Santé mentale, pilier de la résilience sécuritaire
Le 10 octobre, à l’occasion de la Journée mondiale de la santé mentale, l’Organisation internationale pour les migrations a exhorté gouvernements et bailleurs à accroître leur soutien financier aux programmes psychosociaux. Derrière cet appel se cache un enjeu stratégique : la santé mentale n’est plus seulement une préoccupation humanitaire, elle devient un paramètre de sécurité intérieure et de stabilité régionale. Dans les zones affectées par les catastrophes naturelles ou les conflits armés, l’absence de prise en charge psychologique génère frustrations, comportements violents et, in fine, un terreau fertile pour les groupes criminels. Protéger la santé mentale revient donc à réduire les risques sécuritaires latents, en particulier dans les pays frontaliers du Golfe de Guinée où la pression migratoire s’ajoute aux trafics illicites et à la piraterie.
- Santé mentale, pilier de la résilience sécuritaire
- Crises migratoires : révélateur de vulnérabilités stratégiques
- Les forces congolaises renforcent leur dispositif de soutien
- Coopération internationale : Brazzaville valorise sa diplomatie sanitaire
- Financements durables et synergies public-privé
- Vers une doctrine régionale de soutien psychosocial
Crises migratoires : révélateur de vulnérabilités stratégiques
L’OIM rappelle que près de vingt interventions humanitaires ont été compromises en 2025 faute de ressources suffisantes, du Tchad au Mozambique. Chaque opération retardée laisse des migrants livrés à eux-mêmes, confrontés à la stigmatisation, à la violence ou au recrutement forcé par des réseaux de traite. Dans cette équation, le facteur psychologique pèse lourd. Des études internes aux agences onusiennes indiquent qu’un migrant souffrant de stress post-traumatique est trois fois plus susceptible d’accepter des activités illégales pour subvenir à ses besoins. Les flux migratoires deviennent ainsi un multiplicateur de risques pour les services de sécurité. Au Congo-Brazzaville, carrefour naturel entre Afrique centrale et côte atlantique, la Gendarmerie nationale estime que 17 % des faits de violence recensés dans les camps improvisés autour de Brazzaville présentent une composante psychologique non traitée.
Les forces congolaises renforcent leur dispositif de soutien
Consciente de cette réalité, la République du Congo a engagé depuis 2022 un partenariat avec l’Université Marien-Ngouabi pour former des psychologues militaires capables d’accompagner soldats et populations civiles dans les théâtres d’opérations. Selon le colonel-médecin Jérôme Mabiala, chef du Service de santé des armées, « soigner l’esprit du combattant, c’est prolonger l’endurance opérationnelle et limiter les dérapages sur le terrain ». Les premières équipes mobiles, déployées lors de l’exercice interarmées Kimia 23, ont réalisé plus de 800 consultations, réduisant de moitié les évacuations sanitaires pour troubles anxiodépressifs. Parallèlement, la Direction générale de la police nationale intègre un module de premiers secours psychologiques dans la formation des unités d’intervention, afin de limiter les violences collatérales lors des opérations de maintien de l’ordre.
Coopération internationale : Brazzaville valorise sa diplomatie sanitaire
La stratégie congolaise s’inscrit dans une dynamique multilatérale. Lors de la dernière session du Comité des chefs de police de la CEMAC, Brazzaville a proposé la création d’une Cellule régionale de santé mentale de crise, adossée au centre de coordination maritime de Pointe-Noire. L’objectif est d’offrir un soutien psychologique immédiat aux équipages victimes de piraterie, aux pêcheurs interceptés ou aux migrants secourus en mer. Cette approche, soutenue par l’OIM et l’Union africaine, renforce le rôle pivot du Congo dans la sécurité collective du Golfe de Guinée. Le ministère congolais des Affaires étrangères y voit également un vecteur d’influence douce, capable de consolider des alliances opérationnelles tout en améliorant l’image de marque du pays sur la scène internationale.
Financements durables et synergies public-privé
Le nerf de la guerre demeure le financement. Selon les chiffres de l’OIM, la santé mentale capte en moyenne 2 % des budgets nationaux de la santé, un ratio que le Congo ambitionne de porter à 5 % d’ici 2027 grâce à une fiscalité incitative sur les hydrocarbures. Les grands opérateurs pétroliers installés à Pointe-Noire ont déjà conclu des accords de mécénat, en particulier pour la construction d’un Centre d’expertise psychotraumatique rattaché à l’Hôpital des armées. De leur côté, les start-up congolaises de la tech proposent des plateformes de télémédecine sécurisées, appuyées par l’ANSSI, afin de garantir la confidentialité des échanges. Cette triangulation État-industrie-innovation s’impose comme un modèle de résilience financière face à l’imprévisibilité des crises humanitaires.
Vers une doctrine régionale de soutien psychosocial
Au-delà du financement, se dessine la nécessité d’une doctrine intégrant pleinement le facteur mental dans la planification opérationnelle. Les états-majors congolais travaillent déjà sur un guide de planification interarmées incluant un chapitre dédié à l’évaluation psychologique préalable des zones de déploiement. Cette vision s’appuie sur le retour d’expérience des contingents congolais engagés en Centrafrique sous mandat des Nations unies. Sur le terrain, le moral des troupes s’est avéré décisif pour maintenir le dialogue avec les populations locales et prévenir les affrontements non désirés. Amy Pope, nouvelle Directrice générale de l’OIM, souligne que « la dignité et la résilience des communautés affectées commencent souvent par une écoute empathique ; armées et humanitaires doivent parler d’une même voix ». À l’heure où les risques hybrides mêlent menaces sanitaires, informationnelles et sécuritaires, le soutien psychosocial apparaît comme le socle intangible de la paix durable.