Un embargo ciblé pour couper les ailes du crime
En décrétant la suspension immédiate de l’importation des motos et des machettes, le ministère du Commerce, des Approvisionnements et de la Consommation répond à une urgence sécuritaire clairement identifiée par les forces de l’ordre. Les engins à deux roues, utilisés comme vecteurs de mobilité tactique par les délinquants, et les lames agricoles, détournées en armes blanches dans l’espace urbain, constituent depuis plusieurs mois le socle logistique des agressions commises à Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie. Le gouvernement inscrit donc cette restriction dans une logique de neutralisation de la chaîne d’approvisionnement criminelle, démarche que salue le commandement de la gendarmerie nationale, lequel évoque « un coup d’arrêt nécessaire aux flux qui alimentent la violence de rue ».
- Un embargo ciblé pour couper les ailes du crime
- Kulunas et Bébés Noirs : le visage d’une menace polymorphe
- Traçabilité commerciale et devoir de conformité
- Convergence forces de sécurité–commerce : une gouvernance rénovée
- Vers une production locale sous contrôle réglementaire
- Dimension régionale et partage de renseignement
- Restaurer la confiance citoyenne par la sécurité visible
Kulunas et Bébés Noirs : le visage d’une menace polymorphe
Nés à la faveur des recompositions démographiques et des fractures sociales post-urbaines, les groupes de jeunes délinquants baptisés « Kulunas » et « Bébés Noirs » ont progressivement perfectionné leurs modes opératoires. Ils privilégient les attaques éclair, souvent à moto, avec une machette brandie à hauteur de visage pour intimider ou blesser. Selon une note de renseignement intérieur consultée par notre rédaction, plus de soixante-dix pour cent des vols aggravés perpétrés dans la capitale impliquent ce binôme moto-lame, preuve de la corrélation entre flux commerciaux incontrôlés et insécurité grandissante. Le chef de l’État, Denis Sassou Nguesso, a rappelé le 24 octobre dernier que « la tranquillité publique n’est pas négociable », appelant à l’éradication méthodique de ces bandes.
Traçabilité commerciale et devoir de conformité
Au-delà du symbole, la mesure oblige importateurs, transitaires et distributeurs à renforcer leurs procédures de traçabilité. Chaque opérateur économique doit désormais fournir aux services techniques des données exhaustives sur l’origine des cargaisons en cours d’acheminement, leurs volumes et leur destination finale. Le ministère du Commerce a annoncé la création d’un guichet unique numérique, interfacé avec la douane et la Direction générale de la surveillance du territoire, afin d’authentifier les licences d’import. « L’objectif est de substituer au contrôle a posteriori un contrôle à la source », précise un haut fonctionnaire, convaincu que la maîtrise du registre logistique contribuera à l’assèchement des réseaux d’approvisionnement clandestin que les gangs réutilisent.
Convergence forces de sécurité–commerce : une gouvernance rénovée
Sur le terrain, la brigade mixte police-gendarmerie déployée depuis novembre travaille étroitement avec les inspecteurs du commerce. Les patrouilles urbaines, soutenues par des moyens de géolocalisation fournis par le groupement cyberdéfense de l’armée, ciblent les entrepôts suspects et vérifient l’immatriculation des motos déjà en circulation. Les premiers résultats sont tangibles : une baisse de 18 % des vols à main armée a été constatée à Brazzaville en l’espace de six semaines, selon la Direction générale de la police. Le préfet de région se félicite de cette « coproduction de sécurité » qui illustre la doctrine nationale de résilience, orientée vers l’action interministérielle et la responsabilisation des acteurs économiques.
Vers une production locale sous contrôle réglementaire
La suspension des importations ouvre également un chantier industriel. Plusieurs coopératives métallurgiques de Mindouli et Owando proposent de relancer la fabrication locale de machettes destinées exclusivement à l’agriculture, sous marquage laser et numéro de série. Ce choix encouragerait la substitution d’importations et renforcerait la souveraineté industrielle, tout en offrant à l’État un levier de contrôle puisqu’une pièce produite localement pourra être retracée jusqu’au forgeron. Le ministère de la Défense étudie, de son côté, la mise à disposition d’alliages moins propices à l’affûtage offensif, afin de réduire l’attractivité des lames auprès des malfaiteurs. Concernant les motos, un partenariat public-privé avec une entreprise asiatique envisage l’assemblage local de modèles équipés d’un dispositif d’identification électronique couplé au registre national des véhicules.
Dimension régionale et partage de renseignement
La bataille contre la criminalité transfrontalière ne s’arrête pas aux postes de douane nationaux. Les ministres de la Sécurité de la CEMAC, réunis à Yaoundé en décembre, ont validé la mise en place d’un comité technique chargé d’harmoniser les régulations sur les objets tranchants et les motocyclettes. L’enjeu est de prévenir le contournement de l’embargo congolais par l’usage des corridors terrestres secondaires. Les services de renseignement extérieurs du Congo échangent désormais des fichiers de ciblage avec leurs homologues du Gabon et du Cameroun afin de détecter d’éventuels transferts illicites. Comme l’explique le colonel-major Bemba, chef de la division coopération opérationnelle, « l’effet dissuasif de la décision nationale dépendra de notre capacité collective à fermer les tuyaux invisibles de la contrebande ».
Restaurer la confiance citoyenne par la sécurité visible
En définitive, la suspension provisoire des importations de motos et de machettes s’inscrit dans une stratégie globale de sécurisation des espaces publics. Elle complète les patrouilles renforcées, les programmes de réinsertion des jeunes en marge, ainsi que les campagnes de sensibilisation communautaire conduites par les autorités locales. Les observateurs notent que la population, jusque-là sceptique, commence à réinvestir les artères commerciales à la tombée de la nuit. À l’heure où le Congo-Brazzaville consolide son image de hub énergétique et logistique en Afrique centrale, le rétablissement d’une paix civile durable devient un facteur clé d’attractivité économique et de stabilité régionale. La mesure, bien qu’extraordinaire, illustre la détermination affichée de l’État à préserver l’ordre public et à garantir aux citoyens le droit fondamental à la sécurité.
