La loi de 2022, pierre angulaire d’une sécurité modernisée
Adopté à l’unanimité par le Parlement, le code pénitentiaire promulgué le 20 avril 2022 consacre la transformation du personnel de l’administration des services pénitentiaires en un corps à vocation paramilitaire. Cette orientation s’inscrit dans l’objectif fixé par le président Denis Sassou Nguesso de renforcer la chaîne pénale et de consolider l’État de droit, en dotant les établissements carcéraux d’effectifs capables de conjuguer discipline militaire et compétence juridique.
Le législateur a insisté, dans l’article 42, sur la nécessité d’un statut particulier, seul outil à même de garantir la neutralité opérationnelle, la montée en puissance de l’encadrement et la résilience face aux menaces contemporaines : surpopulation, radicalisation, cyber-criminalité organisée depuis l’intérieur des murs. À l’échelle régionale, cette norme rapproche le Congo des standards CEMAC, où la mutualisation des pratiques pénitentiaires devient un levier de coopération sécuritaire.
Une filière pénitentiaire aux ambitions paramilitaires
Au sein de l’École nationale d’administration et de magistrature, la filière Administration des services pénitentiaires forme depuis 2018 un vivier d’officiers destinés à superviser les 12 maisons d’arrêt et les deux camps pénaux du pays. Les 147 élèves de la promotion 2019, menés par leur deuxième secrétaire Chadrel Fredriche Ondzounga, rappellent que leur cursus comprenait trois semestres académiques et un semestre paramilitaire, indispensable à l’obtention du diplôme d’inspecteur.
Cette dimension militaire n’est pas anodine : elle doit conférer aux futurs cadres la capacité de commander des personnels armés, d’assurer la mobilité des escortes judiciaires et de répondre, en appui des forces de gendarmerie, à tout incident majeur. La formation initiale prévoit un module balistique, des exercices de tir reflexe, des simulations d’émeute carcérale et un volet renseignement pénitentiaire, clé de la prévention des évasions concertées.
Avancées gouvernementales et contraintes budgétaires
Du côté de la chancellerie, le ministère de la Justice rappelle qu’un comité interministériel rassemble, depuis février, des représentants de la Défense, des Finances et de la Fonction publique afin d’opérationnaliser le nouveau statut. « Le chantier est prioritaire, mais il implique des ajustements d’effectifs, la rénovation de trois centres d’instruction et la création d’un compte d’affectation spécial pour la dotation logistique », confie un haut cadre judiciaire sous couvert d’anonymat.
L’exécution du programme a pâti de la pandémie, puis de la volatilité des cours pétroliers ayant comprimé la capacité d’investissement de l’État. Toutefois, la loi de finances 2024 prévoit une ligne de 4,8 milliards FCFA destinée à la montée en puissance du corps pénitentiaire, incluant l’achat d’uniformes, de gilets pare-balles et de moyens de communication chiffrée compatibles avec le réseau sécurisé du commandement de la gendarmerie nationale.
Vers une doctrine de formation intégrée
Le schéma retenu par les experts privilégie une mutualisation des infrastructures. Les recrues de l’ENAM devraient suivre, dès janvier prochain, un module d’aguerrissement de six semaines au camp lieutenant-Pierre-Moukoko, centre historique des forces spéciales congolaises. Elles rejoindraient ensuite l’École des officiers de gendarmerie de Oyo pour la partie maintien de l’ordre pénitentiaire. Cette architecture modulaire, déjà éprouvée pour les douaniers armés, permet de partager l’instruction avec les forces intérieures, de rationaliser les coûts et de tisser des liens interservices dès la formation initiale.
Un second axe porte sur l’intégration du renseignement. Sous l’égide de la Direction générale de la surveillance du territoire, un module e-learning décrypte les techniques d’exploitation des écoutes pénitentiaires et l’analyse comportementale. L’enjeu est d’ériger chaque cadre de prison en capteur remontant des signaux faibles utiles à la sûreté nationale, notamment face aux réseaux jihadistes transfrontaliers qui cherchent, dans la région, à convertir les détenus de droit commun.
Implications stratégiques pour la sécurité intérieure
L’attente des élèves, exprimée publiquement le 6 octobre, s’inscrit dans un climat de dialogue institutionnel plutôt que de tension. Le Premier ministre Anatole Collinet Makosso a, à plusieurs reprises devant le Parlement, réaffirmé la volonté du gouvernement de « livrer une réforme exemplaire, afin que nos prisons cessent d’être des angles morts de la sécurité intérieure ». La présidence suit le dossier avec une attention particulière, consciente que la crédibilité de la justice et la stabilité sociale passent aussi par des établissements pénitentiaires sûrs et bien commandés.
À moyen terme, la montée en puissance du corps paramilitaire pénitentiaire participera de la déconcentration des forces de sécurité. Elle libérera la gendarmerie de certaines missions de garde statique et donnera au ministère de la Justice la pleine maîtrise de son outil opérationnel. Au niveau international, la réforme accroîtra la capacité du Congo à envoyer des unités pénitentiaires spécialisées dans les missions onusiennes de stabilisation, répondant ainsi aux standards PRI (Penal Reform International) et renforçant le rayonnement diplomatique de Brazzaville.