analystes ont salué la diplomatie de « pont » pratiquée par le Congo-Brazzaville, jugée exemplaire pour désamorcer les crispations et maintenir un dialogue sécuritaire permanent. La proposition togolaise d’un fonds de facilitation pour la réintégration des groupes armés a reçu un soutien de principe de la partie congolaise, sous réserve d’une gouvernance transparente. Là encore, la logique est de privilégier des solutions africaines à des défis africains, au plus près des réalités du terrain.

Jeunesse et paix : investir dans le capital humain stratégique

Dernier thème, mais non le moindre : la participation accrue des jeunes aux processus de paix. Selon les statistiques rappelées à Lomé, l’Afrique comptera près de 400 millions de citoyens âgés de 15 à 29 ans en 2030. Pour Brazzaville, cette dynamique démographique n’est pas un risque inexorable, mais une opportunité de renouvellement des forces de défense et de sécurité. Les académies militaires congolaises ont déjà abaissé l’âge d’entrée à certaines formations spécialisées et introduit des modules d’entrepreneuriat civil-militaire afin de fluidifier la reconversion des personnels. Les délégués du Forum ont entériné une recommandation visant à inscrire systématiquement des représentants des mouvements de jeunesse dans les équipes de médiation. La mesure, jugée novatrice, fait écho aux programmes congolais de « réserves citoyennes », où de jeunes diplômés appuient ponctuellement les opérations de sécurité civile. Par ce biais, l’État renforce la cohésion nationale tout en offrant aux nouvelles générations une perspective constructive au service de la stabilité continentale.

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