Une coopération interservices solide
L’interpellation d’un quadragénaire en possession d’un bébé chimpanzé le 28 octobre 2025 à Nkayi n’est pas le fruit du hasard, mais l’aboutissement d’une coordination méticuleuse entre la Région de Gendarmerie de la Bouenza, les agents de la Direction départementale de l’Économie forestière et l’équipe technique du Projet d’Appui à l’Application de la Loi sur la Faune sauvage. À l’heure où la criminalité environnementale se finance et s’organise comme les autres formes de trafic transfrontalier, la mise en commun des renseignements, des moyens de surveillance terrestre et du soutien juridique apparaît comme un impératif. Selon un officier supérieur ayant requis l’anonymat, « l’opération démontre la maturité d’une chaîne de commandement capable de mobiliser en moins de vingt-quatre heures des patrouilles convergentes depuis Madingou et Nkayi ».
- Une coopération interservices solide
- La gendarmerie face au trafic d’espèces protégées
- Le renseignement local, pivot de l’action
- Conséquences judiciaires dissuasives
- Chaîne de prise en charge vétérinaire stratégique
- Enjeux sécuritaires et diplomatiques du bassin du Congo
- Capacité de résilience et formations futures
La gendarmerie face au trafic d’espèces protégées
La mission première des forces de gendarmerie demeure la défense de l’ordre public. Pourtant, depuis quelques années, la composante « environnement » s’impose comme un champ opérationnel à part entière. Le chimpanzé, emblème de la biodiversité congolaise, bénéficie d’un statut d’espèce intégralement protégée depuis l’arrêté du 9 avril 2011. En s’attaquant au réseau qui menaçait un jeune primate, la gendarmerie adresse un signal clair : le trafic d’espèces protégées relève désormais de la même gravité que la contrebande d’armes ou de stupéfiants. Cette posture est cohérente avec la Stratégie nationale de défense et de sécurité qui intègre la protection du patrimoine naturel parmi les intérêts vitaux de la Nation.
Le renseignement local, pivot de l’action
L’arrestation n’aurait pu aboutir sans la remontée d’informations émanant des communautés rurales du district de Kindamba, premier théâtre de capture du primate. Les autorités locales avaient en effet alerté les brigades forestières sur des mouvements suspects et sur la présence d’un animal dissimulé dans un sac de jute. La Direction générale de la surveillance du territoire a ensuite recoupé ces données avec les observations de patrouilles fluviales, confirmant un possible itinéraire de vente vers un client basé à Pointe-Noire. Cette granularité de renseignement illustre l’efficacité d’un dispositif fondé sur la confiance entre population, autorités administratives et forces de sécurité : un triptyque que la doctrine congolaise qualifie de « sécurité partenariale ».
Conséquences judiciaires dissuasives
Placé sous mandat de dépôt, le suspect encourt jusqu’à cinq ans d’emprisonnement et cinq millions de francs CFA d’amende en vertu de l’article 27 de la loi 37/2008 sur la faune et les aires protégées. Le parquet de Dolisie a choisi la voie de la comparution immédiate afin d’envoyer un message de fermeté. D’après Maître Irène Mabiala, avocate spécialisée en droit de l’environnement, « la célérité de la procédure est une composante essentielle de l’effet dissuasif : plus la sanction suit rapidement le délit, plus le réseau se démotive ». Le suivi judiciaire, assuré conjointement par la Direction de la justice militaire et le ministère public, garantit la traçabilité des pièces à conviction et la préservation des droits du prévenu, conformément aux exigences de l’État de droit.
Chaîne de prise en charge vétérinaire stratégique
Confié au sanctuaire de Tchimpounga, géré par l’Institut Jane Goodall, le bébé chimpanzé recevra des soins avant une réhabilitation en milieu naturel. Au-delà de la dimension compassionnelle, cette étape répond à une logique de sécurité sanitaire : tout primate blessé peut constituer un vecteur viral si la quarantaine n’est pas observée. Les équipes vétérinaires agissent donc en extension de la défense civile, protégeant les populations riveraines contre d’éventuelles zoonoses. Le transport de l’animal, sous escorte de la gendarmerie, a fait l’objet d’un protocole strict intégrant désinfection du véhicule, contrôle de température et géolocalisation en temps réel.
Enjeux sécuritaires et diplomatiques du bassin du Congo
La République du Congo partage 5 000 kilomètres de frontières forestières propices aux incursions de trafiquants. La lutte contre la délinquance faunique possède ainsi une portée régionale, d’autant que le chimpanzé figure à l’Annexe I de la CITES. En anticipant les flux illicites, Brazzaville consolide sa crédibilité auprès des partenaires multilatéraux qui soutiennent les opérations de maintien de la paix dans le Golfe de Guinée. Le ministère des Affaires étrangères a déjà signalé cette arrestation au Secrétariat de la CITES ainsi qu’à la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale, soulignant que la sécurité environnementale constitue un volet indissociable des coopérations de défense transfrontalières.
Capacité de résilience et formations futures
Le Centre d’instruction de la gendarmerie de Djoué intégrera dès 2026 un module de formation dédié à la criminalité faunique, inspiré du retour d’expérience de Nkayi. Les stagiaires apprendront à sécuriser une scène de crime biologique, à recueillir la preuve génétique et à utiliser les bases de données d’Interpol sur le trafic d’espèces menacées. Le général Jean-Bruno Oba, commandant de la gendarmerie nationale, estime que « cette montée en compétences renforce la résilience stratégique du pays, car protéger la biodiversité revient à préserver les ressources essentielles à notre développement et à notre souveraineté ». Fort de cette dynamique, le Congo consolide sa place de leader régional dans la défense de l’environnement, en parfaite cohérence avec la vision du président Denis Sassou Nguesso pour une sécurité intégrale au service du citoyen.
