Rappel du contexte sécuritaire
Depuis plusieurs mois, l’insécurité urbaine s’est accrue dans certains quartiers périphériques de Brazzaville, où de jeunes délinquants organisés, familièrement qualifiés de « bébés noirs », multiplient attaques à l’arme blanche et extorsions nocturnes. Le phénomène, déjà monitoré par la Police nationale, a brusquement franchi un seuil critique à la fin du mois de septembre avec plusieurs homicides, suscitant une demande pressante de protection de la part des riverains et des autorités locales.
C’est dans ce contexte de tension palpable que la Direction générale de la sécurité présidentielle (DGSP) et la Garde républicaine (GR) ont été appelées en renfort pour mener une opération qualifiée d’« envergure ». Objectif affiché : désorganiser des bandes désormais mobiles et mieux renseignées, qui exploitent la densité urbaine pour échapper aux patrouilles classiques. Au-delà de la répression, il s’agit de réaffirmer la capacité de l’État à garantir la libre circulation des citoyens et la pérennité de l’activité économique dans la capitale.
Cadre juridique et chaîne de commandement
La DGSP et la GR relèvent statutairement de la Présidence de la République, avec pour mission première la protection des hautes autorités et des institutions. Leur engagement ponctuel dans une mission de police s’appuie sur l’article 2 de l’ordonnance n°11-2012, qui autorise la réquisition de forces spécialisées « lorsque la sûreté de l’État ou la sécurité publique l’exigent de manière exceptionnelle ». Le gouverneur de Brazzaville, après concertation avec le ministère de l’Intérieur, a ainsi sollicité ces unités à la lumière du caractère trans-arrondissements de la menace.
L’opération demeure toutefois placée, sur le plan procédural, sous l’autorité judiciaire du parquet de grande instance, conformément au Code de procédure pénale. Les officiers des forces présidentielles intervenant hors domaine strictement militaire doivent consigner tous actes de privation de liberté auprès d’un officier de police judiciaire. Cette articulation vise à maintenir la ligne de partage entre défense nationale et maintien de l’ordre, tout en assurant la traçabilité des mesures coercitives.
Modalités opérationnelles et retours de terrain
Selon nos informations, le dispositif combine bouclages nocturnes, postes de contrôle mobiles et perquisitions ciblées appuyées par le renseignement d’origine humaine. Les patrouilles, constituées de sections mixtes DGSP-GR, se déploient en cordons progressifs afin d’éviter la dispersion des suspects vers les zones marécageuses bordant la Tsiémé. Les opérations s’appuient également sur un maillage de drones quadricoptères fournis par la Base aérienne 01, qui alimentent en temps réel le poste de commandement avancé de Mpila.
En quatre jours, une cinquantaine de personnes ont été interpellées pour port illégal d’armes, détention de stupéfiants et association de malfaiteurs. Des habitants saluent déjà un reflux sensible des agressions sur l’avenue Marien-Ngouabi. « Nos enfants peuvent enfin rentrer de l’école sans escorte », témoignait jeudi un chef de quartier du 6ᵉ arrondissement. Ce satisfecit populaire confère un indéniable capital de confiance à l’action de l’État, tout en plaçant la suite de l’opération sous un puissant regard citoyen.
Voix contrastées de la société civile
Deux organisations, le Centre d’actions pour le développement (CAD) et l’Observatoire congolais des droits de l’homme (OCDH), expriment néanmoins des préoccupations. Dans une déclaration rendue publique le 30 septembre, le CAD évoque l’hypothèse d’exécutions extrajudiciaires et appelle le Procureur de la République à diligenter des enquêtes. L’OCDH, de son côté, questionne la compétence de la DGSP en matière de maintien de l’ordre, rappelant que cette charge incombe traditionnellement à la Police.
Ces critiques, tout en soulignant la vigilance du tissu associatif, n’éludent pas la reconnaissance par les mêmes ONG de la nécessité de lutter contre le grand banditisme. Plusieurs comités de parents d’élèves, réunis le même jour à la mairie centrale, ont d’ailleurs plaidé pour que la manœuvre se poursuive « tant que les règles de nécessité et de proportionnalité sont observées ». Le débat public s’oriente donc moins sur l’opportunité de l’intervention que sur la manière d’en garantir la conformité juridique.
Formation, éthique et contrôle
La doctrine d’emploi des forces congolaises inclut depuis 2018 un module de droit international humanitaire et de droits de l’homme élaboré avec l’appui du CICR. Les effectifs DGSP-GR déployés dans la capitale ont tous suivi ce cursus, complété cette année par une session sur la gestion des foules hostiles dans un environnement asymétrique. Le Chef d’état-major particulier du Président a rappelé, dans une note interne, que « chaque manquement documenté donnera lieu à sanction disciplinaire immédiate ».
Par ailleurs, une équipe mobile de la Commission nationale des droits de l’homme a été accréditée pour accéder aux lieux de détention temporaires et recueillir d’éventuelles plaintes. Ce mécanisme de monitoring, déjà éprouvé lors des précédentes opérations de sécurisation des sites pétroliers de la Cuvette, constitue un garde-fou supplémentaire. Il traduit la volonté institutionnelle de concilier efficacité opérationnelle et respect scrupuleux de la dignité humaine.
Perspectives de gouvernance sécuritaire
À court terme, la priorité reste la neutralisation complète des cellules violentes et la restitution du terrain à la Police nationale pour les missions de proximité. Un retour à la normalité passera également par la réhabilitation de l’éclairage public et le renforcement de programmes de réinsertion des jeunes en rupture, pilotés par le ministère des Affaires sociales avec l’appui de la Banque mondiale.
À plus long terme, l’expérience en cours pourrait déboucher sur l’élaboration d’un protocole permanent de collaboration entre forces présidentielles et autorités civiles, inspiré du modèle gabonais de « cellule mixte de réaction rapide ». En arrimant robustesse régalienne et contrôle démocratique, le Congo consoliderait le socle de sa sécurité intérieure, indispensable à la stabilité régionale et à l’attractivité économique que promeut le président Denis Sassou Nguesso.