Opération Hygiène Zéro : la police muscle le balai

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Une manœuvre d’envergure au cœur de la capitale

Dans la moiteur d’un samedi d’octobre, bulldozers et camions siglés du groupement logistique des forces de sécurité intérieure ont investi les grands axes de Brazzaville. Sur le bitume encore mouillé par les premières pluies, uniformes bleu nuit et treillis sable évoluent côte à côte, balais à la main, pour dégager les monticules d’ordures qui hérissent les trottoirs. L’image, saisissante, s’inscrit dans un plan spécial de salubrité urbaine voulu par les autorités : réhabiliter les artères stratégiques et renforcer le sentiment de sécurité environnementale des riverains. À Talangaï comme à Mikalou, le ballet des engins lourds rappelle qu’ici la logistique de la défense nationale sait se réinventer au service du bien commun.

Logistique militaire et police de l’hygiène : un tandem stratégique

Sous la houlette du colonel Jean-Mayela Moussounda, chef du groupement logistique, l’opération mobilise une chaîne d’approvisionnement comparable à celle d’un déploiement extérieur. « Nous avons appliqué les mêmes procédures que pour une projection humanitaire », confie l’officier, pointant du doigt la planification des itinéraires, la gestion du carburant et la maintenance des Caterpillar. L’initiative révèle la dualité des moyens : un parc roulant dimensionné pour le soutien des forces, mais disponible, dans les temps d’accalmie, pour la résilience civile. En curant les caniveaux de l’école Grand Fleuve, les sapeurs de la police technique renforcent également leurs capacités de recomposition du terrain, compétence utile en cas d’inondations ou de catastrophes naturelles.

Sécurité de proximité : entraînement grandeur nature

Au-delà de la collecte d’ordures, l’opération constitue une répétition tactique pour les unités mixtes. Les binômes police-gendarmerie se rodent à la coordination interservices, à la gestion de flux de population et au contrôle d’axes routiers. Les communications radio testent la robustesse du réseau crypté VHF, tandis que les équipes de circulation fluidifient le trafic détourné par les engins de génie. Pour le commissaire principal Sylvie Mboko, « chaque coup de pelle est aussi un coup de projecteur sur le professionnalisme de nos personnels ». Le terrain urbain dense, semé de micro-incidents – véhicules mal stationnés, attroupements spontanés – offre un laboratoire idéal d’entraînement en conditions réelles, sans les contraintes d’un exercice fictif.

Acceptabilité sociale et communication opérationnelle

Les riverains, d’abord intrigués par la présence massive des forces de l’ordre, ont rapidement applaudi la démarche. Plusieurs habitants de Mikalou racontent avoir vu les uniformes comme un « mur de protection » contre la prolifération de moustiques et de maladies hydriques. Cette adhésion populaire n’est pas fortuite : la délégation communale avait préalablement diffusé, par haut-parleurs et réseaux communautaires, un message de sensibilisation à la gestion des déchets. Le ministère de l’Intérieur y voit une consolidation du contrat de confiance entre citoyens et forces de sécurité. « La sécurité, c’est aussi la santé publique », rappelle un communiqué officiel, soulignant l’importance d’une communication proactive pour éviter toute perception coercitive de l’opération.

Responsabilité citoyenne et culture stratégique de l’hygiène

L’initiative brazzavilloise illustre une philosophie de gouvernance prônée par le président Denis Sassou-Nguesso : la sécurité humaine comme pierre angulaire du développement. Dans cette optique, l’insalubrité devient une menace diffuse, susceptible d’alimenter tensions sociales ou crises sanitaires. En y répondant par un dispositif sécuritaire, l’État affirme que la maîtrise de l’environnement urbain relève de la défense des intérêts vitaux. Les écoles du service civique, invitées à rejoindre les rotations, diffusent ainsi une culture du geste propret qui, demain, pourrait s’ériger en seconde nature collective. Le pari est que chaque sac-poubelle mis dans le conteneur scelle un acte de patriotisme quotidien.

Perspectives : vers une doctrine pérenne de résilience urbaine

Selon le plan spécial dévoilé au commissariat central, la phase pilote menée sur les tronçons Grand Fleuve-Talangaï précédera un déploiement progressif vers les quartiers périphériques. Les données collectées – quantités de déchets, temps de rotation des bennes, indices de satisfaction – seront intégrées à une cartographie SIG destinée au centre national de commandement. À terme, il s’agira d’adosser le programme à la prochaine loi de programmation de la sécurité intérieure, afin de sanctuariser les budgets carburant et maintenance nécessaires. Plusieurs partenaires techniques étrangers, déjà engagés sur le recyclage des déchets à Pointe-Noire, ont marqué leur intérêt pour un transfert de solutions de valorisation énergétique. Si ces pistes se concrétisent, Brazzaville pourrait devenir un modèle sous-régional de ville-caserne, où la défense des habitants commence par la propreté des rues.

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