Des enjeux sécuritaires redéfinis par l’expérience récente
L’annonce précoce de plusieurs candidatures, dont celle d’Aurélien Brillant Miamissa pour la Jeunesse Unie pour la République, cristallise déjà les attentes autour du scrutin de mars 2026. Ce calendrier élargi offre toutefois aux institutions congolaises la latitude nécessaire pour affiner un dispositif de sûreté électorale revu à l’aune des leçons tirées des échéances précédentes. Le ministère de l’Intérieur et de la Décentralisation, en coordination avec l’état-major des Forces armées congolaises, place au cœur de sa feuille de route l’intégrité physique des électeurs, la protection des infrastructures de vote et la fluidité des communications entre services. Dans un contexte régional marqué par des tensions électorales chez plusieurs voisins, Brazzaville souhaite se présenter en modèle de stabilité, capital intangible pour l’attractivité économique nationale.
- Des enjeux sécuritaires redéfinis par l’expérience récente
- Modernisation des forces de police et de gendarmerie
- DGSP et renseignement : une posture de prévention
- Cybersécurité du fichier électoral et chaîne logistique
- Dialogue politique et éducation citoyenne
- Dimension régionale et coopération multilatérale
Modernisation des forces de police et de gendarmerie
Sur le volet terrestre, la police nationale et la gendarmerie peaufinent un maillage territorial reposant sur des “patrouilles de rassurance” mobiles et des postes avancés temporaires. Les unités d’intervention rapide, dont le Groupement mobile de la police (GMP) et la Légion de gendarmerie de Brazzaville, ont récemment reçu de nouveaux moyens de commandement numérique permettant la géolocalisation en temps réel des équipes. Cette modernisation, soutenue par l’enveloppe triennale de la Loi de programmation de sécurité intérieure, s’accompagne d’un effort notable en formation. Dans le centre d’instruction de Kintélé, près de 400 officiers subalternes suivent actuellement un module sur la gestion graduée de l’usage de la force, dispensé avec l’appui de formateurs marocains et camerounais. L’objectif assumé est de conjuguer fermeté et respect des libertés publiques, principe fondamental rappelé par le Premier ministre lors de la dernière session parlementaire.
DGSP et renseignement : une posture de prévention
Si la Direction générale de la sécurité présidentielle (DGSP) est souvent associée à la protection rapprochée du chef de l’État, elle joue également, à travers son service de veille stratégique, un rôle charnière dans la détection amont des risques de déstabilisation. Les dernières émeutes urbaines ayant ciblé des gangs dits “Bébés noirs” et “Kulunas” ont incité la DGSP à renforcer sa coopération avec la police criminelle afin de neutraliser les flux d’armes artisanales dans les quartiers sensibles. L’état-major s’efforce par ailleurs de substituer aux opérations de répression ponctuelles une approche de renseignement de proximité, articulée autour de réseaux d’alerte communautaires. Selon un officier supérieur approché par notre rédaction, cette doctrine « permet d’endiguer la violence en amont plutôt que d’intervenir sous la pression médiatique », tout en préservant la confiance de la population envers les forces loyalistes.
Cybersécurité du fichier électoral et chaîne logistique
La Commission nationale électorale indépendante (CENI) poursuit la consolidation de son infrastructure numérique. Le fichier électoral biométrique, hébergé dans un data-centre à connexion isolée, bénéficie depuis juillet d’un double chiffrement AES-256 et d’un plan de sauvegarde hors ligne. L’Agence nationale de cybersécurité a déployé une équipe de « chasseurs de vulnérabilités » chargée d’auditer l’ensemble des terminaux d’enrôlement, tandis que la Direction générale des transmissions des FAC supervise la redondance des liaisons satellitaires pour les départements reculés. Ces évolutions répondent aux préoccupations exprimées par plusieurs acteurs politiques, dont le JUR, au sujet de l’ancrage technique de la transparence. En parallèle, un partenariat logistique signé avec la compagnie aérienne Equaflight garantit l’acheminement sécurisé du matériel sensible vers les bureaux de vote situés le long du corridor fluvial jusqu’à Ouesso.
Dialogue politique et éducation citoyenne
La sécurisation d’un scrutin ne saurait être uniquement l’affaire des forces en uniforme. Sous l’égide du ministère de l’Administration du territoire, un comité ad hoc réunit désormais, chaque trimestre, les représentants des partis légalement reconnus. Lors de la session d’octobre, Aurélien Brillant Miamissa a présenté les grands axes de son programme en matière de gouvernance sécuritaire, plaidant notamment pour un renforcement des polices municipales. Les propositions ont été actées dans le compte rendu officiel, signe d’un climat de débat apaisé. Parallèlement, le Haut-commissariat à la promotion des valeurs de paix organise une campagne d’éducation civique, diffusée sur Radio Congo et relayée par les chefs de quartier, afin de rappeler l’interdiction du port d’armes blanches le jour du vote et les procédures de signalement d’incidents via la plateforme téléphonique 117.
Dimension régionale et coopération multilatérale
Conscient que la sécurité d’un scrutin national se joue parfois au-delà des frontières, Brazzaville intensifie sa collaboration au sein du Conseil de paix et de sécurité de la CEMAC. Un protocole d’échange de renseignements sur les mouvements transfrontaliers a été signé avec le Cameroun et la RCA pour la période couvrant décembre 2025 à avril 2026. De leur côté, les Forces navales congolaises maintiennent la surveillance du tronçon côtier du golfe de Guinée, élément clé pour prévenir toute infiltration maritime. La mission d’observation de l’Union africaine, invitée dès à présent, procèdera en janvier à une évaluation pré-déploiement des dispositifs. Pour le général Jean-Dominique Okandzi, chef d’état-major des FAC, « la transparence sécuritaire est un bien public régional ; notre crédibilité collective en dépend ». Les mois à venir seront donc déterminants pour ancrer durablement, dans le paysage centre-africain, l’image d’un Congo capable de conjuguer pluralisme politique et stabilité opérationnelle.
