Justice et Sécurité : l’État resserre l’étau

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Un contexte urbain sous haute surveillance

La recrudescence des violences perpétrées par les « Bébés noirs » et certains groupes de type « Kulunas » a rappelé, ces derniers mois, la complexité de la sécurité intérieure en milieu urbain. Sous l’autorité du président Denis Sassou Nguesso, les forces de police et de gendarmerie ont lancé, dès juillet 2024, une série d’opérations quadrillant Brazzaville, Pointe-Noire et plusieurs chefs-lieux départementaux. Plus de trois mille interpellations ont été recensées, avec un taux d’élucidation en hausse de 18 % selon la direction générale de la police nationale. La rapidité de ces résultats tient à une approche dite « multicouche » : renseignement communautaire, patrouilles dynamiques et appui technologique (drones miniaturisés, cartographie criminelle en temps réel).

Modernisation judiciaire : de la procédure à la salle d’audience

Pour transformer ces arrestations en condamnations effectives, le ministère de la Justice a engagé une réforme de fond. Depuis septembre, cinq juridictions pilotes expérimentent un système de gestion électronique des procédures pénales permettant de transmettre un dossier d’instruction en moins de 48 heures. Cette dématérialisation, appuyée par l’Agence nationale de l’informatique de l’État, réduit les risques de perte physique des dossiers et accélère la tenue des audiences. Parallèlement, un module de formation continue, élaboré avec l’École nationale d’administration et de magistrature et l’Institut de défense du service public, renforce la spécialisation des juges en matière de crimes organisés. « La célérité judiciaire est devenue un impératif de sécurité nationale », souligne un haut magistrat, insistant sur le soutien budgétaire inscrit dans la loi de finances rectificative 2024.

Désengorgement carcéral et réinsertion contrôlée

La saturation des maisons d’arrêt constituait jusqu’ici une faiblesse exploitable par les réseaux criminels. Le programme pénitentiaire prioritaire 2024-2026 prévoit la livraison de deux établissements à Kintélé et Dolisie, portant la capacité d’accueil à plus de 3 500 places supplémentaires. Chaque site intègre un bloc de haute sécurité, un centre médico-psychologique et des ateliers de formation professionnelle afin de préparer la réinsertion graduelle des détenus. Le projet, cofinancé par un partenariat public-privé avec des industriels locaux du BTP, repose sur un référentiel de sûreté validé par l’Inspection générale des services de sécurité. À court terme, le gouvernement a autorisé la mise en place de brigades mobiles d’escorte pour limiter la garde prolongée de prévenus dans les commissariats, réduisant ainsi les risques d’évasion et de récidive immédiate.

La cellule permanente Police-Justice

Pour dépasser les cloisonnements historiques, une cellule permanente de coordination Police-Justice vient d’être installée au ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation. Conçue sur le modèle des task forces inter-agences, elle rassemble officiers d’état-major, magistrats instructeurs et analystes de la direction générale de la sécurité intérieure. Objectif : garantir qu’aucun individu interpellé pour crime violent ne soit libéré sans examen contradictoire des éléments à charge et sans contrôle juridictionnel. Chaque semaine, un tableau de bord sécuritaire est transmis au Conseil national de sécurité, favorisant la réactivité stratégique. Selon le commissaire divisionnaire responsable du dispositif, cette chaîne décisionnelle raccourcie « supprime les angles morts administratifs qui, hier, rendaient possible la remise en circulation de profils dangereux ».

Partage régional d’informations et diplomatie de sécurité

Conscient que le crime ignore les frontières, le Congo renforce son ancrage multilatéral. Au sein de la CEMAC, Brazzaville a proposé la création d’un registre biométrique des personnes condamnées pour infractions violentes, interopérable avec le Système d’information policière d’Interpol. Le projet bénéficie d’un appui technique de la France et du Programme des Nations unies pour le développement, notamment pour la sécurisation des flux de données. Cette démarche répond à une réalité opérationnelle : près de 15 % des interpellations récentes impliquent des auteurs mobiles entre plusieurs capitales d’Afrique centrale. L’échange anticipé d’empreintes digitales et d’ADN criminalistique limite désormais les possibilités de fuite et favorise les procédures d’extradition simplifiées.

Cap sur la résilience sécuritaire nationale

La conjonction des volets répressif, judiciaire et socio-économique esquisse une réponse globale cohérente avec la Stratégie nationale de sécurité intérieure adoptée en 2023. Au-delà de la maîtrise de la criminalité, l’enjeu est de restaurer durablement la confiance citoyenne. L’engagement de l’État, réaffirmé par le chef suprême des armées, se traduit par un financement annuel dédié, estimé à 0,8 % du PIB, et par la mobilisation d’expertises internationales sans renoncer à la souveraineté juridique nationale. Les premiers indicateurs sont encourageants : la police signale une baisse de 11 % des agressions à l’arme blanche dans les quartiers ciblés depuis trois mois, tandis que le parquet note une augmentation corrélée des condamnations fermes. Les marges de progression demeurent, mais le cap est clair : consolider un environnement où la justice ne constitue plus l’angle mort, mais le pivot de la sécurité publique et de la stabilité congolaise.

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