Incendie à Radio Congo : alerte sur la résilience

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Chronologie de l’incendie et évaluation des dégâts

Dans la nuit du 28 au 29 octobre, un front de flammes d’une intensité peu commune a emporté les entrepôts de la société Sun Deep, au cœur de Pointe-Noire. En l’espace de quelques minutes, le foyer s’est propagé aux bâtiments mitoyens et a atteint la station régionale de Radio Congo, verrou stratégique de la diffusion publique sur la façade atlantique. Sous la poussée de la chaleur, un pan entier du mur d’enceinte s’est effondré, libérant un souffle de débris et d’ondes de choc qui a fragilisé les structures internes.

L’explosion du groupe électrogène, la fonte des câbles haute tension et la destruction de plusieurs salles de rédaction ont gravement compromis la capacité de la station à émettre. Le premier inventaire fait état de bureaux calcinés, de consoles de mixage irrécupérables et de serveurs informatiques rendus inopérants par la chute de la température interne. Si, fort heureusement, aucune victime n’est à déplorer, le préjudice matériel se chiffre déjà à plusieurs dizaines de millions de francs CFA, ramenant au premier plan la question de l’assurance et de la redondance des équipements critiques.

Mobilisation des sapeurs-pompiers et coordination interservices

Les secours urbains de Pointe-Noire ont engagé quatre engins anti-incendie, soit la quasi-totalité de la dotation disponible pour la commune en période nocturne. À leur arrivée, la présence massive d’insecticides entreposés — aerosols pressurisés, solvants et poudres fines — a transformé la zone sinistrée en laboratoire chimique instable. Les opérateurs ont dû recourir à une mousse spéciale de catégorie B et établir un périmètre d’exclusion doublé d’une surveillance atmosphérique, afin d’éviter toute intoxication du voisinage et des équipages eux-mêmes.

La chaîne de commandement s’est révélée cohérente : le poste de commandement opérationnel, installé sur le boulevard Kouilou, a agrégé pompiers, police, gendarmerie et représentants du cabinet du préfet. Cette coprésence a permis de désigner un officier référent unique, de synchroniser les lances et d’organiser la circulation sur les axes adjacents. L’épisode atteste des progrès accomplis depuis l’adoption, en 2021, du Plan départemental de réponse aux sinistres majeurs qui articule désormais secours civils et forces de sécurité intérieure.

Continuité radiophonique et communication stratégique

Au-delà du dégât immobilier, l’affaire questionne la résilience de l’outil de communication publique. La radio nationale reste, dans nombre de localités côtières, l’unique vecteur d’alerte précoce face aux risques maritimes, aux phénomènes climatiques et aux menaces criminelles transfrontalières. Sa mise en sommeil forcée, fût-elle partielle, fragilise la diffusion des messages officiels et, partant, le maintien de la cohésion psychologique en cas de crise.

La direction générale de la Radiodiffusion a aussitôt déclenché son plan de continuité, basculant une partie du trafic vers les antennes de Dolisie et de Brazzaville. Des car-pods satellites déployés par l’Agence congolaise des communications électroniques assurent un flux minimal sur la bande FM. Cette bascule rapide illustre la pertinence des investissements consentis sous la dernière loi de programmation du secteur numérique, laquelle impose une redondance géographique des nœuds de diffusion considérés comme d’importance vitale.

Hypothèses d’enquête et menace de sabotage

Confiée à un pool mixte police-gendarmerie, l’enquête se déploie selon deux axes : l’identification de la source thermique initiale et la recherche des auteurs du pillage opportuniste qui a suivi. Les premiers relevés balistiques et les témoins visuels suggèrent une combustion primaire depuis les stocks de solvants de Sun Deep. Pour autant, l’hypothèse d’un acte malveillant organisé, visant à neutraliser un support médiatique clé, n’est pas écartée, eu égard à la conjoncture régionale marquée par des tensions sur l’information publique.

Les nations riveraines du Golfe de Guinée connaissent ces dernières années une recrudescence d’actions de sabotage de relais hertziens. Ces agressions combinent parfois incendies criminels et intrusions pour dérober des équipements à haute valeur ajoutée. Le pillage nocturne des bureaux de Radio Congo, méthodique et ciblant exclusivement le matériel informatique, entretient cette piste. Les spécialistes du renseignement intérieur procèdent à la cartographie des circuits de revente, tandis que la Cellule nationale d’investigation numérique retrace les identifiants des appareils dérobés.

Lessons learned pour la protection des infrastructures critiques

Au regard de la doctrine congolaise de sécurité nationale, les stations de radiodiffusion relèvent des infrastructures critiques de niveau 2, aux côtés des centres de données et des dépôts d’hydrocarbures. L’événement de Pointe-Noire rappelle l’impératif de coupler protection physique et cybersécuritaire. L’installation prochaine de caméras thermiques, d’alarmes à détection de fumée connectées et d’un grillage intelligent, annoncée par la Direction du patrimoine audiovisuel, s’inscrit dans cet esprit d’aggiornamento.

Plus en amont, le ministère de l’Intérieur travaille à une mutualisation des moyens de vidéoprotection urbains avec les sites névralgiques étatiques. L’idée consiste à intégrer les flux dans un centre de coordination unique, hébergé par le Commandement territorial de la gendarmerie, afin de doter les décideurs d’une capacité d’observation en temps réel. L’incendie de Radio Congo, malgré son caractère soudain, aura ainsi servi de révélateur : la protection des voix de la République est devenue une composante à part entière de la posture de défense globale du pays.

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