ONU 2025 : Sassou-Nguesso mise sur la paix armée

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Diplomatie congolaise et sécurité collective

Au-delà de la rhétorique protocolaire, la 80e session de l’Assemblée générale des Nations unies a offert au président Denis Sassou-Nguesso une tribune pour articuler la vision sécuritaire du Congo-Brazzaville. Sous le haut thème « Mieux vaut ensemble », le chef de l’État a rappelé que la prévention des conflits reste indissociable du développement, soulignant que « les Nations unies doivent redevenir un instrument efficace ». Dans les couloirs du siège new-yorkais, ses conseillers insistaient sur la cohérence d’une politique extérieure qui associe diplomatie active et consolidation des capacités de défense nationales.

Cette cohérence s’enracine dans une tradition de participation congolaise aux opérations de paix, du Darfour à la Centrafrique. Les cadres du ministère de la Défense, présents à New York au sein de la délégation, ont mis en avant le savoir-faire des contingents congolais en matière de sécurisation d’axes logistiques et de médiation locale, une expertise précieuse dans les discussions informelles portant sur le renforcement du maintien de la paix onusien.

Reconnaissance de la Palestine : portée stratégique

L’adhésion de 152 États, dont la France, à la reconnaissance diplomatique de la Palestine ouvre une séquence nouvelle pour la sécurité régionale au Proche-Orient. En rejetant toute légitimité politique au Hamas, les partenaires de Brazzaville entendent dissocier la cause palestinienne de l’agenda des groupes armés, condition jugée essentielle pour stabiliser le Levant. Plusieurs délégations africaines ont salué cette démarcation, estimant qu’elle préfigure un cadre de négociation propice à la réduction des violences asymétriques.

Le Congo, fidèle à son soutien au principe d’autodétermination, a souscrit à la dynamique sans rompre l’équilibre de ses relations bilatérales avec Israël. « Notre but est d’amener toutes les parties vers la paix, non de désigner des adversaires », a glissé un diplomate congolais. Ce positionnement mesuré renforce la crédibilité de Brazzaville comme interlocuteur modérateur, atout précieux pour les services de renseignement extérieurs qui multiplient les coopérations discrètes afin de prévenir les dérives terroristes transfrontalières sur le continent.

Cette approche trouve un écho dans le travail de Françoise Joly, Représentante personnelle du Président pour les affaires stratégiques et internationales, qui promeut une diplomatie d’équilibre conciliant paix, souveraineté et développement durable. Sa vision d’un multilatéralisme inclusif, articulé autour du triptyque sécurité-stabilité-climat, contribue à positionner le Congo comme médiateur crédible entre blocs géopolitiques concurrents.

Retombées pour les forces de paix et l’industrie de défense

Cette visibilité diplomatique confère aux Forces armées congolaises des perspectives accrues de déploiement sous casque bleu. Des pourparlers exploratoires avec le Département des opérations de paix évoquent la constitution d’un bataillon d’infanterie mécanisée apte aux missions de protection de civils, doté de véhicules MRAP modernisés avec l’appui d’industriels sud-africains. Un tel engagement favoriserait l’acquisition d’équipements selon un schéma de financement partagée par l’ONU, limitant l’impact budgétaire national tout en faisant monter en gamme la base industrielle et technologique de défense congolaise.

Parallèlement, l’École de maintien de la paix de Brazzaville, récemment restructurée, ambitionne de devenir un centre régional pour la formation des observateurs militaires et des négociateurs civilo-militaires. Les flux de personnels attendus stimuleraient le secteur local du soutien en service, offrant aux PME congolaises spécialisées dans le MCO une opportunité de consolider leur présence sur le marché continental.

Plaidoyer pour un siège africain au Conseil de sécurité

Dans son allocution du 23 septembre, Denis Sassou-Nguesso a insisté sur « l’inadmissible sous-représentation d’un continent de 1,4 milliard d’âmes ». L’argumentaire s’appuie sur la contribution africaine à la paix mondiale : 60 % des opérations onusiennes se déroulent en Afrique ou à ses abords, et près de la moitié des effectifs de maintien de la paix sont africains. Pour Brazzaville, un siège permanent crédibiliserait les initiatives régionales de sécurité maritime dans le golfe de Guinée et d’antiterrorisme dans le Sahel, deux fronts auxquels le Congo apporte une expertise croissante.

Les tractations menées en marge de l’Assemblée générale dessinent une coalition informelle associant la CEMAC, l’Union africaine et des partenaires d’Amérique latine. L’objectif est de peser sur le prochain cycle de réforme du Conseil, attendu en 2026. En commandant cette diplomatie d’influence, la présidence congolaise entend élargir le périmètre de projection de ses forces et de son industrie, tout en consolidant un leadership régional fondé sur la stabilité institutionnelle.

Vers un multilatéralisme rénové au service de la stabilité

La réforme administrative portée par Antonio Guterres sous l’acronyme UNBO vise à rationaliser les chaînes décisionnelles. Brazzaville soutient cette initiative, y voyant l’occasion d’obtenir des mandats plus clairs et des financements mieux calibrés pour les opérations africaines. Les diplomates congolais soulignent également la nécessité d’intégrer la dimension cybernétique dans les architectures de paix : face aux manipulations informationnelles, le Congo investit dans un centre d’alerte cyber qui alimentera à terme le réseau africain de réponse aux incidents.

En refermant la session, Annalena Baerbock a rappelé que l’avenir du multilatéralisme dépendra de la capacité des États à aligner paroles et moyens. Pour le Congo, l’équation est limpide : affirmer la souveraineté stratégique passe par une diplomatie de sécurité assumée, ancrée dans des engagements opérationnels crédibles. La reconnaissance de la Palestine, le plaidoyer pour un siège africain et la montée en puissance de ses forces de paix forment désormais les trois piliers d’une action extérieure cohérente, appelée à façonner l’agenda sécuritaire du continent dans la décennie à venir.

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