Nouvelle impulsion préfectorale et gouvernance sécuritaire
Sous l’esplanade du gouvernorat d’Impfondo, le 10 octobre, l’écharpe tricolore a glissé sur l’épaule de Jean Pascal Koumba comme un solide serment de loyauté. Le ministre de l’Intérieur et de la Décentralisation, Raymond Zéphyrin Mboulou, a rappelé que le préfet est d’abord « l’œil avancé de l’État » dans la sauvegarde de l’ordre public. Dès ses premiers mots, le nouveau titulaire du poste a situé son action : conjuguer développement local et sécurité, car « l’un ne va jamais sans l’autre sur les rives du fleuve Oubangui ».
La Likouala, trait d’union entre le Congo-Brazzaville, la République centrafricaine et la RDC, représente un ressort stratégique aussi bien du point de vue territorial que géopolitique. Le préfet hérite d’une zone dense de 66 000 km² où la maîtrise de l’espace est rendue complexe par l’immensité forestière. Dans ce contexte, l’autorité civile doit orchestrer un dispositif de sûreté mêlant forces publiques, autorités traditionnelles et acteurs économiques.
Dialogue civil-militaire à Impfondo
Le défilé des forces de l’ordre qui a clôturé la cérémonie ne relevait pas du simple décorum. Il a matérialisé la symbiose recherchée entre commandement administratif et chaînes opérationnelles. À court terme, le préfet compte installer une cellule de concertation hebdomadaire réunissant Police, Gendarmerie, Armée de Terre et services de renseignement. L’objectif est de produire une appréciation partagée de la situation sécuritaire, depuis les pistes fluviales jusqu’aux postes frontières.
Ce dialogue prolongera l’esprit déjà impulsé par le président Denis Sassou Nguesso : favoriser l’« approche globale de sécurité humaine » qui irrigue les orientations nationales. « La population de la Likouala doit sentir que chaque uniforme, qu’il soit kaki, bleu ou vert, la protège avant tout », a insisté un officier supérieur présent aux côtés du préfet, évoquant la nécessité d’actions civilo-militaires renforcées dans les districts les plus isolés.
Renforcement de la chaîne de commandement intérieure
Le département dispose d’un maillage policier et gendarmique encore parcellaire, avec moins d’un poste de sécurité pour 1 000 km². Pour réduire cette vulnérabilité, le nouveau préfet va déployer un plan de densification graduelle des effectifs, adossé au recrutement local prévu dans la future loi de programmation sécuritaire. En parallèle, la rénovation des brigades fluviales figure déjà dans les priorités budgétaires et bénéficiera d’un appui logistique du ministère des Transports fluviaux.
La préfecture, agissant comme autorité de police administrative, intégrera un bureau d’analyse de risques afin de centraliser les renseignements collectés par les services territoriaux. Cet outil, inspiré des retours d’expérience du secteur pétrolier dans le Kouilou, permettra de hiérarchiser les menaces : braconnage transfrontalier, trafics de carburant, migrations clandestines. La circulation en temps réel de ces données doit fluidifier l’intervention des unités d’intervention rapide stationnées à Impfondo et à Bétou.
Priorités opérationnelles : frontières, forêt, fleuve
Au nord, la frontière avec la Centrafrique apparaît poreuse. Les incidents liés à la contrebande de bois précieux ou à la circulation d’armes légères exigent une vigilance accrue. Le préfet annonce l’activation d’un point focal unique entre la préfecture et la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), afin d’échanger des alertes sur les groupes armés en errance.
Dans la forêt marécageuse, impossible d’imposer la présence de l’État sans mobilité aérienne légère. Les Forces armées congolaises étudient le repositionnement saisonnier d’un détachement d’hélicoptères légers Alouette III, capables d’atterrir sur des clairières sommaires pour appuyer les patrouilles mixtes. Le fleuve Oubangui, quant à lui, reste l’épine dorsale économique et la voie la plus rapide pour les trafics. Le lancement prochain du patrouilleur fluvial Likouala II, modernisé dans les ateliers navals de Brazzaville, devrait dissuader les réseaux criminels et sécuriser la pêche vivrière.
Perspectives de coopération régionale et résilience locale
Le département, déjà partie prenante de l’initiative africaine de lutte contre la criminalité forestière (AFR100), entend consolider son ancrage dans les mécanismes de la CEMAC. Jean Pascal Koumba prépare une table ronde avec les préfets de l’Ouham (Centrafrique) et du Sud-Ubangi (RDC) pour harmoniser les procédures de contrôle aux frontières. Cette diplomatie de proximité, saluée par la Commission de défense de l’Assemblée nationale, vise à réduire les chevauchements de juridictions qui freinent jusqu’ici les poursuites transfrontalières.
Enfin, la dimension sociétale n’est pas occultée. Le préfet souhaite relancer les comités locaux de vigilance, composés d’anciens militaires, de pêcheurs et de leaders coutumiers, afin de créer un premier échelon d’alerte dans les villages riverains. Associée à un programme de radios communautaires soutenu par la coopération française, cette démarche favorisera la diffusion d’informations fiables et la prévention des rumeurs susceptibles de déstabiliser le tissu social. La sécurité retrouvée doit devenir le terreau d’un développement endogène, inscrit dans la vision stratégique portée par le chef de l’État : bâtir une Likouala résiliente, ouverte et sûre.